7 livres dans lesquels se plonger cet été, d’Oppenheimer à Kundera
L’été est souvent le meilleur moment pour rattraper son retard et enfin lire la pile de livres amassés au cours de l’année. Numéro en retient sept à glisser dans sa valise ou son sac de plage.
Par Camille Bois-Martin.
1. Pour réveiller sa fibre artistique : “Cosmos ambulant” de Richard Texier
“Je n’y parle pas du cœur chaud de la création. […] Détails et anecdotes en disent plus long que de vaines théories artistiques.” Dès l’introduction de Cosmos ambulant, Richard Texier pose les bases de son nouvel ouvrage : il sera avant tout ici question de raconter des histoires. Ainsi se construit son roman de plus de trois-cents pages, au cours desquelles le peintre et sculpteur français passe en revue les résidences artistiques qui ont jalonné sa carrière et l’ont amené à transporter son atelier “ambulant” aux quatre coins du monde, des États-Unis à la Russie en passant par la France ou la Chine. Enchaînant les anecdotes, le plasticien détaille chapitre par chapitre – ouverts par une photo en noir et blanc, un lieu et une date – les nombreuses rencontres et expériences, mêmes anodines, qui ont marqué et parfois orienté son travail. D’un écrivain trappeur rencontré dans un quartier de Manhattan à une jeune femme croisée un lendemain de fête à Moscou, en passant par le fascinant bestiaire de la dynastie des Han découvert à Shanghaï.
“Cosmos ambulant” de Richard Texier, éditions Gallimard, 336 pages, 2023.
2. Pour trôner sur la table basse : un livre collector sur Arnold Schwarzenegger
Arnold Schwarzenegger est un mythe à lui seul. Élu Mister univers à de nombreuses reprises, acteur incontournable du panthéon hollywoodien, gouverneur de Californie… De sa musculature spectaculaire à son parcours hors norme, il fait partie de ceux dont le nom résonne à travers le monde entier depuis des décennies – sans pour autant prendre une ride. Hommage à sa success story et consécration de son illustre égotisme, les trois éditions collector proposées par Taschen retracent la vie du septuagénaire au gré de photographies sensationnelles signées Richard Avedon, Robert Mapplethorpe ou encore Andy Warhol, et d’interviews exclusives. Au sein de ces imposants volumes se croisent ainsi des images du bodybuilder en puissance, muscles contractés sur la plage ou en pleine forêt, cigare à la bouche devant le Parlement américain ou version sex-symbol à moto. Bonus surprenant, inclus dans l’édition d’Art : un portrait quasi grandeur nature d’Arnold Schwarzenegger sur des skis, photographié par Annie Leibovitz en juin 1997.
Arnold Schwarzenegger, disponible en 997 exemplaires, en édition collector, édition d’Art en collaboration avec Annie Leibovitz et en édition Capitello (avec une version miniature du fauteuil conçu par le Studio 65). Éditions Taschen, 334 pages, 2023.
3. Pour satisfaire sa curiosité : le catalogue de l’exposition “Des cheveux et des poils”
Un petit rasoir en or ouvre les hostilités : première page du catalogue de l’exposition Des cheveux et des poils présentée au musée des Arts décoratifs de Paris jusqu’en septembre, cet objet concentre tout un pan de notre histoire. Car si nos poils (et par extension nos cheveux) nous ramènent à notre condition de mammifère, ils sont aussi ce qui nous différencie des animaux. Rasés de près, brossés, noués, ornés, peignés ou laissés “indomptés”, ces derniers véhiculent un message, une adhésion à une mode, une conviction ou, plus récemment, une forme de contestation. À travers deux-cents œuvres et objets, l’ouvrage nous plonge ainsi dans l’histoire de notre pilosité depuis le 15e siècle, et à ce que celle-ci peut bien signifier, entre représentation sociale et symbolique amoureuse – des mèches de cheveux offertes en gage d’amour au 17e siècle en passant par le manteau-perruque blond imaginé par Martin Margiela pour sa collection printemps-été 2009. Un sujet fascinant à explorer qui, que cela passe par l’ouverture de ce curieux ouvrage ou en arpentant les couloirs de l’exposition, suscite à la fois attraction et répulsion.
Catalogue “Des cheveux et des poils”, sous la dir. de Denis Bruna, éditions Les Arts Décoratifs, 288 pages, 2023.
4. Pour se creuser les méninges : “De Civitate Angelorum”, de Donatien Grau
Il est grand temps de ressortir son Gaffiot : l’homme de lettres, critique d’art et professeur Donatien Grau vient de publier son dernier roman De Civitate Angelorum (“De la Cité des anges”), entièrement rédigé en latin. L’ouvrage de 24 pages, vendu en librairie sans aucune traduction, ne présente qu’une mystérieuse phrase en guise de résumé sur sa quatrième de couverture, “Scribendo de Civitate, incipio rem novam et simul antiquam.”, à traduire par “En écrivant sur la ville, je commence une chose aussi nouvelle qu’ancienne”. L’auteur français concentre en effet son récit sur Los Angeles, où il a travaillé pour la réouverture du Getty Research Institute, et nous emmène dans une visite des quartiers de Venice ou Hollywood, dont il décrit, en latin donc, l’architecture et les communautés. Il remonte ainsi aux racines de la ville et propose à chacun de se plonger dans une langue oubliée – bien que ses stigmates se trouvent partout dans notre vocabulaire.
“De Civitate Angelorum” de Donatien Grau, éditions Yvon Lambert, 24 pages, 2023.
5. Pour sa culture personnelle : “On Women”, Susan Sontag
Dans les années 60, les essais de Susan Sontag (1933-2004) font l’effet d’une bombe. Particulièrement la publication en 1964 de Notes on Camp (inspiration du MET Gala de 2019) puis d’Against Interpretation and Other Essays en 1966, où l’écrivaine pose les bases de sa pensée, animée par un intérêt pour les frontières et hiérarchies entre les “hautes” et les “sous” cultures, qui inscrira ses ouvrages parmi les classiques des Cultural Studies. Publiés dans les décennies qui ont suivi, les sept textes regroupés par les éditions Hamish Hamilton, difficilement trouvables depuis plusieurs années, permettent ainsi de redécouvrir la pensée féministe de Susan Sontag et articulent, entre les questions de vieillesse et de pouvoir, celles de “la politique et [de] l’esthétique d’être une femme aux États-Unis, dans les Amériques et dans le monde” (introduction de Merve Emre). Et entrent, encore aujourd’hui, en résonance avec nos sociétés contemporaines, prouvant toute la pertinence des réflexions de cette grande penseuse disparue en 2004.
“On Women” de Susan Sontag, éditions Hamish Hamilton, 186 pages, 2023.
6. Pour pleurer au soleil : relire ou découvrir “L’insoutenable légèreté de l’être » de Kundera
C’est un classique parmi les classiques : depuis sa publication en 1984, L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera fascine les lecteurs du monde entier, pour son titre cryptique tout comme pour son histoire teintée de pessimisme. Réédité à de multiples reprises, le roman phare revient tristement cet été sur les devantures des librairies depuis la disparition de l’écrivain au début du mois de juillet. L’occasion de découvrir ou de se replonger dans l’histoire d’amour déchirante (et déprimante) qui relie les personnages de Tomas et Tereza, Sabina et Franz, et au gré de laquelle Milan Kundera délivre une dialectique sur la pesanteur et la légèreté contradictoires de ne pouvoir vivre qu’une vie…
“L’insoutenable légèreté de l’être” de Milan Kundera, éditions Gallimard, 480 pages, 1984.
7. Pour coller à l’actualité : la biographie de Robert Oppenheimer
Pendant près de vingt-cinq ans, Kai Bird et Martin J. Sherwin ont sondé toutes les sources historiques existantes pour reconstituer la vie du physicien américain et père de la bombe atomique Robert Oppeinheimer (1904-1967). De son enfance passée à New York dans une famille juive d’origine allemande à ses études de physique quantique à Cambridge et Göttigen en passant par ses années cruciales passées à concevoir la bombe dans le désert de Los Alamos et les auditions de la commission de sécurité américaine l’accusant d’avoir transmis des informations à l’URSS… Les deux historiens américains ont ainsi passé au peigne fin la vie passionnante de cet homme – jusqu’à lire le rapport de dix mille pages rédigé par le FBI – et en livrent un portrait romanesque, récompensé du prix Pulitzer de la biographie un an après sa publication en 2005, et à l’origine du dernier long-métrage de Christopher Nolan, dans les salles depuis la mi-juillet.
“Robert Oppenheimer. Triomphe et tragédie d’un génie” de Kai Bird et Martin J.Sherwin, éditions cherche midi, 912 pages, 2005 (traduction française : 2023).