25 sept 2025

La Fashion Week de Londres ouvre-t-elle un nouveau chapitre ?

Organisée du jeudi 18 au lundi 22 septembre 2025, la Fashion Week de Londres regorge, comme chaque saison, de jeunes créateurs, émergents comme plus établis, qui font vibrer son calendrier. Retour sur les collections printemps-été 2026 qu’il ne fallait pas manquer.

  • par Camille Bois-Martin.

  • Un renouveau pour la Fashion Week de Londres ?

    Depuis plusieurs années, la Fashion Week de Londres semble en perte de vitesse. Face aux mastodontes que représentent Milan et Paris, où se situent les sièges et les ateliers des plus grandes maisons de luxe, la capitale britannique attire en effet une foule de plus en plus restreinte. Une conséquence directe de la crise post-pandémie, qui affecte le milieu du luxe. Mais aussi très probablement du Brexit, qui isole économiquement et culturellement le Royaume-Uni du reste de l’Europe. 

    Ce constat s’opère notamment grâce (ou à cause) aux MIV (Media Impact Value) rapportées par Launch Metrics – les 629 millions dollars générés par Paris sur la saison printemps-été 2025 laissent Milan (273 millions sur la période automne-hiver 2024) et Londres (78 millions sur la même période) loin derrière. Mieux, regardons Instagram : combien d’influenceurs ont déjà foulé les premiers rangs de la ville, si ce n’est pour le défilé Burberry, ou lorsque JW Anderson figure au calendrier ? La rédaction de Numéro elle-même ne s’était pas rendue à Londres depuis de nombreuses saisons, faute de budget et de temps pour préparer les défilés milanais et parisiens. 

    Les jeunes créateurs, espoirs de la mode britannique

    En tout cas jusqu’à cette saison printemps-été 2026, qui semble en effet inaugurer un renouveau pour la Fashion Week londonienne. Une impulsion donnée notamment par la nouvelle présidente du British Fashion Council, Laura Weir. Nommée en janvier dernier, cette ancienne journaliste semble déterminée à redorer le blason mode de la ville britannique, ainsi qu’à lui redonner son pouvoir de séduction qui faisait auparavant son succès. Elle conviait en effet moult journalistes et créateurs de contenus à couvrir cette semaine de la mode, tout en leur imposant d’assister à un minimum de présentations et de défilés étiquetés “NEWGEN” – autrement dit, la nouvelle génération de créateurs (ou l’équivalent de la Sphère à Paris). 

    Car, de jeunes talents, Londres n’en a jamais manqué. Incubateur de créateurs avec les écoles Central Saint Martins et London College of Fashion, la ville a formé puis révélé les plus grands noms de la mode. Alexander McQueen, John Galliano, Stella McCartney, Phoebe Philo… Problème, ces derniers ont tous quitté la capitale britannique après plusieurs années pour présenter leurs collections à Paris, centre névralgique de la mode où se réunissent acheteurs, investisseurs, journalistes et stylistes du monde entier. 

    L’objectif de ce nouvel élan pour la Fashion Week de Londres serait ainsi de mettre en avant, de célébrer, mais aussi de garder ses plus grands noms et ses plus grandes maisons sur son territoire. Où ne semble subsister, pour l’heure, que Burberry et JW Anderson… Une petite révolution, qui s’incarne donc aujourd’hui à travers ses avant-gardes, dont les créateurs, plus ou moins établis pour certains, font vibrer Londres. Ils attirent non seulement une communauté très marquée, mais aussi des curieux, à l’international. Numéro revient sur les collections printemps-été 2026 de quatre d’entre eux, présentées entre les 18 et 22 septembre dernier.

    La mode Indie sleaze à son apogée chez Aaron Esh

    En 2023, Aaron Esh figurait parmi les finalistes du prestigieux prix LVMH. Déjà, il nous avait séduit au gré de ses vêtements aux coupes affutées et de ses robes aussi sexy que minimalistes, dont la colorimétrie oscillait du gris au violet foncé, et fuyait toute couleur vive. Depuis, le créateur britannique a présenté son premier défilé, suivi chaque saison d’un nouveau et attirant progressivement de plus en plus d’invités. 

    Ce samedi, il dévoilait ainsi devant une salle pleine (et très sélective) sa collection printemps-été 2026. Il proposait un vestiaire à son image : un poil sulfureux, respectant toujours les codes de la bienséance. Mais surtout très influencé par la vague Indie sleaze qui séduit les nouvelles générations, et au sein de laquelle il semble donc pleinement s’intégrer. Pantalon en cuir, casquette délavée, jean abîmé porté avec une veste de jogging ouverte, mine renfrognée… Bref, les cool kids de Londres s’habilleront tous en Aaron Esh.

    Le style so british chez Chopova Lowena

    À propos de cool kids : le défilé Chopova Lowena, présenté un peu plus tôt dans la journée du 20 septembre, en regorgeait également. Mais d’un autre genre, plus excentrique et assumé – autant d’adjectifs qui définissent généralement le style des Londoniens. Dans les rangées, on croisait en effet une multitude de jupes à carreaux aux couleurs vives, arborées avec des corsets et de grandes bottes à plateformes et lacets. 

    Diplômée de la Central Saint Martins, la créatrice a fait de la traditionnelle jupe écossaise sa signature, qu’elle revisite au fil des saisons. Combinaisons de motifs et de matières, fourrures, grosses ceintures… À l’image de sa consœur Dilara Findikoglu, elle séduit un cercle d’initiés fidèle, qui ne rate aucun de ses shows et arbore la marque comme un fan de football arborerait le maillot de son équipe préférée.   

    Tolu Coker, étoile montante de la mode britannique 

    Dimanche, c’était au tour de Tolu Coker d’attirer tous les regards. Finaliste du prix LVMH 2025, la créatrice revenait ainsi en grande pompe sur le territoire britannique, amassant une foule de curieux et une autre de fans de la première heure, pour découvrir sa collection printemps-été 2026. Incarnée par Naomi Campbell (première supportrice des créatrices britanniques comme Dilara Fingoklu ou Torishéju) sur Instagram, le vestiaire poursuit l’esthétique chic et travaillée, développée depuis le lancement de la marque en 2021. 

    Si, la saison dernière, elle présentait des chemises et des jupes bouffantes ou encore des corsets lacés à l’envers, Tolu Coker dévoile cette saison des vêtements éthérés, témoins de son regard plus acéré et confiant. On adore par exemple le total-look en cuir vert, composé d’un bomber et d’une jupe fendue à plis. Mais aussi l’ensemble marron avec une longue veste cintrée à col mandarin et un pantalon tailleur. Les deux complétés par un chapeau, semblables aux innombrables coiffes que portait la reine Elizabeth II. 

    Glamour et scandale des nineties chez Conner Ives

    Au dernier jour de la Fashion Week de Londres, juste avant le show Burberry, Conner Ives présentait son défilé printemps-été 2026. Très attendue, cette présentation advient juste avant les dix ans de la marque, fondée en 2016. Une collection que l’on pourrait donc considérer comme charnière et qui compile les codes qui font le succès du créateur américain de 29 ans, formé au Central Saint Martins. À commencer par les couleurs vives, voire fluorescentes, qui ponctuent chacun de ses vestiaires. 

    Du rose au jaune en passant par le vert : cette palette chromatique nous évoque le clip Hung Up de Madonna sorti en 2005 et, plus globalement, l’esthétique glamour et sulfureuse de la fin des années 90 et du début des années 2000. On adore la robe transparente à capuche et au vertigineux dos-nu, portée avec un string jaune fluo, très Tom Ford chez Gucci. Un défilé réussi, qui s’inscrit notamment dans le récent succès de Conner Ives, dont le tee-shirt imprimé de la phrase “Protect The Dolls”, porté par le créateur en soutien à la communauté LGBTQIA+ et aux femmes transgenres, a intégré le dressing des stars du monde entier (Troye Sivan, Pedro Pascal).