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Prix LVMH 2025 : Steve O Smith, lauréat du Prix Karl Lagerfeld, une mode entre couture et dessin
Ce mercredi 3 septembre, alors qu’avait lieu le prestigieux Prix LVMH, le designer britannique Steve O Smith a remporté le Prix Karl Lagerfeld, remis par l’actrice et chanteuse Anna Sawai. À travers une interview intime, il dévoile pour Numéro son parcours et sa vision poétique de la mode.
Propos recueillis par Louise Menard.
Publié le 3 septembre 2025. Modifié le 8 septembre 2025.

Steve O Smith, grand gagnant du Prix Karl Lagerfeld 2025
Ce mercredi 3 septembre, alors qu’il participait à la finale du Prix LVMH 2025, aux côtés de sept autres créateurs de talent, Steve O Smith s’est vu récompensé du prestiguieux Prix Karl Lagerfeld. Basé à Londres, le créateur britannique lance sa marque éponyme juste après avoir terminé un Master of Arts au sein de la très prestigieuse école Central Saint Martins en 2022.
Depuis tout petit, Steve O Smith passe le plus clair de son temps avec un crayon entre les doigts. Pour le designer, il est impensable de concevoir un vêtement sans passer par le dessin, qu’il réalise avant toute chose, et qu’il transpose ensuite sur ses costumes et ses robes, transformant ainsi ses collections en sorte de croquis grandeur nature. Découpant patrons et tissus avec la même liberté de geste – et surtout la même ardeur – qu’il emploie pour tracer un trait sur une feuille, le créateur prône une expressivité bouillonnante.
Marquées par la légèreté des matières (de l’organza au tulle, évoquant des feuilles de papier calque), ses créations oscillent entre des tons de noir et de beige clair. Telles des feuilles de croquis inaltérées. Steve O Smith conçoit exclusivement des pièces sur mesure, parmi lesquelles des silhouettes ultra-structurées et complexes, rehaussées de corsets et de paniers. Porté par une volonté tenace de repousser les limites de sa technique, il ne se considère pas comme un perfectionniste, mais bien comme un amoureux du trait. Rencontre avec un des huit finalistes du prix LVMH 2025.


Rencontre avec le créateur de mode Steve O Smith
Numéro : Quand avez-vous décidé de lancer votre marque Steve O Smith ?
Steve O Smith : Je suis arrivé à la Central Saint Martins en pleine pandémie, ce qui a fait que, dans un premier temps, la majorité des cours se faisaient en ligne. Et comme nous ne pouvions pas accéder au studio, je me suis mis à dessiner de manière intensive, peut-être encore plus que d’ordinaire. C’est alors que j’ai envisagé la création de vêtements comme une extension naturelle de mes dessins.
J’avais envie de traiter le tissu avec la même spontanéité et au même rythme que lorsque je travaille l’encre ou le pinceau sur papier. Mon objectif était de faire transparaître dans mes vêtements l’énergie que je mets dans mes illustrations. À ce moment-là, l’été précédent l’obtention de mon diplôme, sans en avoir vraiment conscience, j’ai posé les premières bases de ce qui allait devenir ma marque.
Quel est votre premier souvenir mode ?
Ma grand-mère était couturière et je crois que ma passion pour la mode est née en partie grâce à elle. Elle m’avait fabriqué une petite robe de princesse jaune, dont j’étais littéralement obsédé !
Quand le dessin devient vêtement
Quelles sont les inspirations qui vous guident lors de la conception de vos collections ?
Chaque saison, je choisis entre cinq et sept images de référence autour desquelles j’élabore mes dessins, puis ma collection. Par exemple, pour ma dernière collection automne-hiver 2025-2026, je me suis beaucoup inspiré d’artistes queer basés à New York. J’ai notamment admiré un dessin fait à l’encre sépia par le peintre Pavel Tchelitchev, représentant une orgie de marins, ainsi que le tableau The Fleet Is In (1934) de Paul Cadmus. J’ai également observé de longues heures les croquis de l’illustrateur italien René Gruau, réalisés pour la maison Dior dans les années 40 et 50.
J’aime les tableaux complexes aux multiples figures car, à bien des égards, je considère une collection comme une composition à plusieurs figures, un ensemble au sein duquel j’essaie de comprendre comment tous les vêtements interagissent entre eux pour construire un récit ou pour raconter une histoire. J’essaie de créer une série de dessins sur papier qui s’articulent entre eux, puis de les transposer en tissu.
Comment décririez-vous vos collections ?
Gestuelles, insolentes et sincères, je crois. Je veux que mes vêtements existent comme mes dessins, c’est-à-dire qu’ils soient chacun à leur manière légèrement différents et uniques. Comme impossible à reproduire.


L’importance de l’imperfection
Que souhaitez-vous transmettre à travers vos créations ?
Ce qui m’intéresse, c’est de faire passer une émotion. Je voudrais que l’on ressente à travers mes vêtements ce que j’ai essayé d’exprimer avec mes mains. Je désire préserver quelque chose de très viscéral et expressif. J’aime aussi l’idée de conserver les erreurs de mes dessins, puis de les transposer dans mes créations. Une grande part de la beauté de la couture réside dans ce travail manuel, qui n’est jamais parfait. Je pense que plus les choses s’automatisent, plus les créations façonnées de nos propres mains deviennent fascinantes. Selon moi, c’est là que se trouve l’avenir de la mode. Il y a une grande beauté dans l’erreur.
Vous faites partie des huit finalistes du prix LVMH 2025. Comment vivez-vous cela ?
C’était une expérience incroyable de rencontrer autant de personnes talentueuses et inspirantes lors de la demi-finale. Et je suis d’autant plus heureux de pouvoir présenter mon travail à des créateurs que j’admire depuis toujours. J’ai hâte de dévoiler mon univers, mes dessins, ma façon de faire les choses. J’essaie vraiment d’apporter quelque chose de différent.