10 sept 2025

Comment Amanda Lear est devenue iconique

De muse de Dalí à reine du disco, d’amoureuse de David Bowie à figure mystérieuse du documentaire Enigma (2025), Amanda Lear reste une légende vivante dont le parcours, façonné par l’ambiguïté et la réinvention, continue de fasciner. Portrait d’une icône à l’affiche de Toujours Possible de Jacques Ouaniche, au cinéma le 10 septembre 2025.

  • par La rédaction.

  • La muse de Salvador Dalí

    La chanteuse, actrice, animatrice de télévision et artiste peintre française Amanda Lear surgit dans le monde artistique des années 1960 comme une énigme élégante. Muse de Salvador Dalí, elle incarne aussitôt l’androgynie et l’art vivant avant de devenir modèle dans les hautes sphères de la mode européenne. Mais c’est à l’aube des années 1970, grâce à l’appui de personnalités comme David Bowie (avec lequel elle vit une histoire d’amour) et les frères La Bionda – illustre groupe de disco italien –, qu’elle prend son envol. Elle pose aussi, en 1973, pour la sublime pochette de l’album For Your Pleasure de Roxy Music.

    Ses tubes Blood and Honey (1976), Tomorrow (1977) et surtout Follow Me (1978) l’imposent comme une star du disco en Europe. Ce qui distingue Amanda Lear, c’est peut-être sa capacité à transformer le kitsch en sublime. Là où d’autres chanteuses disco disparaissent dans la saturation de paillettes, elle impose au contraire une voix grave, ironique et immédiatement reconnaissable. La chanson Follow Me, réutilisée en 2023 par la maison Chanel pour une campagne mondiale, confirme d’ailleurs l’universalité de son style.

    Amanda Lear, une reine du disco iconique

    Née en 1939 à Hong Kong, elle a grandi entre l’Asie et l’Europe avant de s’installer à Paris. La jeune femme étudie aux Beaux-Arts de Londres et débute sa carrière comme modèle dans les années 1960, défilant notamment pour Paco Rabanne et Mary Quant.

    Sa carrière musicale, inaugurée au cœur du disco européen, fait d’elle une figure paradoxale : star planétaire et énigme intime. Polyglotte et médiatique, elle investit la télévision italienne et française tout en poursuivant une œuvre picturale discrète. L’icône, insaisissable, se construit moins par ce qu’elle révèle que par la cohérence de ses métamorphoses…

    La star mystérieuse d’un documentaire HBO

    L’énigme Amanda Lear, aujourd’hui âgée de 86 ans, ne se résume pas à son répertoire ou à ses apparitions mais réside dans l’art maîtrisé de la dissimulation. Rumeurs, récits contradictoires, zones d’ombre biographiques : tout participe à l’élaboration d’une aura qui échappe aux tentatives de classification. Le documentaire EnigmaChoose your destiny (2025), signé Zackary Drucker et diffusé par HBO, interroge justement cette figure insaisissable, montrant comment la légende dépasse toujours la véracité historique.

    À chaque question sur son genre ou son passé, Amanda Lear oppose l’ironie ou le détour, préférant cultiver le trouble plutôt que d’y répondre frontalement. Cette stratégie, loin d’un simple jeu médiatique, a offert un espace symbolique à une génération avide de figures hors normes. Décrite par la presse comme une “pionnière queer malgré elle”, elle incarne moins une identité figée qu’une performance continue : une œuvre en perpétuelle mutation dont la scène est la vie elle-même.

    Les rôles d’Amanda Lear au cinéma

    Refuser l’assignation, c’est aussi se réinventer. En 2025, Amanda Lear fait son retour dans le film Toujours Possible, aux côtés de Nadia Farès et Jean-Baptiste Maunier, héros du film Les Choristes. Cette apparition, loin du simple caméo nostalgique, marque une inscription nouvelle dans le paysage du cinéma français contemporain. Son jeu, teinté d’un humour sec a toujours déconstruit les attentes et rappelle aussi que cette femme ne se livre jamais totalement.

    C’est ce double mouvement — l’écran comme miroir, le documentaire comme exégèse — qui consacre Amanda Lear comme figure critique : à la fois icône disco et actrice respectée, muse d’hier et objet d’étude d’aujourd’hui. Car au-delà de Toujours Possible (2025), Amanda Lear a déjà esquissé sa présence sur grand écran dans des films aussi divers que le Saint Laurent (2014) de Bertrand Bonello ou encore Si c’était de l’amour (2020), entre documentaire et fiction chorégraphique.

    On la retrouve aussi dans La Diva du désert (2022), production indépendante qui exploitait sa puissance de détournement ainsi que dans la série sur la mode La Maison (2024), diffusée sur Apple TV+ et dans le film Vivre, mourir, renaître (2024). Chaque rôle, souvent périphérique ou décalé, fonctionne comme une extension de son personnage public. Une autoparodie ?

    La bande-annonce de Toujours Possible (2025).

    Une influence pour Lady Gaga et Róisín Murphy ?

    On ne devient pas icône par simple survivance mais par capacité à nourrir l’imaginaire collectif au fil des décennies. L’héritage d’Amanda Lear se lit dans la pop de Lady Gaga, dans l’excentricité sophistiquée de Róisín Murphy, comme dans les collections de Jean Paul Gaultier ou de Jacquemus. Elle a montré que le camp, trop souvent réduit à l’excès, pouvait devenir un outil critique et une esthétique en soi. En embrassant l’extravagance avec une rigueur conceptuelle, elle a déplacé les lignes du goût, de la mode et de la musique.

    Dans ses disques, ses apparitions télévisées ou ses rôles récents, c’est une même logique qui se dessine : celle d’une œuvre totale dont le centre n’est pas un objet mais une personne. Rares sont les artistes capables de traverser six décennies sans se fossiliser. Amanda Lear y parvient, car elle a compris que sa véritable création, au fond, n’est ni un album ni un film, mais la construction minutieuse de sa propre figure.

    Toujours Possible de Jacques Ouaniche, au cinéma le 10 septembre 2025.