Qui est Amaury Darras, le créateur qui transforme le bois en vêtements ?
L’artiste, ébéniste et créateur de vêtements en bois Amaury Darras, basé à Marseille, se confie sur les mystères de sa pratique. À travers son regard passionné, Numéro dévoile le parcours du jeune homme, sa dévotion pour l’artisanat mais aussi ses inspirations et ses plus grands désirs.
Par Louise Menard.
Des créations en bois entre vêtements et scultpures
Amaury Darras ne semble pas conscient de son talent. Et ce, malgré de prestigieuses collaborations avec la marque Zomer, ou encore avec la chanteuse Björk et des apparitions dans des magazines de mode réputés comme Vogue, Dazed ou encore Harper’s Bazaar.
Ayant passé une grande partie de son enfance dans l’atelier de menuiserie de son grand-père, le jeune homme de 27 ans y découvre alors l’univers du bois et le travail de ce matériau noble. Très tôt, il utilise cette pratique comme un défouloir, mais aussi comme un moyen pour s’évader.
Peu à l’aise à l’école, il quitte le parcours traditionnel pour l’école Boulle, puis enchaîne avec six années d’ébénisterie. Accompagné d’un ami, il ouvre un atelier au cœur de la cité phocéenne, véritable refuge et point de départ de ses sculptures.
Toutes réalisées à la main, de la maquette en carton au facettage en passant par le patronage, les pièces d’Amaury Darras, sont innovantes autant pour le domaine de la mode que pour celui du travail du bois. Avez-vous déjà vu auparavant une visière, un harnais, un corset, des sabots et même un pantalon en bois ?
En osant le mélange des genres et l’utilisation de formes pleines et solides inhabituelles, le créateur pousse le savoir-faire toujours un peu plus loin et chérit une technique autour de laquelle il entretient un mystère fascinant.
L’interview du designer de mode Amaury Darras
Numéro : Pourriez-vous nous décrire votre parcours en quelques mots ?
À 15 ans, j’ai arrêté l’école pour débuter un CAP ébénisterie en apprentissage, puis j’ai intégré l’école Boulle où je suis resté deux ans, le temps de passer mon brevet de métier d’art avant de véritablement débuter ma carrière en ébénisterie. Après, j’ai travaillé dans une entreprise à Orléans spécialisée dans la copie de meubles anciens pour des palaces et, dans un autre registre, j’ai aussi fait du prototypage pour de grands designers. Ces expériences ont été vraiment formatrices car ce que j’y faisais était extrêmement complexe d’un point de vue technique. Mais je ne m’y retrouvais pas sur le plan esthétique…
À quel moment avez-vous décidé de devenir créateur ?
Je me suis lancé il y a environ trois ans, ce qui n’était pas une décision facile à prendre. Mais je ne pouvais plus continuer ainsi et je me sentais bloqué dans une espèce de frustration créative engendrée par le fait de ne pas pourvoir m’exprimer librement, de sans cesse devoir traduire la vision des autres. J’avais un peu fait le tour de l’univers du mobilier aussi…
Comment vous est venue l’idée de faire des vêtements en bois ?
Je voulais faire quelque chose de neuf tout en mélangeant des univers et en combinant mes passions. À l’époque, je dessinais beaucoup de personnages de BD, des costumes aussi, puis je me suis intéressé aux accessoires, ce qui m’a finalement amené à me tourner vers le corps. Ce qui me plaît avec le bois, c’est son aspect très organique et le défi technique que son utilisation implique. Tout faire pour rendre mes créations légères et portables surtout, est un challenge quotidien qui me stimule.
Comment travaillez-vous cette matière ?
Même si je garde mon procédé technique confidentiel, je peux dire pour faire simple, que ce que je fais consiste en une forme de marqueterie en 3D. J’ai beaucoup utilisé la ronce de noyer français, partie de l’arbre située entre le tronc et les racines, parce que visuellement c’est ce qui va être le plus intéressant et parce que j’aime cette teinte de marron chaud qui la caractérise. Comme on travaillerait un tissu, je sélectionne des placages qui permettent de jouer avec les symétries et les motifs naturellement présents sur le bois. J’aime aussi créer un contraste entre les volumes imposants de mes pièces, leur aspect massif et la finesse de leur exécution.
Quelles sont vos inspirations ?
Côté mode, je pense que le créateur Thierry Mugler m’a profondément inspiré pour tout ce qui est approche des formes, esthétique, structures solides, processus de création mais aussi amour de l’artisanat. Sinon je pense à l’artisan du cuir Robert Mercier, qui a beaucoup collaboré avec Balmain et Loewe, et puis à certains mouvements comme l’Art déco, l’Art nouveau, qui se succèdent et pourtant s’opposent et qui ont eu une influence énorme sur mes créations.
Quel serait votre plus grand rêve ?
Peut-être avoir une ou plusieurs de mes pièces au sein d’une exposition permanente au musée des Arts décoratifs de Paris. Je crois que c’est le lieu que j’ai le plus exploré dans ma vie. Il incarne pour moi l’union parfaite entre mode, mobilier et artisanat français.
Crédits shoot : production, Bloom Studio par Imane El Aouad. Bijoux Alizée Quitman. Talents Aquani Vega et Omar Sy. Hairstyle Manon Martin. Make-up Garance Murru. Nails Charlie Poussin.