Art Basel Miami Beach : les 7 expos qu’il fallait voir pendant la foire
Rendez-vous international de l’art contemporain, la foire Art Basel Miami Beach donne ce mercredi 6 décembre le coup d’envoi d’une semaine riche en événements. L’occasion de découvrir dans la ville floridienne de nombreuses expositions, performances et projections inédites.
Par Matthieu Jacquet.
La première exposition muséale de Sasha Gordon, future star de la peinture, à l’Institute of Contemporary Art
À seulement 25 ans, Sasha Gordon promet déjà de devenir une star de la peinture figurative. Sans doute parce que l’artiste new-yorkaise a rapidement mis au point un style reconnaissable entre mille, principalement à travers ses sujets récurrents : des femmes, souvent nues, aux visages ronds très expressifs et parfois disproportionnés, dépeints dans des scènes énigmatiques et néo-surréalistes, entre danses nocturnes, étranges matchs de tennis et concert de violon inquiétant. Derrière cette galerie de personnages se cache en réalité l’artiste elle-même, qui utilise l’autoportrait pour dévoiler de multiples facettes d’elle-même exprimer aussi bien ses fantasmes que ses angoisses, entre dépression, chagrin amoureux et expérience du racisme – l’artiste a des origines juives polonaises et coréennes –, non sans un humour grinçant. À Miami, l’Institute of Contemporary Art lui consacre sa toute première exposition muséale.
Tau Lewis, jusqu’au 28 avril 2024 et “Sasha Gordon. Surrogate Self”, du 5 décembre 2023 au 10 avril 2024 à l’Institute of Contemporary Art.
Joan Didion, une grande figure de la littérature américaine au Pérez Art Museum Miami
Il y a deux ans, les États-Unis perdaient l’une de leurs plus grandes plumes : l’écrivaine Joan Didion, née en 1934, dont l’œuvre a traversé la seconde moitié du 20e siècle jusqu’aux années 2010. Connu pour ses passionnants romans mais également ses reportages pour The New York Times ou encore Esquire, celle qui a fait ses débuts en tant que rédactrice mode au magazine Vogue n’a cessé de passé au crible la société et la politique américaines, de la vague hippie à la vie de la Première dame Nancy Reagan en passant par le mouvement des Black Panthers. Dans une exposition-hommage, les archives jalonnant son parcours rencontrent les œuvres d’une cinquantaine d’artistes, de Felix Gonzalez-Torres à Ana Mendieta, qui partagent avec elle des thématiques communes, et révèlent les dessous de l’Amérique de leur époque. A découvrir également au Pérez Art Museum Miami (PAMM), une rétrospective de Gary Simmons, dont l’œuvre pluridisciplinaire – peinture, sculpture, installation – interroge voire dénonce depuis les années 80 le mythe américain en détournant des éléments de la pop culture.
“Joan Didion. What She Means”, jusqu’au 7 janvier 2024 et “Gary Simmons. Public Ennemy”, du 5 décembre 2023 au 28 avril 2024 au Pérez Art Musem Miami.
Les éphèbes mélancoliques Hernan Bas au Bass Museum
Rayon de supermarché, bassin rempli de nénuphar, ring de boxe ou encore paysage enneigé… Si leurs décors changent sans cesse, les toiles de Hernan Bas déclinent depuis vingt ans un même sujet : le passage à l’âge adulte, incarné par ces éphèbes souvent esseulés, interrompus dans leur activité, dont le regard contemplatif traduit une forme de mélancolie moderne. Cet hiver, l’Américain revient à Miami, sa ville d’origine, pour présenter au Bass Museum une trentaine de peintures – pour la plupart jamais montrées – où références à la littérature du 19e siècle et la figure du dandy croisent clins d’œil à la culture LGBTQ+ dans ces fragments de récits faussement banals. En parallèle, le musée dévoile une fresque réalisée par la regrettée peintre et poète libanaise Etel Adnan (disparue en 2021), composition où des formes abstraites de sa palette de couleurs signature immergent dans un véritable paysage mental.
“Hernan Bas. The Conceptualists”, jusqu’au 5 mai 2024 et “Etel Adnan. Painting into space”, jusqu’au 17 mars 2024 au Bass Museum.
Le match de boxe queer de Nicki Duval & Robbie Trocchia
Au-delà des vernissages, talks et cocktails divers, la semaine de l’art à Miami est également l’occasion d’assister à des performances. À l’instar de celle organisée par l’artist run space Locust Projects au sein de la foire Untitled Art, ce jeudi 7 décembre. Parmi la cinquantaine de projets proposés, c’est celui d’un duo de jeunes artistes, Nicki Duval and Robbie Trocchia, qui aura retenu l’attention de la structure non lucrative. Mise au point l’été dernier lors d’une résidence, la pièce intitulée bout, met en scène un combat de boxe chorégraphié en s’inspirant des peintures réalistes de l’artiste américain Georges Bellows (1882-1925) : à travers cette démonstration virile, les deux artistes interrogent les codes culturels asculins en y apportant une lecture queer, plus inattendue. Au-delà de cet événément, Locust Projects organise plusieurs expositions en son sein, et dévoile cette semaine une installation sculpturale et sonore de l’artiste Tania Candiani, où bois, air et eau imitent la trajectoire des oiseaux migrateurs.
“Nicki Duval & Robbie Trocchia. bout”, performance le 7 décembre de 18h à 19h à la Untitled Art Fair.
“Tania Candiani. Waterbirds: Migratory Sound Flow”, exposition du 5 décembre au 10 février 2024 à Locust Projects.
Les contes textiles de Basil Kincaid au Rubell Museum
Partagé entre St. Louis et Klagon, au Ghana, Basil Kincaid explore les liens entre ses racines africaines et sa vie américaine dans une œuvre principalement textile, qui convoque des références et techniques ancestrales. Son médium de prédilection, le quilting – ou matelassage –, lui permet par l’assemblage minutieux de tissus récupérés de créer des compositions denses, colorées et foisonnantes. On y croise motifs issus des arts décoratifs africains, figures presque fantomatiques imprégnées par les mythes et légendes avec lesquelles il a grandi, autant que références à l’histoire des populations afro-américaines, tandis que chaque œuvre met en exergue un savoir-faire exceptionnel, puisque la plupart des tissus sont cousus et brodés à la main. Au Rubell Museum, l’artiste de 37 ans présente le fruit d’une résidence qui lui a permis de développer, avec l’aide du musée, des contes textiles proches des tapisseries ou encore des fresques.
“Basil Kincaid. Spirit in the Gift” au Rubell Museum.
La peinture fantasmagorique et inclassable de Walasse Ting au NSU Art Museum
Révélé dans les années 50, le peintre et poète Walasse Ting américano-chinois (1929-2010) fait partie de ces artistes inclassables que l’on ne saurait affilier complètement à un courant de son époque. Peuplées de perruches, de bouquets de fleurs généreux, de femmes sensuelles, chats, chevaux et autres poissons, ses toiles saturées de couleurs presque fluorescentes croisent en effet des références au fauvisme et expressionnisme, pop art et héritage du mouvement CoBrA, mais également la tradition de la peinture de son pays d’origine, la Chine, qu’il quittera par la suite pour s’installer à New York. Au NSU Art Museum, cette rétrospective immergeant dans la jungle fantasmagorique de l’artiste semble résonner avec l’expostion adjacente, “Glory of the World Color Field Painting (1950s through 1983)”, qui retrace de son côté l’histoire du mouvement pictural américain qui a fait la notoriété de Mark Rothko, Barnett Newman ou encore Frank Bowling au milieu du 20e siècle.
“Walasse Ting. Parrot Jungle”, jusqu’au 10 mars 2024 et “Glory of the World: Color Field Painting (1950s to 1983)”, jusqu’au 30 juin 2024 au NSU Art Museum.
La rêverie mystique en plein air de Julianknxx
Situé à quelques pas du Miami Beach Convention Center, siège principal de la foire Art Basel, le Sounsdcape Park possède, au-delà de ses jardins de palmiers et pergolas, une autre particularité : celle d’accueillir un véritable cinéma en plein air. Ainsi, sur la façade de la salle de concert New World Center conçue par l’architecte Frank Gehry, on découvre cette semaine une création visuelle du vidéaste, poète et performer Julianknxx. Basé à Londres et originaire du Sierra Leone, l’artiste récemment exposé au Barbican Centre dévoile ici un rêverie mystique où des figures énigmatiques émergent puis se fondent dans un brouillard onirique. Un projet qui s’inscrit dans l’exposition “Poetics of Dimension”, organisée par le collectif ARTNOIR et soutenue par la banque UBS, où cinq artistes contemporains noirs convoquent divers médiums pour transgresser les frontières entre les médiums artistiques et ceux dits “non artistiques”, tout en se réappropriant des mythes et histoires collectifs.
“Julianknxx. …encounter?flee (untitled)”, au Soundscape Park.
“The Poetics of Dimensions”, exposition du collectif ARTNOIR du 6 au 10 décembre 2023 à l’UBS Art Studio, Art Basel Miami Beach.