15 œuvres d’art spectaculaires installées en plein désert
Ouvert au public du 11 février au 30 mars 2022, le site antique d’AlUla en Arabie Saoudite accueillait la Biennale Desert X qui a convié une quinzaine d’artistes à investir le désert pour y faire naître de fascinantes œuvres.
Par Thibaut Wychowanok.
Avec ses monumentaux tombeaux sculptés à même la falaise, en plein cœur du désert, la région d’AlUla se rêve déjà en nouvelle Pétra. Pourtant, ce site historique situé au nord-ouest de l’Arabie saoudite était encore inconnu il y a cinq ans. Il est aujourd’hui une destination prisée – depuis, en réalité, que le royaume a décidé en 2017 d’en valoriser le patrimoine…avec quelques arguments. Sur près de 30 000 km2, AlUla offre l’une des plus belles successions de vallées et de canyons désertiques parsemés d’oasis de verdure luxuriante. Ce paysage irréel favorise à lui seul une certaine expérience du sublime, un choc esthétique et spirituel provoqué par la puissance éternelle d’une nature grandiose, fascinante et hors échelle. Véritable joyau de la région, la ville antique de Hégra – avec sa centaine de tombeaux aux façades spectaculaires se déployant sur 52 hectares – est fondée au Ier siècle avant notre ère par le royaume nabatéen, également à l’origine de Pétra. Mais c’est en réalité sur plus de sept mille ans que différentes civilisations s’y sont succédé et métissées, attirées par ce passage stratégique sur la route de l’encens.
AlUla représente aujourd’hui un tout autre enjeu pour l’Arabie saoudite, qui y voit une opportunité de redorer son image en y célébrant un carrefour des civilisations ouvert au dialogue interculturel – et, dès lors, une aubaine touristique. Jusqu’ici dépendant de sa manne liée aux hydrocarbures, le royaume a donc lancé un ambitieux programme de développement sur ce site, se prolongeant jusqu’en 2035. Parmi les nombreuses initiatives artistiques prévues, l’implantation de la Biennale de land art Desert X constitue sans doute l’une des plus belles réussites. Initié en 2017 dans le désert californien, ce rendez-vous invite, tous les deux ans, des artistes de renommée internationale à installer in situ des œuvres monumentales d’inspiration land art. Dans le désert américain des environs de Coachella se sont succédé les stars Doug Aitken, Richard Prince, Sterling Ruby et Oscar Murillo. Pour son volet dans le désert d’Arabie, dont l’édition s’est tenue en février et mars, Desert X invitait cette fois-ci une quinzaine d’artistes occidentaux et régionaux à explorer les notions de mirage et d’oasis. Le résultat s’y révèle aussi spectaculaire qu’en Californie. “Dans le désert, le mirage et l’oasis ont longtemps été associés aux idées de survie, de persévérance, de désir et de richesse”, explique Reem Fadda, l’un des trois commissaires. “L’oasis évoque la recherche de la prospérité et du paradis, alors que le mirage est un symbole universel des mystères de l’imagination et de la réalité. Il est à la fois question de l’inconcevable beauté de la nature dans son état le plus démuni – le désert – et du désir obsessionnel de l’homme de la contrôler.”
Les différentes structures en métal et miroirs de l’artiste d’origine polonaise Alicja Kwade métamorphosent la déambulation au sein du désert et de ses canyons en un parcours labyrinthique bouleversant. Jouant sans cesse avec les perspectives du visiteur, les rares arbres et roches ponctuant les lieux apparaissent et disparaissent dans les reflets jusqu’à faire douter de leur réalité même, mettant en alerte tous les sens. L’Américain Jim Denevan, quant à lui, s’inscrit plus directement dans l’héritage du land art. Il élève, en pleine vallée, une succession de pyramides de sable de tailles différentes. Leur agencement forme un impressionnant vortex, un dialogue avec les entrailles de la terre, le ciel infini et le vent balayant cette œuvre éphémère jusqu’à la faire disparaître. Autres mirages dispersés dans la montagne : les volumineuses œuvres en acier de l’artiste émiratie Shaikha AlMazrou – évoquant des structures gonflables – s’imbriquent avec délicatesse dans les anfractuosités de la roche, comme une intervention de l’homme qui à la fois parasite la nature et la soutient dans ses failles. Autant de moments suspendus dans l’espace et le temps. Enfin, les Saoudiennes Shadia Alem et Dana Awartani offrent chacune leur interprétation sculpturale de ce dialogue avec le désert et la roche. Shadia Alem adapte l’art de l’origami pour faire surgir du sable une rose du désert sci-fi et métallique qui décompose son environnement et le reflète à travers une multitude de facettes parcellaires. De son côté, Dana Awartani trouve son inspiration directement dans l’architecture vernaculaire d’AlUla et des tombes nabatéennes. Son œuvre prend la forme d’une sculpture géométrique concave qui ne dépare pas dans cet ensemble fabuleux de montagnes, de gorges, de cavernes et de rochers.