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Megan Fox, Pamela Anderson… Ces actrices hantées par la malédiction du sex-symbol
Marilyn Monroe, Sharon Stone, Pamela Anderson, Megan Fox… Nombreuses sont les actrices à être passées du statut de sex-symbol à celui de comédiennes blacklistées à Hollywood. Mais que révèle ce phénomène du milieu du cinéma et de la société ?
par Violaine Schütz.

Le mythe Marilyn Monroe : aux origines de la malédiction
À Hollywood, devenir un sex-symbol n’est pas toujours une bénédiction. Surtout lorsqu’on est une femme. Derrière les courbes affolantes, les robes dorées aux décolletés plongeants et les clichés glamour, il y a souvent des femmes instrumentalisées. Des femmes prises au piège de fantasmes masculins, de décisions de producteurs et réalisateurs toxiques et de l’opprobre populaire. Certaines comédiennes ont réussi à réécrire le storytelling, d’autres y ont laissé des plumes. Alors qu’un documentaire célèbre la bimbo Jayne Mansfield, Numéro revient sur leurs destins hautement symboliques.
“Mon corps excitait les gens, comme un interrupteur allume une ampoule” disait-elle… Impossible d’évoquer la malédiction qui entoure les sex-symbols hollywoodiens sans évoquer la figure de Marilyn Monroe. Ultra désirée par les spectateurs et les décideurs (jusqu’au président des États-Unis John F.Kennedy), elle restera cependant incomprise. Et très seule. La jeune femme à l’enfance tragique (elle était placée en famille d’accueil) a été façonnée par les studios, de sa blondeur à son maquillage. Leur but ? En faire une icône destinée à faire rêver les hommes avec sa robe qui se soulève dans les airs et ses rôles de ravissante idiote. Sauf que son intelligence, son sens de la répartie et ses talents de chanteuse furent, de son vivant, passés sous silence. Tout comme sa souffrance et sa profondeur.
Jayne Mansfield et Sharon Tate, des fantasmes masculins au destin tragique
Tout au long de sa courte vie, l’artiste voulait être prise au sérieux en tant qu’actrice dramatique, s’adonnant même à des cours pour perfectionner son jeu. Mais le milieu du cinéma, alors très sexiste, en décida autrement. La comédienne, lucide sur la misogynie de ses pairs comme en attestent certaines interviews et écrits, fut surtout connue (et aimée) pour son humour et sa plastique irréelle.
Le 4 août 1962, Marilyn Monroe quitte ce monde à l’âge de 36 ans, des suites d’une overdose de barbituriques. Et cette mort est d’autant plus amère que l’héroïne du sublime Les Désaxés (1961) n’aura pas eu le temps d’imposer toute la palette de ses dons.
Un destin tragique qui entre en résonance avec ceux de Jayne Mansfield (La Blonde explosive) et Sharon Tate (La Vallée des poupées). Deux actrices disparues, jeunes, à la fin des années 60. Les deux femmes, décédées dans des conditions violentes (un accident de voiture pour la première et un assassinat pas la famille de Charles Manson pour la deuxième) ont été marquetées comme des objets de fantasme sans avoir eu le temps de prouver l’étendue de leur talent dramatique.
Pourtant, Jayne Mansfield jouait de plusieurs instruments et parlait plusieurs langues. Aujourd’hui, les deux femmes sont remises en lumière par un documentaire sur la plateforme Max (My Mom Jayne) et un film de Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood).

Des sex-symbols à la carrière compliquée
Quelques années plus tard, en 1986, la mannequin et actrice américaine Kim Basinger fait sensation dans le film érotique 9 ½ Weeks (9 Semaines ½) d’Adrian Lyne. Il suffit de quelques regards aguicheurs en nuisette et de scènes torrides pour la propulser au rang de sex-symbol mondial.
Après ça, elle tentera d’être prise au sérieux. Mais la star à la beauté sidérante qui a été James Bond girl et héroïne de Batman (1989) continue d’être surtout vue comme un objet de fantasme. Elle disparaîtra alors peu à peu, malgré des apparitions dans L.A. Confidential (1997) et 8 Mile (2002).
Dans son sillage, on retrouve la charismatique Elizabeth Berkley, star du sulfureux et génial Showgirls (1996) de Paul Verhoeven. Réduite à son rôle explosif de danseuse de cabaret prête à tout pour réussir, elle peinera à se retrouver au premier plan. Elle dira à ce sujet : “Il y a eu tellement de cruauté envers moi. J’ai été harcelée. Et je ne comprenais pas pourquoi on me blâmait. Ce film a fait de moi une paria à Hollywood.”
Mais heureusement, certaines actrices réussiront à renverser le stigmate, en s’armant de courage, de détermination et parfois, d’autodérision.

Sharon Stone, Pamela Anderson… Des actrices en lutte contre le sexisme
Pamela Anderson est devenue un fantasme avec la série Alerte à Malibu, ses shootings pour Playboy et sa sextape. Et durant des années, le milieu du cinéma critiquera son hyperféminité. Le mot “bimbo” retentissait alors comme une insulte. Elle mettra des décennies à faire comprendre qui elle est sans le maquillage (au sens propre comme au figuré). Le monde découvrira alors une femme blessée, drôle, engagée, émouvante et résiliente. Mais aussi, une actrice talentueuse et émouvante.
Mais il a fallu attendre le documentaire Netflix Pamela, A Love Story (2023) pour qu’on la voie enfin autrement. Depuis, elle a brillé dans le très méta The Last Showgirl (2025) de Gia Coppola. Elle y incarne une danseuse de cabaret bientôt à la retraite. Et d’autres films intéressants vont suivre.
De même, Sharon Stone, érigée sex-symbol avec le thriller érotique Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven a raconté plus tard que la scène de l’interrogatoire (sans culotte) a été réalisée sans son autorisation. Elle découvrira une fois le film terminé que l’on aperçoit son entrejambe. Recevant un prix à Berlin en 2019, elle explique alors : “Je ne savais pas que ce moment allait changer ma vie. C’est le moment de décider qui vous êtes et ce que vous voulez en faire. Nous avons tous le droit d’être puissants dans n’importe quelle forme de sexualité. Et personne n’est en droit de nous le contester.”
De retour au premier plan, elle sera bientôt à l’affiche de la saison 3 de la série Euphoria. Et pose pour la dernière campagne Mugler les jambes croisées, comme un clin d’œil malicieux à son passé.

De Megan Fox à Margot Robbie, le retournement d’un stigmate ?
Bien après la sortie de Basic Instinct, en 2007, l’Amérique découvre l’hypnotique et incendiaire Megan Fox dans le film Transformers. Elle se retrouve alors métamorphosée en objet de tous les désirs. Surtout adolescents. La voilà sacrée femme la plus sexy du monde dans les médias. Sauf que Megan Fox ne va pas se laisser figer dans cette image de jolie fille à épingler dans sa chambre en poster. Elle dénonce le sexisme du réalisateur Michael Bay, joue dans un film féministe et queer (Jennifer’s Body)… Et se retrouve vite blacklistée.
Sur Instagram, elle expliquera : “J’ai vécu des expériences vraiment pénibles dans une industrie à la misogynie impitoyable. Il y a beaucoup de noms qui méritent d’être dévoilés. Mais ils sont stockés en sécurité dans les recoins fragmentés de mon cœur.”
Depuis, de nombreuses actrices auraient pu subir le même sort que les actrices qui ont été sexualisées très tôt. Mais, avec l’aide de leurs aînées, de #MeToo et des réseaux sociaux, elles refusent d’être punies pour des films osés. Ou des photos sensuelles.
Ainsi, Margot Robbie, qui est apparue nue (à sa demande) dans Le Loup de Wall Street (2013) de Martin Scorsese est illico devenu un fantasme. Sauf que par ses choix de rôles judicieux (notamment Moi, Tonya dans lequel elle apparaît enlaidie) et ses activités de productrice, elle déjoue le sortilège.
Quant à Angelina Jolie et Scarlett Johansson, c’est en partie en devenant réalisatrices qu’elles ont modifié le regard des autres sur elles. Certes, la malédiction des sex-symbols hante toujours Hollywood. Mais les actrices d’aujourd’hui ne sont plus seulement regardées. On les écoute.
My Mom Jayne (2025) de Mariska Hargitay, disponible sur Max.