Maison de luxe

Moschino

Né en 1950 près de Milan, Franco Moschino rêvait d’être peintre. Pourtant, son destin bascule vers la mode. Après des études à l’Académie des Beaux-Arts, il rejoint l’école Marangoni, avant de devenir illustrateur. Il travaille alors chez Versace dans les années 70, puis pour Cadette. Dès 1983, il décide pourtant de voler de ses propres ailes et fonde sa propre maison : Moschino Couture.

Les débuts de Moschino

Rapidement, il impose un ton satirique et irrévérencieux. Il détourne les codes du luxe, tout en rendant hommage à l’histoire de la couture. Contrairement à la solennité des maisons traditionnelles, il choisit l’ironie. Ses campagnes s’insurgent contre la consommation aveugle. Il brode des messages sur les vêtements, joue avec les slogans. Son univers devient une satire chic du monde de la mode.

Une maison à contre-courant dans les années 80

Dans les années 80, alors que l’ostentation domine, Moschino répond avec humour. Il introduit Moschino Jeans en 1987, puis Cheap and Chic en 1988. Chaque collection joue avec les archétypes, mais ne sombre jamais dans la caricature. Les références artistiques et politiques se mêlent aux coupes classiques. Grâce à ce mélange unique, la maison attire une clientèle en quête d’originalité.

Cependant, Moschino n’est pas seulement un provocateur. Il défend activement l’environnement, critique la fourrure et soutient le recyclage. À partir de 1991, il cesse même les défilés, préférant les présentations privées. Cette décision, radicale, démontre sa vision : la mode peut dénoncer sans cesser de séduire.

Une disparition brutale, un héritage solide

En 1994, Franco Moschino meurt à 44 ans. Son décès laisse un vide immense. Toutefois, la maison ne s’effondre pas. Son bras droit, Rossella Jardini, reprend la direction artistique. Elle reste fidèle à son esprit, tout en affinant les lignes. Elle maintient l’équilibre entre excentricité et élégance. Pendant près de deux décennies, elle préserve l’ADN tout en modernisant les silhouettes.

Durant cette période, Moschino se diversifie. La marque conçoit des costumes de scène pour Madonna ou Lady Gaga. Elle s’associe aux Jeux olympiques d’hiver de Turin en 2006 pour signer les tenues officielles. Malgré l’absence de Franco, l’esprit demeure présent dans chaque couture.

Jeremy Scott : la pop culture en feu d’artifice

En 2013, la maison confie la direction artistique à Jeremy Scott. Avec lui, Moschino entre dans une nouvelle ère. L’Américain, connu pour son amour des objets du quotidien, transforme les podiums en jeux visuels. Très vite, les défilés deviennent des happenings spectaculaires. En 2014, une collection inspirée de la chaîne de fast-food McDonald’s marque les esprits. Il détourne aussi les codes Barbie, les logos de lessive, les emballages.

Ses créations divisent. Certains applaudissent l’audace, d’autres dénoncent le kitsch. Pourtant, le message reste clair : la mode est un langage, même lorsqu’elle frôle le ridicule. Moschino, sous Scott, parle à une génération née avec les icônes publicitaires. La marque devient virale, populaire, immédiatement reconnaissable.

En parallèle, les collaborations se multiplient. Moschino s’allie à H&M, à des jeux vidéo, à des maisons de beauté. Jeremy Scott transforme la marque en emblème pop, la propulsant dans une nouvelle sphère.

Davide Renne, une transition avortée

En 2023, Jeremy Scott quitte la maison après dix ans de règne. Davide Renne, transfuge de Gucci, lui succède. Il incarne une approche plus structurée, héritée du luxe classique. Sa nomination ravive l’espoir d’un équilibre entre dérision et sophistication. Malheureusement, il décède brutalement quelques jours seulement après son arrivée. Ce coup du sort plonge la maison dans un moment suspendu.

Adrian Appiolaza, un retour aux sources réinventé

Début 2024, c’est Adrian Appiolaza, issu de Loewe, qui prend la relève. Très rapidement, il montre une volonté de renouer avec l’héritage de Franco Moschino. Sa première collection revisite les archives avec subtilité. Il injecte de la poésie, de l’humour, tout en intégrant les enjeux actuels. Loin du clinquant, il choisit la finesse. Ses vêtements parlent autant qu’ils séduisent.

Ainsi, Moschino entame une nouvelle ère. L’humour y reste présent, mais mieux maîtrisé. L’engagement écologique revient aussi sur le devant de la scène. À travers ses créations, Appiolaza redonne à la marque une profondeur que certains pensaient disparue.

Un écosystème pluriel et audacieux

Aujourd’hui, Moschino comprend plusieurs lignes : la principale, Moschino Cheap and Chic (devenue Love Moschino), et la gamme accessoires. La maison propose aussi des parfums, des lunettes, de la maroquinerie. Sa présence mondiale s’étend, avec des boutiques dans les capitales les plus prisées. Elle conserve une clientèle fidèle, mais séduit aussi une jeunesse avide de narrations visuelles et de second degré.

Contrairement à d’autres maisons italiennes, Moschino choisit la marge. Elle ne prétend pas à la pureté du minimalisme. Elle préfère le choc des références, les détournements pleins d’esprit. Pourtant, derrière chaque provocation, subsiste un véritable savoir-faire.

Une dissidence chic et continue

Depuis plus de quarante ans, Moschino fait entendre une voix dissonante dans le chœur de la mode. Fondée sur la provocation joyeuse, elle évolue sans renier ses racines. Entre humour et engagement, légèreté et profondeur, la maison italienne incarne une forme de liberté rare.

Aujourd’hui, sous la direction d’Appiolaza, elle semble renouer avec l’intelligence créative qui en fit le succès. Ainsi, Moschino n’est pas seulement une marque. Elle demeure une attitude, une vision, un clin d’œil persistant à un monde qui se prend souvent trop au sérieux.