Avec Mickey 17, Bong Joon-ho arrive-t-il à surpasser le film Parasite ?
En 2019, Bong Joon-ho est entré dans la légende avec Parasite, une comédie noire dénonçant avec audace et véhémence les comportements des ultra-riches, auréolée aux Oscars, aux Golden Globes ainsi qu’au Festival de Cannes. Six ans plus tard, le cinéaste coréen retourne en grâce à Hollywood avec Mickey 17, un film mettant en scène Robert Pattinson en tête d’affiche. Mais arrive-t-il à se hisser au niveau de son long-métrage phénomène ?
par Jordan Bako.

Mickey 17, le nouveau film de Bong Joon-ho après son sacre à Cannes pour Parasite
2019. Bong Joon-ho remporte la Palme d’or au Festival de Cannes. Le réalisateur s’illustre dans l’histoire de cette grand-messe du cinéma, car il est le premier cinéaste sud-coréen à remporter cette statuette sur la Croisette. Il renouvelle l’exploit quelques mois plus tard en remportant l’Oscar du meilleur film. Ce double sacre : Bong Joon-ho le doit à Parasite, une satire à l’humour mordant, portrait au vitriol des ultra-riches.
Toujours en 2019, après avoir remporté le prix du meilleur film en langue étrangère, Bong Joon-ho ironise sur l’estrade des Golden Globes : “Une fois que l’on parvient à surmonter la barrière de deux centimètres des sous-titres, vous pourrez découvrir bien d’autres films incroyables”. Encore aujourd’hui, Parasite est le plus beau succès originaire de Corée au box-office français. De Celine Song (Past Lives) à Jason Yu (Sleep), la nouvelle garde du cinéma sud-coréen cite Bong Joon-ho comme une éternelle source d’inspiration.

Mickey 17, la nouvelle incursion hollywoodienne du cinéaste
Avant Parasite, le cinéma de Bong Joon-ho avait déjà réussi à s’exporter au-delà des frontières sud-coréennes. Le film Snowpiercer, Le Transperceneige (2013) a marqué le premier essai du réalisateur en langue anglaise, suivi d’Okja (2017) avec une Tilda Swinton stupéfiante en PDG impassible.
Dire que le retour de Bong Joon-ho à Hollywood était attendu relève donc de l’euphémisme. Après un tournage débuté en 2022, les nouvelles ont tardé à venir au sujet de Mickey 17. Le bouclage du film a été retardé à la suite des grèves WGA et SAG-AFTRA, qui ont chamboulé les calendriers du cinéma en 2023.
Certains prophétisaient une présentation en avant-première au Festival de Cannes, d’autres à la Mostra de Venise. Le film a finalement été présenté hors-compétition à la Berlinale 2025. Et après de nombreux changements, Mickey 17 sort enfin en salles ce 5 mars 2025.

Pour ce nouveau projet, Bong Joon-ho adapte au cinéma Mickey 7, le roman de science-fiction d’Edward Ashton, sorti en 2022. L’auteur y dépeint une équipe d’astronautes chargée de coloniser des territoires sur une planète gelée, en proie à de nombreuses menaces.
Afin d’éviter de se mettre en danger plus que nécessaire, l’escouade a recours aux services de Mickey Barnes, un “employé jetable”. Ses collègues l’envoient en première ligne pendant toutes les expéditions. À chaque fois qu’il décède, Mickey peut être réimplanté dans un nouveau corps. Mais lorsqu’il est ressuscité pour la septième fois, les évènements prennent une tournure dramatique…
Une comédie noire fidèle au style de Bong Joon-ho
“Qu’est-ce que cela fait de mourir ?” Une question existentielle, assénée sur un ton rieur. Si on devait retenir qu’une seule phrase du visionnage de Mickey 17, ce serait peut-être celle-là, tant elle est répétée au personnage principal. Contraint à la fuite par des dettes contractées auprès de la pègre, Mickey n’a nul autre chose que de trouver refuge dans les étoiles. Le jeune homme s’engage en tant que travailleur “consommable” à bord d’une expédition spatiale dans l’espoir de disparaître aux yeux de ses débiteurs. Sans se douter qu’il se retrouverait à braver la mort tous les jours…
Sous l’impulsion de Bong Joon-ho, le scénario du film élève la cruelle ironie du roman à son paroxysme. En effet, si Mickey décède sept fois dans le livre, le cinéaste conduit le personnage au trépas dix fois de plus dans le long métrage. Incinéré vivant, cobaye d’une bacille expérimentale… En dépit de seize décès dans des conditions toujours plus délirantes, Mickey ne s’habitue jamais aux ténèbres de la mort, même s’il prêche le contraire à ses camarades d’excursion.

À travers la tragique figure de Mickey, on reconnaît bien la patte du réalisateur coréen, grand habitué des films satiriques. Même sous ses airs de science-fiction, Mickey 17 est avant tout une comédie cynique dont le réalisateur a le secret.
Robert Pattinson excelle dans un film délicieusement macabre
La mort lui va si bien. Dans Mickey 17, Robert Pattinson se métamorphose en un drôle d’astronaute, baroudeur benêt malmené par le destin. Dans chaque recoin du vaisseau spatial, Mickey se trouve ignoré ou méprisé… Sauf par la belle Nasha (Naomi Ackie, révélation de The End of the F***ing World et de Blink Twice), une agente de combat talentueuse qui entretient une relation amoureuse avec lui. Autres acteurs qui figurent au générique : Steven Yeun (Nope, The Walking Dead) et la Française Anamaria Vartolomei (césarisée en 2022 pour L’Événement) qui s’offre une première incursion dans le cinéma hollywoodien.
Mickey se retrouve soudainement piégé dans une tanière de glace, en tête-à-tête avec une horde de créatures monstrueuses – dont la dirigeante possède la voix de la comédienne française Anna Mouglalis. Ses camarades présupposent alors qu’il décède dans d’atroces circonstances. Sans se douter que l’aventurier s’en sortirait indemne avec l’aide de ces fameuses bestioles…
Les scientifiques à bord du vaisseau font alors le choix d’imprimer une nouvelle version de Mickey nommé Mickey 18, au tempérament plus farouche que son prédécesseur. Ainsi, Mickey 17 et Mickey 18 doivent décider lequel d’entre eux vivra, sans que leurs camarades d’excursion ne se doutent de leur double existence…
Dédoublé en deux êtres opposés en tous points, Robert Pattinson livre une performance rafraîchissante, qui constitue sans doute le point d’orgue du film. Anti-héros entre l’atroce et l’absurde, les deux Mickey redonnent de l’élan à ce film qui pêche parfois par ses longueurs narratives et ses excès de zèle…
Des ambitions politiques peu probantes
Dans un rôle vaguement similaire à celui qu’il a joué dans Pauvres créatures (2024), Mark Ruffalo campe Kenneth Marshall, un despote franchement pitoyable, sorte de figure messaique épaulée par sa femme (Toni Collette) qui œuvre dans l’ombre. Bong Joon-ho voile à peine la référence à Donald Trump : l’acteur en copie les inflexions de voix signature, triomphant au-dessus d’une marée de supporters arborant des casquettes rouge.
À la manière des précédents projets de Bong Joon-ho, Mickey 17 recèle donc de clins d’œil plus ou moins appuyés aux actualités politiques de ces derniers temps. En un peu plus de 2 heures, le film tente d’aborder pêle-mêle les hiérarchies entre les classes sociales, le transhumanisme, les droits des animaux, les massacres perpétrés contre certaines populations autochtones et enfin, la montée des régimes d’extrême-droite aux quatre coins du globe…
En résulte un film dense, ponctué de fulgurances comme de manqués. Mickey 17 se retrouve davantage porté par son casting de haut vol plutôt que par ses ambitions politiques peu éloquentes. Un long-métrage qui échoue, donc, à marcher dans les pas de Parasite. Mais difficile de suivre après l’Oscar du meilleur film…
Mickey 17 de Bong Joon-ho, avec Robert Pattinson, au cinéma le 5 mars 2025.