25 juil 2019

Alex Israel appelle Batman en plein Marseille

Sur le toit de la Cité radieuse, au MAMO, l’artiste Alex Israel nous plonge au cœur du mythe hollywoodien de Batman. Le légendaire bolide du super-héros, la fameuse Batmobile, y attend, vrombissante, les spectateurs, comme pour réaliser leurs rêves les plus fous.

“Batmobile 1989”, Alex Israel, 2019, © We Are Content(s), Courtesy of MAMO, Marseille Modulor.

La cocasserie est sans doute l’une des grandes qualités de l’art contemporain actuel,quoique souvent involontaire. Pour l’inauguration de l’exposition estivale d’Alex Israel au MAMO, centre d’art fondé par Ora-ïto, le maire Jean- Claude Gaudin (79 ans, le phrasé chantant, les chaussures orthopédiques aux pieds) s’est déplacé en personne pour remettre la médaille de la ville à la star californienne, toujours affublée de ses lunettes de soleil (ses propres créations, l’artiste a lancé sa marque il y a quelques années). Hollywood rencontre les Tontons flingueurs et sort l’artillerie lourde : le Batsignal (signal de détresse lumineux utilisé pour convoquer Batman) et la Batmobile (l’incroyable voiture du super-héros aux allures de chauve-souris). Ces deux objets mythiques, issus du film original de Tim Burton (1989), sont en effet installés pour l’été sur le toit de la Cité radieuse, au centre d’art MAMO. “J’avais en tête ce mythe d’une ville de Marseille dure et cupide où, dans les années 60, quelqu’un se faisait tirer dessus tous les jours : une Gotham City de la Méditerranée”, explique Alex Israel. Le Californien avoue n’avoir jamais visité la ville, mais connaît son aéroport. Jean-Claude Gaudin appréciera l’ironie de la situation, a posteriori. Mais qu’importent les faits, puisque le sujet de l’artiste est le fantasme.

 

Alex Israel n’a pas toujours été l’artiste successful que l’on connaît, représenté par les marchands Gagosian et Almine Rech, spécialiste des collaborations avec les grandes maisons de luxe (comme tout récemment, les bagages Rimowa, propulsés au sommet de la hype par  Alexandre Arnault). Il fut l’assistant de l’artiste Jason Rhoades dont il administra la succession et les archives avec la méga galerie Hauser & Wirth. C’est sans doute là, dans le saint des saints du commerce artistique, et au contact de Hollywood, qu’Alex Israel comprit que l’essentiel n’était pas dans la qualité intrinsèque de l’objet artistique, mais dans sa capacité à faire fantasmer, à devenir le fétiche du désir d’un client, collectionneur ou spectateur. Il a ainsi très souvent exposé, tels quels ou presque, des accessoires ou des décors de cinéma – jouant d’une mécanique de déplacement séduisante et souvent drolatique.

“Bat Signal 1989”, Alex Israel, 2019, © We Are Content(s), Courtesy of MAMO, Marseille Modulor (2)

Affubler l’œuvre d’art de cette nouvelle aura pop et spectaculaire requiert un sens du storytelling aiguisé. La projection du symbole de Batman dans le ciel est ainsi décrite comme une première mondiale (dans le film, en effet, seuls sont à l’œuvre des effets spéciaux), et la négociation avec Warner Bros. pour présenter la Batmobile d’origine fut une gageure. Est-il besoin de préciser que créer un Batsignal qui fonctionne et transporter sur le toit de la Cité radieuse une voiture plongée dans une salle obscure digne de la Batcave fut une prouesse technique ? “La Batmobile n’est pas une réelle voiture, relativise Alex Israel, ce n’est qu’une coquille vide. Il n’y a pas de moteur, le bruit vient d’une machine, et la fumée, d’une autre. Ce n’est qu’une illusion. La voiture est le fétiche ultime, particulièrement pour ma génération qui a découvert, à 6 ans, au cinéma, tout le potentiel visuel de l’imaginaire et du fantasme.” Depuis, Alex Israel travaille à l’exploiter.

 

Exposition Alex Israel, jusqu’au 31 août au MAMO, centre d’art de la Cité radieuse, Marseille.