Les meilleures BO du producteur Oneohtrix Point Never, de Sofia Coppola aux frères Safdie

par Alexis Thibault.

Publié le 29 octobre 2025. Modifié le 20 novembre 2025.

Un collaborateur de The Weeknd et Charli xcx

Collaborateur de The Weeknd ou de Charli xcx, le musicien américain Daniel Lopatin, alias Oneohtrix Point Never, 43 ans, crée son alias en 2007, en clin d’œil à la station de rock alternatif Magic 106.7 qu’il écoutait adolescent. Et le voilà épris de drone music. Un courant minimaliste hérité du raga indien et des avant-gardes des années 1960, fondé sur la tenue de sons continus.

Car Daniel Lopatin sculpte, à coups de synthétiseurs vintage, des symphonies de grondements et de nappes prolongées. Révélé en 2011 avec Returnal, il imposera une écriture austère, presque méditative, dans la lignée de Kraftwerk ou de la Symphonie monoton-silence d’Yves Klein (1949).

Tranquilizer, le nouvel album du producteur Oneohtrix Point Never

Intitulé Tranquilizer, le onzième album du producteur explore justement le territoire flou entre réel et simulacre, où la mémoire devient matière première. Les trois premiers extraits – For Residue, Bumpy et Lifeworld – dévoilent un univers où la beauté fragile se confronte à la décomposition des médias et à une étrange quiétude ambiant…

C’est un album qui s’inspire d’une disparition. Celle d’un vaste stock de samples des années 1990, effacé du catalogue de l’Internet Archive, une bibliothèque numérique ouverte à tous. De cette perte, Oneohtrix Point Never, tire une inspiration brute : recycler les vestiges d’une époque révolue pour bâtir une hallucination sonore. À l’occasion de la sortie de Tranquilizer, Numéro revient sur les grandes collaborations cinématographiques d’Oneohtrix Point Never à travers ses bandes originales les plus marquantes, des frères Safdie à Sofia Coppola.

La BO de The Bling Ring de Sofia Coppola

Pour son long-métrage consacré à un groupe d’adolescents fascinés par le luxe et les célébrités, la réalisatrice Sofia Coppola confie la composition de la BO de son film The Bling Ring (2013) à Oneohtrix Point Never et au percussionniste Brian Reitzell. Un collaborateur régulier du groupe Air. Leur partition, sèche et hypnotique lorgne la satire en mêlant rap, krautrock et pop sophistiquée, de Kanye West à M.I.A. en passant par Frank Ocean.

D’ailleurs, le morceau Ouroboros, condense à lui seul l’idée centrale du film : la boucle infinie du désir et de la consommation. Dans un entretien, le compositeur expliquait vouloir s’effacer derrière le film, conscient que la musique de cinéma exige un déplacement de son langage habituel. Ici, la distance glaciale du son répond au vide moral des personnages. Plutôt que de souligner l’action, la musique en prolonge l’artificialité.

The Bling Ring (2013) de Sofia Coppola, disponible sur HBO Max.

La musique de l’étrange Partisan avec Vincent Cassel

Le film Partisan (2015) d’Ariel Kleiman sera le premier véritable défi cinématographique pour Daniel Lopatin. Un film, porté par Vincent Cassel dans le rôle d’un gourou charismatique au sein d’une communauté en marge. Produite par Warp Films — le label historique du musicien —, la bande originale devait initialement évoquer d’ailleurs “œuvre cachée derrière le film”, tant elle façonne ici une perception souterraine de la peur.

Le cinéaste australien explique d’ailleurs avoir conçu Partisan comme une fable inspirée du Joueur de flûte de Hamelin. Illustre légende allemande, transcrite notamment par les frères Grimm. Sauf que le gourou ne charme pas par la musique, mais par la parole. Il détourne des mères et leurs enfants du monde pour mieux les enfermer dans une utopie viciée.

Partisan (2015) d’Ariel Kleiman, disponible en VOD.

Robert Pattinson dans un thriller des frères Safdie

Avec Good Time (2017), Daniel Lopatin trouve chez les frères Josh et Benny Safdie des interlocuteurs à la mesure de son univers. Sa musique, nerveuse et saturée, épouse la course désespérée de Robert Pattinson dans un New York épuisant. Récompensé par le Soundtrack Award au Festival de Cannes, la BO frappe par son écriture conditionnée au rythme du montage.

Pour l’anecdote, les frères Safdie avaient envoyé à Oneohtrix Point Never un moodboard improbable. Des images de Bob L’Éponge et des références à des films de braquage, avec, pour seule directive : “Fais plus dérangé”. Le compositeur répond par une partition d’urgence. Des basses agressives, des ruptures de tempo et des mélodies convulsives qui transforment la ville en véritable organisme sonore.

Good Time (2017) de Josh et Benny Safdie, disponible sur MUBI.

Uncut Gems, la claque portée par Adam Sandler

Avec le film Uncut Gems (2019), Daniel Lopatin retrouve les frères Safdie pour une expérience encore plus radicale. Le compositeur conçoit une bande originale “émotionnellement sombre et new age”. Une œuvre construite autour d’un clavier Moog One, d’un chœur, d’un saxophone et d’une réinterprétation de la Symphonie n° 88 de Haydn. Le long-métrage, porté par Adam Sandler en bijoutier new-yorkais obsédé par le gain, puise justement dans cette musique sa dimension la plus viscérale. Le chaos sonore reflète l’addiction du protagoniste à l’adrénaline.

Uncut Gems (2019) Josh et Benny Safdie, disponible sur Netflix.

Tranquilizer d’Oneohtrix Point Never, disponible en version digitale le 21 novembre 2025 et en format physique le 21 novembre 2025.