22 août 2023

Le concert de Billie Eilish à Rock en Seine valait-il vraiment 1,5 million d’euros ?

Pour ses 20 ans, Rock en Seine voyait grand. Pour sa soirée d’ouverture, ce mercredi 23 août, le festival se déroulant au parc de Saint-Cloud programmait la pop star et idole de la génération Euphoria Billie Eilish. La chanteuse américaine de 21 ans aurait même empoché 1,5 million d’euros pour embraser 40 000 fans. Numéro y était et retrace cette soirée riche en émotions. 

C’est sans doute l’une des plus belles têtes d’affiche du festival Rock en Seine, qui se déroule en banlieue parisienne, à Saint-Cloud, depuis 20 ans. Ce mercredi 23 août, Billie Eilish jouait sur la plus grande scène de l’événement, lors d’une soirée exclusivement féminine. Après les prestations plus qu’honorables de Lucie Antunes, Tove Lo et Girl in Red (entre autres), l’auteur-compositrice-interprète-actrice américaine de 21 ans arrive pile à l’heure attendue, 22h. Une preuve de grand respect envers ses fans, venus nombreux.

 

Billie Eilish à Rock en Seine : un concert sans temps mort

 

Billie Eilish est comme sur ses photos Instagram : elle porte un grand t-shirt noir de foot américain, un legging et un micro-short, ainsi que des cheveux bicolores : racines rouges, frange corbeau et élastique enfantin fait de petites boules en plastique. Rock et plein de fantaisie. Lors d’un set sans temps mort de plus d’1h30, la star de la pop alternative va jouer des titres qui sont presque tous devenus des hymnes : Bury a Friend, Idontwannabeyouanymore, Your Power, When the party’s over, Everything i wanted, Bad Guy ou encore Happier Than Ever. Elle se fend même d’une version très touchante de sa ballade imaginée pour la BO de Barbie : What Was I Made For ?. Généreuse, la chanteuse qui murmure d’une voix toujours proche de la rupture, sautille tout le long du concert, enjoint la foule à se déchaîner, propose de l’eau au public surchauffé, évoque un nouvel album, lors d’un duo avec son frère Finneas, à la guitare, et sourit beaucoup entre les morceaux. Bref, elle communique sans cesse avec son public. Même si certains trouvent moins puissant, volcanique et bouleversant son live de Rock en Seine, par rapport à celui donné à l’Accor Arena il y a un an, Billie Eilish séduit par son charisme, ses mélodies accrocheuses et son énergie pop-punk. 

Des fans de Billie Eilish à son image

 

Les 40 000 personnes présentes ce soir-là, dont beaucoup de jeunes filles vêtues comme leur icône, en baggy et t-shirt oversize, sont extatiques. Elles dansent, éructent, connaissent ses morceaux par cœur, qu’elles hurlent comme des mantras. Beaucoup ont attendu durant des heures, au soleil, pour pouvoir être dans les premiers rangs. Les malaises s’enchaînent. Certains fans sont allongés, à l’instar de Billie Eilish, qui s’étend sur le sol pour chanter l’un de ses titres, comme s’ils étaient dans leur chambre à coucher, frappés par une épiphanie. Une osmose rare se crée entre la chanteuse et son public. L’idole de la génération Euphoria a su touché les adolescents en plein cœur avec ses chansons émotionnelles, intimes et mélancoliques qui parlent des anxiétés de la jeunesse : toxicomanie, chagrin d’amour, solitude, suicide…

 

Le cadre du domaine national de Saint-Cloud ne colle pas forcément avec ses chansons électro-pop expérimentales et sa voix qui tient souvent du feulement, mais ses refrains rock et l’imposant arsenal de lumières rouges stroboscopiques parviennent à en faire un moment de communion à taille humaine. Il faut dire que Billie Eilish a le don pour saisir les attentes du public qui lui lance des soutien-gorges et d’autres présents tout au long de son show. Quand on lui fait parvenir une couronne dorée en papier, elle la met sur sa tête. Elle s’enroule aussi dans un drapeau LGBT et (s’)offre un bain de foule, là où la diva Beyoncé est taxée d’être froide avec ses fans. La magie Billie Eilish tient en grande partie à sa capacité à tisser du lien et à provoquer l’identification.

Un show à 1,5 million d’euros : un record pour Rock en Seine

 

Si le concert de la chanteuse à Rock en Seine était une belle réussite, une question demeure. Billie Eilish aurait touché un cachet record d’1,5 million d’euros pour assurer le show à Saint-Cloud. Si on fait un rapide calcul, cela représente la moitié de la recette de la soirée qui affiche sold-out – 40 000 billets à 85 euros l’unité qui se sont arrachés en très peu de temps. Cela rejoint, en partie, la question des prix des billets devenus de plus en plus exorbitants, surtout aux États-Unis où certains doivent débourser plus de 2000 euros pour voir leur artiste fétiche en live et la polémique des golden pits (fosses or). Les musiciens vendant moins de disques physiques, ils se rattrapent avec le cachet demandé, et le prix des places suit. Sur la scène, ce soir-là, on a simplement affaire à une artiste ultra talentueuse : pas de cheval argenté, ni de décors affriolants. « Seulement » des flammes, de la fumée et un feu d’artifice retentissant sur Happier than ever. Rien ne justifie un tel cachet, à part la notoriété de l’artiste elle-même, devenue l’une des stars de la pop les plus influentes de sa génération. Mais un tel montant est-il compatible avec l’esthétique « punk »/emo et de l’attitude low profile de Billie Eilish ? C’est un autre débat…