Rencontre avec Margot Robbie, qui nous parle d’amour, d’art et de son film Amsterdam
Son talent est à la hauteur de sa beauté : phénoménal. En moins de dix ans, l’héroïne du Loup de Wall Street (2013) âgée de 33 ans est devenue l’actrice la plus convoitée – et la mieux payée – d’Hollywood. À l’occasion de la sortie du film Barbie, ce mercredi 19 juillet, retour sur le parcours prodigieux d’une star australienne qui ne s’est jamais reposée sur les lauriers de ses traits de poupée, et sur notre rencontre au moment de la sortie du long-métrage Amsterdam.
par Violaine Schütz.
Si elle n’avait été actrice, Margot Robbie aurait aimé être cascadeuse ou trapéziste. Et on peut dire que sa carrière a déjà des airs de tour de force, de prouesse de gymnaste émotionnelle. Avec son allure de poupée Barbie (la créature qu’elle incarnera ce mercredi 19 juillet dans un film signé Greta Gerwig), l’Australienne de 33 ans aurait pu être cantonnée aux rôles de potiche, de bombe sexuelle ou de petite-amie du héros, réduite au rang d' »objet ». On sait combien Hollywood a tendance à cataloguer facilement les femmes et à manquer d’imagination lorsque la beauté des actrices se révèle phénoménale, voire écrasante. Marilyn Monroe a ainsi mis des années à trouver des rôles dramatiques ou comiques à la hauteur de son talent brut, après avoir été longtemps prisonnière des rôles de ravissante écervelée.
L’ascension irrésistible de Margot Robbie
Sauf que Margot Robbie est bien plus atypique que sa perfection plastique ne le laisse le croire. Et elle n’est pas du genre à se laisser étiqueter. Née à Dalby dans le Queensland (en Australie), elle n’a pas grandi au milieu de personnes évoluant dans l’industrie du cinéma ou du spectacle. Enfant, l’Australienne a vécu avec sa mère célibataire, physiothérapeute, ses deux frères, et sa sœur, sans avoir de véritable contact avec son père. Adolescente, elle se montre rebelle, cumule les heures de retenue et passe presque tout son temps dans la ferme de ses grands-parents. Lorsqu’elle a 15 ans, un déclic se produit. Elle voit à la télévision une fille de son âge jouer une scène qu’elle juge médiocre et se dit qu’elle serait bien meilleure qu’elle, si seulement on lui en donnait l’opportunité. Ce constat fait germer chez la jeune fille ambitieuse le désir de devenir actrice. Au même moment, elle rêve aussi de devenir riche, comme le sont tous ses amis à l’école, quand elle sera « grande ».
Le point commun entre Margot Robbie et Kylie Minogue
Mais il lui faudra multiplier les expériences éclectiques avant de devenir l’une des stars les plus bankable de la Cité des anges. Après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires dans la ville côtière de Gold Coast, connue pour ses longues plages de sable et ses spots de surf idyllique (un sport qui passionne l’actrice tout autant que le hockey sur glace et le pilates), Margot Robbie débute des études de droit qu’elle abandonne très rapidement. S’en suivent de nombreux petits boulots qui prouvent que la future artiste n’a pas peur de mouiller sa chemise. L’Australienne est tour à tour vendeuse dans une boutique de surf, dans une épicerie, dans une pharmacie puis préparatrice de sandwichs dans un Subway, babysitter ou encore femme de ménage.
À 17 ans, cette fan de musique metal et du film True Romance décide finalement de franchir un pas vers la carrière qui l’a fait rêver en s’installant à Melbourne pour avoir plus de chance de passer des castings. Sa beauté spectaculaire aidant, Margot Robbie décroche dès 2008 plusieurs rôles au cinéma et dans des séries comme le soap opéra Les Voisins (le show où Kylie Minogue a commencé). Elle doit en grande partie cette incursion à Hollywood à son cran : l’apprentie actrice avait écrit aux producteurs du soap pour leur demander de l’embaucher. Une attitude qui deviendra sa marque de fabrique : plus tard, c’est à Quentin Tarantino qu’elle écrira… Sa philosophie ? Si elle veut quelque chose, elle met tout en œuvre pour l’obtenir, et le plus vite possible. Car Margot Robbie déteste attendre…
Une gifle mémorable destinée à Leonardo DiCaprio
Il faudra néanmoins patienter jusqu’en 2013 pour que la bombe blonde Margot Robbie explose vraiment. Encore inconnue du grand public, elle joue cette année-là l’épouse sexy et girlie d’un richissime courtier interprété par Leonardo DiCaprio dans Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese, qui réalise plus de trois millions d’entrées en France. Si au premier abord, son personnage vêtu de rose bonbon (qui apparaît souvent nu) a tout d’une bimbo, la fin du long-métrage laisse dévoiler une personnalité moins lisse et bien plus manipulatrice. Pour décrocher ce rôle très envié, Margot Robbie a pris un risque : décider de gifler Leonardo DiCaprio pendant l’audition, impressionnant par sa témérité l’acteur et le réalisateur. Scorcese l’a décrit comme un mélange de trois immenses actrices : Ida Lupino pour son « audace émotionnelle », Carole Lombard pour son talent comique et Joan Crawford pour sa ténacité. Cette performance convaincante devient son ticket d’entrée vers les rôles les plus prisés. Margot Robbie enchaîne les apparitions magnétiques et intenses pleines de fougue, de fureur, d’humour et de folie. Impliquée à 120 % dans ses rôles, elle revient souvent chez elle tremblante, et a du mal à dormir, après ses performances.
De Moi, Tonya à Once Upon a Time… in Hollywood
Margot Robbie joue avec la même intensité une arnaqueuse glamour dans Diversion (2015), aux côtés de Will Smith, l’anti-héroïne dangereuse, loufoque et punk en costume d’Harlequin Harley Quinn dans Suicide Squad (2016) et la patineuse artistique dérangée Tonya Harding dans la comédie noire Moi, Tonya (2017). Cette performance torturée et grandiose, qui reste la meilleure de sa carrière jusqu’ici, lui vaut sa première nomination à l’Oscar de la meilleure actrice. Fan de Fight Club (1999) et de films d’action, Margot Robbie a une prédilection pour les films provocateurs. Et les rôles de femmes fortes l’aimantent, à l’image de ceux de la reine Élisabeth Ire dans Marie Stuart, reine d’Écosse (2018), de l’actrice au destin tragique Sharon Tate dans Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino (2021) ou d’une journaliste agressée éprise de vengeance dans le thriller Scandale (2020) aux côtés de Charlize Theron et Nicole Kidman. Et à chaque fois qu’on la voit évoluer sur le grand écran, c’est la même évidence. Margot Robbie impressionne par sa justesse, son élégance et son engagement, dans chaque plan. En une seule scène, elle est capable de se montrer sensuelle, sombre et hilarante. Son ultime force ? Un regard bleu mystérieux et une capacité à « s’enlaidir » pour un rôle ou à ne pas avoir peur de jouer les méchantes ou les psychopathes, cassant sans arrêt l’image de la surfeuse australienne au sourire ultra « bright » qui aurait pu lui coller à la peau.
« J’ai commencé à faire beaucoup d’art. De l’art à la maison en confinement, et ça devenait très bizarre. » Margot Robbie
En octobre 2022, c’est encore une autre facette de l’actrice que l’on découvrait. Dans le film Amsterdam (2022) de David O. Russell (American Bluff, Happiness Therapy), aux côtés de Christian Bale, Rami Malek et Robert De Niro, elle joue Valerie, une infirmière brune et fantasque qui, pendant la Première Guerre mondiale, scelle un pacte d’amitié avec deux vétérans : son amant, avocat et un médecin. Tous les trois vont vivre les meilleures années de leur vie dans la ville d’Amsterdam avant qu’une montée du fascisme menace le gouvernement des États-Unis. Valerie est une jeune femme pleine de fantaisie, drôle, qui fabrique des objets artistiques avec le métal des balles récupérées dans les corps des soldats qu’elle soigne dans un élan dadaïste.
Elle aime aussi prendre tout ce qui l’entoure en photo pour fabriquer des clichés originaux. « J’ai eu beaucoup de temps pour préparer le rôle de Valerie, explique Margot Robbie en conférence de presse. Plus longtemps que je n’en ai jamais eu pour préparer un personnage. Non seulement parce que David, le réalisateur, était si collaboratif qu’il voulait parler de Valérie et de ce film, des années avant que nous le fassions, mais aussi parce que nous avons dû tout arrêter à un moment donné à cause du Covid. Peut-être même que le temps de préparation était un peu trop long, pour être honnête. J’ai commencé à faire beaucoup d’art. De l’art à la maison en confinement, et ça devenait très bizarre. »
Amsterdam : une histoire d’amour et d’amitié plus vraie que nature
Connue pour se plonger à corps perdu dans ses rôles, Margot Robbie s’est laissée contaminer par la personnalité créative et « dingo » (selon les mots de l’actrice) de Valérie, dès le début du tournage. La star raconte : « Je suis tombée amoureuse de Valerie. Elle suit son propre rythme. À un moment donné, mon mari est entré dans la pièce où je me trouvais, et j’avais des morceaux de métal et du faux sang partout. J’avais sorti ma caméra Super 8, et je portais un masque, et j’avais tous ces trucs fous (rires) comme des radiographies autour de moi. Et il m’a dit : « Je pense que tu pousses trop loin ce personnage. Tu dois te calmer. » Et j’ai répondu : « D’accord. » »
Si l’actrice n’a pas eu de mal à incarner avec brio son personnage, c’est en partie parce qu’étrangement, l’actrice a vécu la même histoire qu’elle. « Le pacte d’amitié que Valerie conclut avec Harold et Burt représente tout pour elle. Et il se trouve que moi aussi, j’ai fait partie d’un trio fusionnel très proche de celui du film. Ironiquement, nous nous sommes également tous rencontrés en Europe, en Belgique. C’est là que j’ai rencontré mes deux meilleurs amis. Puis j’ai épousé l’un d’entre eux, tandis que je travaille avec l’autre. J’ai laissé infuser des parties de moi dans ce film et je pense que cette authenticité se voit à l’écran. »
Babylon et Barbie… Les beaux projets de Margot Robbie en 2023
En effet, Margot Robbie a rencontré, en 2014, sur le tournage du film franco-britannico-belge Suite française (sorti en 2015) les assistants réalisateurs Tom Ackerley (devenu son mari) et Josey McNamara (devenu son ami). Tous les trois ont fondé une société de production britannique (Margot Robbie vit entre Londres et Los Angeles) : LuckyChap Entertainment, qui veut porter de grandes histoires de femmes à l’écran et soutenir les femmes créatrices en coulisses. Dans Suite française, figurait l’acteur Matthias Schoenaerts qui est aussi à l’affiche d’Amsterdam. La preuve que les heureuses coïncidences et la magie ne sont jamais très loin quand Margot Robbie fait partie d’un projet.
On n’assiste pourtant peut-être qu’au début du sacre de l’actrice, qui a toujours peur que le climax de sa carrière soit derrière elle. Aujourd’hui, l’Australienne est l’actrice la mieux payée d’Hollywood. En 2023, elle est à l’affiche du très beau Babylon (2023) de Damien Chazelle, dans elle incarne une actrice prête à tout pour réussir et donne la réplique à Brad Pitt (qu’elle a insisté pour embrasser dans le film alors que ce n’était pas dans le scénario). On l’a aussi aperçue dans le dernier film de Wes Anderson, Asteroid City (2023), aux côtés d‘Adrien Brody et de Scarlett Johansson.
Mais surtout, elle incarne la célèbre poupée Mattel dans le film Barbie, de Greta Gerwig, avec Ryan Gosling, qui sort ce mercredi 19 juillet 2023. Un film coproduit par la société de Margot Robbie, LuckyChap Entertainment, qui aborde l’univers très rose de ce jouet genré avec un twist féministe, décalé et critique. Cette aventure excitante projette l’intrépide Margot Robbie encore un peu plus loin sur la piste aux étoiles… parmi les femmes les plus puissantes d’Hollywood.
Le film Amsterdam (2022) de David O. Russell, est disponible en DVD. Barbie (2023) de Greta Gerwig sort au cinéma le 19 juillet 2023.