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Joel Quayson, lauréat du Prix Dior de la photographie 2025
Tous les ans, à l’occasion des Rencontres d’Arles, le prix Dior de la photographie, initié par Christian Dior Parfums, récompense le travail d’un étudiant. Cette année, la vidéo de Joel Quayson, qui interroge son identité à travers des images simples et bouleversantes, a remporté les suffrages du prestigieux jury. Son travail est présenté à Luma Arles jusqu’au 5 octobre 2025, parmi ceux des dix finalistes.
par Delphine Roche.

Joel Quayson, lauréat du prix Dior de la photographie 2025
Par ces temps troublés, s’aventurer à demander à un être humain ce qu’il ressent est d’une audace folle. C’est en s’adressant une simple question : “How do you feel?” que le jeune Joel Quayson a conquis à l’unanimité le jury de la 8e édition du prix Dior de la photographie et des arts visuels pour jeunes talents.
Son dispositif : une vidéo dépouillée, empruntant au genre de l’autoportrait, où l’étudiant de la Royal Academy of Art de La Haye se présente face caméra. Torse nu, il enfile une chemise blanche proprette, puis une autre plus colorée, et pare son visage de couleurs et de cristaux. Son expression reste neutre, son regard parfois absorbé en lui-même, tandis qu’une voix off le questionne obstinément sur ses états d’âme. “Cette vidéo est née dans le contexte d’un atelier de mon école, explique le lauréat. Il s’agissait de se représenter soi-même. Je voulais essayer de découvrir qui je suis, car je m’identifie à la fois à la culture ghanéenne de ma famille, et à celle des Pays-Bas où j’ai grandi auprès de mes amis.”
“Je voulais essayer de découvrir qui je suis.“ Joel Quayson
Dans le texte accompagnant son œuvre aux accents queer, Joel Quayson évoque le conflit intérieur qu’il ressent, désirant tout à la fois s’exprimer pleinement et satisfaire les attentes de sa famille. “Mais il ne s’agit pas seulement de m’adresser à une communauté, ou de parler d’orientation sexuelle. En m’exposant dans toute ma vulnérabilité, je partage un questionnement avec tous ceux qui peuvent le ressentir.”

Une simple question, mais d’une audace folle
Adaptables, fluides, complexes et performatives, les identités contemporaines sont un sujet inépuisable pour les jeunes générations auxquelles appartiennent les participants au prix. Dans cette exploration de soi et du regard sur soi, la photographie et, par extension, la vidéo, sont plus que jamais des outils privilégiés. “Nous passons en revue une cinquantaine de portfolios sélectionnés parmi environ trois cent soixante-dix projets, et je dirais que 80 % de ces projets portaient sur des questionnements identitaires”, précise la grande photographe Yuriko Takagi, présidente du jury de ce 8e prix. “Dans sa vidéo, Joel Quayson a cette façon de se voir à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, et je pense que cette attitude est vraiment générationnelle.”
Les propositions reflétaient cette année une grande diversité de moyens plastiques engagés : tirages sur bois et dialogue de l’image fixe et de l’image mouvante chez Raine Roberts, récompensée d’une mention spéciale… Cocréation avec une intelligence artificielle de la part de Wenlong Qi… Le jury, composé notamment de la mécène et fondatrice de la Fondation Luma Maja Hoffmann, de l’ex-directeur de la Maison européenne de la photographie Simon Baker, auxquels se sont ajoutés cette année d’autres prestigieuses personnalités, a certainement pu savourer les surprises que leur réservaient les jeunes candidats au prix Dior.
“Prix Dior de la Photographie et des Arts Visuels pour Jeunes Talents“, exposition jusqu’au 5 octobre à La Lampisterie, Parc des Ateliers, Arles.