La musique de Doja Cat est-elle trop frivole ?
Avec son troisième album studio, la pop star américaine flirte avec tous les genres – rap, R’n’B, pop, afrobeat et dancehall – avec beaucoup d’aisance mais sans jamais prendre de risque…
Par Chloé Sarraméa.
Le rayonnement de Doja Cat n’a d’égal que sa capacité à flirter avec tous les genres, mettant d’accord aussi bien les amateurs de trap que de pop crissante à la Rita Ora. Elle l’avait déjà fait avec Hot Pink en 2019, elle le prouve à nouveau avec Planet Her, son troisième album sorti vendredi 25 juin chez RCA Records. Très attendu, cet opus a été teasé par la chanteuse depuis quelques mois, des réseaux sociaux aux sorties de clips, en passant par des apparitions en tête d’affiche de plusieurs festivals. Il y a d’abord eu la sortie de Kiss Me More, un premier single aux airs de tube de l’été qui inonde déjà les radios les plus mainstream comme les playlists des critiques musicaux. Puis la surprise suscitée par le clip de Need To Know, une sorte d’hommage de l’artiste repérée grâce à TikTok à la science-fiction et aux nouvelles technologies, et, plus récemment, le dévoilement d’une pochette signée du photographe superstar David LaChapelle… S’il s’annonçait comme une tornade dans l’industrie musicale, à l’instar de celle provoquée plus tôt cette année par Kali Uchis avec Sin Miedo, il se révèle être une suite savamment orchestrée de morceaux frivoles, une sorte d’enchevêtrement réfléchi de guilty pleasures de pas plus de trois minutes chacun.
Comme Doja Cat, sa musique est solaire, sans prétention et en phase avec son temps. Il n’est donc pas étonnant de retrouver, sur Planet Her, des prises de positions féministes dans les paroles (“I’m not your mommy, nigga”), des mélodies latino, de l’afrobeat, et… une chanson d’amour. Avec Love To Dream, la jeune femme qui cultive une image très girly et émancipée livre un titre ultra cheesy, non sans rappeler les tirades sentimentales des Destiny’s Child ou de Mariah Carey dans les années 2000. Sans ciller, elle passe d’une ouverture d’album très pop (les cinq premiers titres) à une deuxième partie qui tend vers le hip-hop des années 90. Non sans évoquer la boucle sensuelle d’un Climax (2000) de Slum Village ou les productions de Gang Starr, le titre Ain’t Shit prouve, à travers les paroles, la grande aisance avec laquelle la chanteuse alterne entre rap et chant, tandis qu’avec I Don’t Do Drugs, en duo avec Ariana Grande, elle livre un bel exemple de pop insouciante, atteignant les aigus et usant et abusant du vocodeur. Preuve que si la musique de Doja Cat est très référencée, elle oscille entre tous les styles sans vraiment être imprégnée d’une identité forte. Son point fort : elle ne se prétend pas sérieuse et parle pour une artiste qui gagne à ne pas se réapproprier l’esthétique surannée de la pop d’il y a vingt ans. Et même si l’on aimerait beaucoup voir Doja Cat prendre des risques, n’oublions pas qu’elle s’est fait connaître grâce à un titre où elle proclame être une vache : son projet musical s’affranchit de toute injonction au sérieux et à la gravité.
Planet Her (2021) de Dojat Cat [Kemosable Records/RCA Records], disponible.