921 artistes marginaux s’installent au Centre Pompidou
L’art brut est une notion créée en 1945 par Jean Dubuffet pour qualifier les œuvres de malades psychiatriques et de marginaux qu’il possède. Le Centre Pompidou s’apprête à y consacrer une nouvelle sallepermanente, grâce au don exceptionnel de 921 œuvres de Bruno Decharme, collectionneur qui accumule ces pièces depuis les années 70.
Par La rédaction.
Cette donation est un événement inespéré pour Bernard Blistène, directeur du musée national d’Art moderne du Centre Pompidou. Le collectionneur Bruno Decharme vient en effet de céder 921 œuvres d’art brut à l’institution parisienne. Si le chiffre a de quoi impressionner, cet ensemble ne constitue pourtant qu’une modeste partie de sa collection personnelle. Celle-ci compte en effet entre 5000 et 6000 pièces, moisson de 40 années passées à dénicher les meilleurs talents de ce genre pictural, encore peu célébré. La volumineuse sélection “Art brut Donation Bruno Decharme” sera exposée dans une salle permanente de 50 m² qui sera inaugurée le 21 juin 2021. Son espace s’avérant trop réduit pour le millier d’œuvres à accueillir, un roulement renouvellera, tous les 6 mois, les œuvres présentées.
Bruno Decharme est moins un expert des marchés de l’art qu’un passionné, épris de ces œuvres de marginaux et de fous, qualifiées d’art brut. La paternité du terme est attribuée au plasticien Jean Dubuffet qui désigne de cette manière les pièces de malades mentaux, de prisonniers, de mystiques, d’anarchistes et de révoltés qu’il collectionne. C’est une visite de la Collection d’art brut de Lausanne, lors de son inauguration en 1977, qui déclenche la passion de Bruno Decharme (qui, attiré par la production de documentaires, fut notamment assistant du célèbre réalisateur Jacques Tati). Devant les œuvres, il est frappé d’une véritable révélation. À cette époque, pourtant, ces artistes intéressent peu les acheteurs. Il acquiert alors un Adolf Wölfli (artiste qui fut interné dans un asile en 1895 après une vaste production de 1300 dessins), pour la modique somme de 300 euros. Aujourd’hui, un dessin du même artiste s’échangerait entre 10 000 et 30 000 euros, selon une estimation de la maison Christie’s. Depuis, la collection de Bruno Decharme s’est agrandie de quelques 420 artistes, du milieu du XIXe siècle à nos jours.
Cette donation au Centre Pompidou n’est pas sa première tentative de diffusion de l’art brut. Afin de valoriser les pièces de sa collection, Bruno Decharme fonde, dès 1999, l’association ABCD (Art brut connaissance et diffusion) installée à Montreuil (Seine-Saint-Denis), qui expose ce que d’aucuns surnomment aussi l’art des fous. Arrivé à l’âge de 69 ans, le collectionneur a toutefois pris conscience que ses accumulations boulimiques risquaient d’être dispersées à sa mort. En effet, ses enfants n’auraient guère eu les moyens de s’acquitter des droits de succession, proportionnels à l’envolée des prix de certaines pièces. La suggestion de Bernard Blistène en novembre 2020, lui a paru providentielle : ouvrir un département dédié à l’art brut dans le Centre Pompidou. Féru de découvertes, Bruno Decharme a toutefois insisté pour qu’un centre de recherche soit conjointement créé, afin de persévérer dans la connaissance de cette forme d’expression.