12 jan 2024

Daniel Buren fait tomber une pluie de couleurs au Bon Marché

Chaque année, le Bon Marché confie son grand magasin à un artiste contemporain pour réinventer ses espaces. Dernier en date : Daniel Buren, qui profite de cette carte blanche pour transformer le lieu avec une pluie de couleurs et de formes géométriques jusqu’au 18 février 2024.

Le Bon Marché transformé par l’artiste Daniel Buren

 

Au dessus des présentoirs beauté Chanel et de la boutique de parfum Guerlain du Bon Marché, un immense mobile de plusieurs centaines de carrés translucides flotte au dessus du vide. Semblable à un gigantesque lustre rose poudré qui occupe presque tout l’espace, cette œuvre imaginée par Daniel Buren (né en 1938) s’observe de long en large, la tête levée depuis le rez-de-chaussée, de face dans les escalators ou penché sur la rambarde du premier étage du grand magasin parisien. Et, si l’on prend le temps de se retourner, on découvre également une seconde installation similaire, toute de blanc immaculé. 

 

Signatures de l’artiste français de 85 ans, ces deux grands carrés comparables à un damier en trois dimensions répondent à la seconde partie de l’exposition, cachée au dernier étage du Bon Marché. Plongée dans l’obscurité sous l’ancienne verrière du bâtiment, une constellation de cubes jaunes et bleus se réfléchit sur des murs recouverts de miroirs et crée une impression de profondeur déconcertante. Répétant le quadrillage du plafond de verre, ces œuvres formées à partir d’un assemblage de petits carrés font elles-mêmes écho aux motifs géométriques que l’on retrouve projetés sur les grands écrans, qui peuplent les vitrines extérieures de cette institution de la rive gauche.

Aux Beaux Carrés : le nouveau travail in situ de Daniel Buren

 

De la même manière que Rossy de Palma ou Subodh Gupta ont, l’an dernier, investi les espaces du Bon Marché pour y déployer leur imaginaire foisonnant, Daniel Buren s’est à son tour emparé de l’architecture du magasin pour y installer ses œuvres. Une exposition pensée spécialement pour les lieux après un long travail réalisé in situ, dans lequel l’artiste français excelle depuis la fin du 20e siècle. De ses incontournables colonnes plantées dans la cour du Palais-Royal à son Passegiando coloré dressé sur la Piazza Verdi à La Spezia en passant par son cube perché sur le toit du Centre Pompidou de Málaga, Daniel Buren transforme tous les espaces qu’il occupe, dans un élan créatif dont lui seul semble avoir le secret. 

 

Grand ponte de l’art contemporain, révélé dans les années 60 avec le mouvement BMPT – aux côtés des trois artistes Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni –, Daniel Buren répond depuis plus de vingt ans à de nombreuses commandes qui proviennent des quatre coins du monde, du Japon au Mexique en passant par les États-Unis et, bien sûr, la France. Le Bon Marché s’ajoute ainsi désormais à son tableau de chasse, mais semble lui avoir donné moins de fil à retordre que ses précédents projets. “Il y a évidemment des espaces plus faciles à investir que d’autres, précise l’artiste. Ici, c’est comme si l’endroit était déjà prêt à accueillir mon travail : au-dessus de ces deux grands espaces au rez-de-chaussée, sur l’escalator évidemment, et au deuxième étage.”

Le Bon Marché sublimé par un échiquier de lumières et de couleurs

 

Sur les fameux escalators croisés du Bon Marché conçus par Andrée Putman en 1989, on retrouve les célèbres bandes noirs et blanches de Daniel Buren, recouvrant les rebords des montées mécaniques, et qui se retrouveront également bientôt placardés au sein de nombreux arrêts de métro de la capitale. Des lignes – toujours très exactement espacées de 8,7 centimètres – qui font son succès depuis les années 80, caractéristiques, avec ses carrés colorés, de son univers artistique. 

 

Malgré tout, le cœur de cette nouvelle exposition ne réside pas dans ces deux aspects mais plutôt dans l’utilisation de la lumière, sur laquelle le plasticien a longuement travaillé aux côtés du concepteur lumière Madjid Hakimi – et avec lequel il avait notamment collaboré pour la scénographie du ballet Daphnis et Chloé l’opéra Bastille en 2014. Comme pour ce dernier projet imaginé il y a exactement dix ans, Daniel Buren a ainsi conçu son intervention au Bon Marché de la même manière qu’un spectacle. Éclairés de lumières roses ou blanches, ses lustres rayonnent au centre du grand magasin, tandis que ses cubes installés sous la verrière du second étage plongent les visiteurs dans un univers obscur, dont s’échappent quelques rayons bleus et dorés.

Dans la salle du dernier étage du Bon Marché, parmi ces cubes bleu vif et jaune pétant, les visiteurs se retrouvent plongés dans une toute autre expérience. Au sein de ce lieu vidé des présentoirs et autres boutiques qui s’y trouvent habituellement, Daniel Buren souhaite “immerger” les quelques curieux qui s’y seront aventurés dans un décor surprenant. “Chaque couleur se reflète différemment dans la rétine de chacun” explique-t-il, nous plongeant dans une expérience proche de la synesthésie, où les contrastes et les lumières régulent l’espace. Une immersion subjective donc, à découvrir au gré d’un détour shopping, jusqu’au 18 février au Bon Marché Rive Gauche. 

 

 

`“Daniel Buren : Aux Beaux Carrés : travaux in situ”, exposition jusqu’au 18 février au Bon Marché, avec le soutien de la Galleria Continua Paris,  24 Rue de Sèvres, Paris 7e.