Doria Tillier et Géraldine Nakache nous racontent la série Les enfants sont rois

L’interview de Géraldine Nakache et Doria Tillier, stars de la série Les enfants sont rois

Numéro : Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre ce projet de série ?

Géraldine Nakache : Le sujet, évidemment. Et le fait que ce soit l’adaptation du roman de Delphine de Vigan, Les enfants sont rois. C’est un livre très intéressant qui était l’annonciateur de quelque chose de prenant. Et puis après, il y a l’adaptation elle-même, c’est-à-dire le scénario, qui a été vraiment travaillé de manière à rendre l’enquête, centrée sur l’intrigue de l’enlèvement d’une petite fille, palpitante, tout en laissant la place à ces personnages qui sont construits d’une façon très approfondie. Il y avait un tas de choses à jouer en plus de raconter ce monde d’aujourd’hui, de radiographier les gens et le monde qui nous entoure.

Doria Tillier : Moi aussi, j’étais intéressée par le projet pour ces raisons-là. Et j’avais déjà travaillé avec Sébastien Marnier (L’Origine du mal avec Laure Calamy, L’heure de la sortie). J’avais envie de retravailler avec lui parce que c’est un réalisateur assez pop, qui est vraiment dans le plaisir. Au moment de tourner, mais aussi en ce qui concerne le résultat. Ça lui tient à cœur que le spectateur prenne du plaisir, que ce ne soit pas juste profond ou intelligent ou drôle. Et la série, même si elle porte des messages, est divertissante.

“Quand on est détestable, il y a forcément une raison qui explique cela.” Géraldine Nakache

Aviez-vous lu le livre de Delphine de Vigan avant d’accepter ce projet ? 

Doria Tillier : Je l’avais lu et j’avais beaucoup aimé, donc j’étais très enthousiaste à l’idée de rejoindre cette adaptation des Enfants sont rois. Mais je sais qu’on avait interdit à Géraldine de lire le livre. Donc, elle l’a lu après. 

Géraldine Nakache : Quand j’ai eu rendez-vous avec les réalisateurs de la série, ils m’ont demandée de ne pas le lire car les créateurs du programme étaient en train de développer, pour les scénarios, une intrigue dans laquelle le personnage de Sara (que je joue) existe plus que dans le roman. J’ai donc d’abord découvert le script avant de me plonger dans l’ouvrage. Après, je ne vous cache pas que j’avais une petite taupe puisque ma mère a lu tous les livres de Delphine de Vigan et qu’elle m’avait raconté en long, en large et en travers le roman. Donc, je savais exactement de quoi il s’agissait.

Vous jouez des personnages assez clivants, que l’on a du mal à comprendre et aimer tout de suite…

Géraldine Nakache : Et c’est tant mieux, non ? J’ai ressenti l’inverse de l’appréhension en découvrant ces personnages. Je trouve ça exceptionnel de se dire : “J’adore les détester” car les deux femmes sont détestables. C’est ça qui est magnifique : essayer de comprendre pourquoi elles en arrivent là. Parce que quand on est détestable, il y a forcément un endroit ou une raison qui explique cela. 

Doria Tillier : Ça me fait penser au film L’Origine du mal que j’ai tourné avec Sébastien Marnier, qui a réalisé Les enfants sont rois, dans lequel les personnages sont difficiles à comprendre, au premier abord. Je n’irais pas jusqu’à dire que nos personnages dans Les enfants sont rois sont détestables. Mais on peut dire en effet qu’on n’éprouve pas, d’emblée, d’empathie pour elles et qu’elles ne sont pas très attachantes. Mais je trouve qu’en tant qu’acteur et en tant que spectateur, c’est ce qu’il y a de plus intéressant.

Comment décririez-vous vos personnages, Mélanie, mère d’une petite fille star des réseaux sociaux, et Sara, chef de Brigade au SDPJ (Sous-direction de la Police judiciaire) ?

Doria Tillier : Je dirais que Mélanie une fille qui, comme beaucoup de gens, a probablement dû manquer d’amour quand elle était petite et qui est en recherche d’amour. Sauf qu’elle pense que l’amour passe par la reconnaissance du plus grand nombre. Elle est vraiment en quête, assoiffée, de reconnaissance à tout prix. Mais elle ne se réduit pas totalement à ça. Il y a autre chose derrière. Évidemment, elle peut avoir des sentiments et aime ses enfants. Même si une part très importante de sa vie est dévouée à cette reconnaissance. 

Géraldine Nakache : Alors que Sara préférerait disparaître autant qu’elle peut et ne pas être au cœur des choses. Elle ne veut pas être le sujet de quoi que ce soit, pas même de sa propre vie. C’est une femme qui s’annule au profit de son métier (inspectrice de police), comme si son métier la remplissait totalement. Mais elle va justement découvrir qu’il ne s’agit pas que d’être dans l’action, mais il faut aussi penser, vibrer, vivre…

“Les réseaux sociaux et la célébrité numérique m’effraient beaucoup.” Doria Tillier

La série aborde des sujets de société comme notre rapport aux réseaux sociaux, la quête de célébrité, le fait d’exposer son enfant sur Internet. Est-ce que ce tournage vous a fait réfléchir ?

Géraldine Nakache : Ce que je trouve brillant dans l’écriture de Delphine de Vigan, c’est qu’elle dresse un état des lieux de ce qui se passe sans jamais juger ou nous dicter quoi penser. Mais elle nous aide à nous dire : “On en est là et ça grince un peu. Comment on fait pour redresser la barre ?” Ce qui m’intéresse, c’est que l’on me montre une radio de l’état du monde actuel. On dévoile ce qui se passe ici et maintenant, mais à nous de voir ce que l’on en fait. À chacun, après, de trouver où mettre le curseur par rapport à son exposition sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas facile. 

Doria Tillier : Quand on écrit un livre ou qu’on réalise une série, même si c’est du divertissement, on est toujours, j’imagine, motivé par l’idée de changer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, les consciences. De faire grandir une réflexion, avancer… Et c’est vrai que personnellement, c’est une réflexion que j’avais déjà avant la série. Parce que cela m’atteint particulièrement. Les réseaux sociaux et la célébrité numérique m’effraient beaucoup. En tout cas, je trouve ça bien que le sujet soit abordé dans une série et à travers un thriller palpitant, qui nous accroche. 

Vous avez commencé votre carrière dans le registre de la comédie. Et on vous voit de plus en plus dans des drames…

Géraldine Nakache : Je pense que, comme nous sommes de la même génération, nous sommes conçues de la même manière. Nous sommes en effet plutôt nées avec la comédie. Mais c’est un prisme comme un autre. Quand tu es acteur, tu n’as pas à prendre en charge le genre. Tu n’ interprètes pas un genre cinématographique. Tu dis tes lignes et tu es dirigé. C’est pour ça qu’on dit, en tant qu’acteur : “On peut tout jouer.” On veut tout jouer, car on est un instrument qui va dans les graves ou les aigus. Mais sinon, moi, je veux bien être cataloguée dans la comédie. Ça me va très bien. 

Doria Tillier : Je n’irais pas aussi loin que Géraldine qui dit : “En tant qu’acteur, on fait la même quand on joue de la comédie ou un film plus dramatique”…. Je trouve que c’est quand même différent, mais tout m’intéresse. Après, je préfère la comédie car c’est plus proche de ma façon d’exprimer. Mais j’aime les deux, au fond. C’est comme me demander si je préfère le chocolat ou le saumon fumé. Je suis contente de manger les deux. Mais je m’éloigne un peu là (rires). 

Les Enfants sont rois (2024), créée par Judith Havas et Victor Rodenbach, avec Géraldine Nakache et Doria Tillier, disponible sur Disney+.