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Pourquoi HBO règne sur le monde des séries, de The Wire à The White Lotus
Créée dans les années 1970, la chaîne de télévision américaine HBO a révolutionné le monde du petit écran. Les séries à succès Oz, Sex and the City, The Wire, Westworld, Girls, Game of Thrones ou The White Lotus, ont marqué à jamais l’histoire du petit écran. Alors que les studios HBO caracolent en tête des nominations aux Emmy Awards 2025, retour sur la grande histoire d’un succès planétaire.
par Marthe Rousseau.
HBO, une chaîne de documentaires à ses débuts
Les séries exigeantes et avant-gardistes ont fait de l’ancien slogan de la chaîne une réalité : “It’s not TV, it’s HBO”. En effet, lancée dans les années 1970 par Charles Dolan, la chaîne américaine câblée HBO n’avait, à l’origine, pas vocation à être une référence dans la production de séries de légendes. HBO commence à diffuser des documentaires et à retransmettre des matchs locaux, abandonnés par les canaux concurrents.
Le succès débarquera réellement avec la série Oz (1997-2003), qui, à la manière d’un documentaire, dépeint le quotidien ultra-violent des détenus et du personnel d’une prison américaine. Alors que Friends (1994-2004) mettait en scène à la même époque la vie sans histoire d’un groupe d’amis à Manhattan, HBO propose quant à elle une critique acerbe du milieu carcéral qui ne fait que perpétuer la criminalité.
L’histoire est racontée à travers le personnage d’Augustus Hill, doublement prisonnier sur sa chaise roulante après avoir chûté de plusieurs étages lors d’une descente de police. À l’image d’un long-métrage, la chaîne diffuse alors pour la première fois des épisodes d’une heure, sans coupures publicitaires, et plonge le spectateur directement dans l’intrigue.
The Wire, portrait sombre de l’Amérique
Après le dysfonctionnement du milieu carcéral, Alan Ball crée Six Feet Under et condense les névroses d’une famille de croque-morts à Los Angeles. La série révèle d’ailleurs une brochette d’acteurs talentueux comme Michael C. Hall, connu notamment pour son rôle emblématique de tueur en série dans la série Dexter.
Dix ans après Oz, HBO donne naissance à une série policière (et politique) que la presse qualifie de “véritable réussite” : The Wire (Sur écoute en français). Les épisodes dressent le portrait de la ville de Baltimore, irriguée par le trafic de drogues, et du quotidien de jeunes dealers et de policiers qui enquêtent sur leur réseau. Encore une fois, HBO a ce désir de faire la chronique d’une Amérique sombre et détraquée.
Des récits de plus en plus féminins avec Sex and the City
Entre la violence des prisons américaines et celle du trafic de drogues, HBO s’attaque au plaisir féminin avec la série Sex and the City en 1998. Les épisodes durent moins longtemps (trente minutes) et l’intrigue narrée par la journaliste Carrie Bradshaw (Sarah Jessica Parker) suit ses déboires amoureux et sexuels et ceux de ses trois copines. Alors que Carrie cherche sans cesse l’amour sans savoir ce qu’elle veut, Miranda, elle, refuse de s’attacher, tandis que Charlotte, très fleur bleue, rêve de fonder une famille et que Miranda ne jouit que d’histoires éphémères.
La clé du succès réside d’abord dans la liberté de ton de ces femmes célibataires qui osent s’exprimer ouvertement sur leur sexualité et leurs histoires d’amour (qu’elles soient heureuses ou décevantes) avec toujours énormément d’autodérision. Mais c’est aussi la relation d’amitié entre ces quatre femmes très différentes qui réunit les téléspectateurs.
Girls, une série de Lena Dunham sacrée aux Emmy Awards
En 2012, les trentenaires fashion qui boivent un Cosmopolitan dans les bars de Manhattan font place à leurs cadets fraîchement diplômées de Girls. Ces anti-héroïnes se différencient radicalement de Carrie Bradshaw et représentent une génération ambitieuse qui ne parvient pas à atteindre ses objectifs. Entre petits boulots, engueulades entre copines et lassitude amoureuse, leur vie semble parsemée d’échecs et de déceptions. Portée par Lena Dunham (qui joue le rôle de l’égocentrique Hannah), la série aborde notamment la difficulté de trouver sa place en tant que jeune adulte.
Enfin, Girls met en scène des corps à l’état brut, sans artifices, et contribue ainsi à renouveler la vision de la femme loin de l’image lisse des publicités. Cette série nommée 14 fois aux Emmy Awards en quatre ans (et sortant gagnant en 2012) a d’ailleurs révélé des acteurs talentueux comme Adam Driver (le partenaire de Hannah) qui enchaîne depuis les tournages, de Star Wars au dernier long-métrage de Francis Ford Coppola, Megalopolis.
Le phénomène Game of Thrones
Qu’il s’agisse de True Detective avec les acteurs Matthew McConaughey et Woody Harrelson ou plus récemment de Big Little Lies (qui a gagné l’Emmy Award 2017 de la meilleure mini-série) avec les superstars Nicole Kidman ou Reese Witherspoon, HBO se donne les moyens de produire des séries à la hauteur de ses acteurs. Mais c’est avec Game of Thrones, la série la plus téléchargée au monde, que HBO raflera tout. La série cumule 22 nominations pour l’édition 2018 des Emmy Awards juste devant la superproduction Westworld (21 nominations).
La clé d’une telle réussite ? Un budget pharaonique qui augmente de saison en saison (chaque épisode de la saison 7 avoisinerait les 15 millions de dollars), et un univers heroic fantasy à coup d’épée, d’intenses scènes de sexe, ainsi que de morts subites de personnages principaux. Rien de mieux pour conserver le suspense que de livrer ce type de scénario qui fait valser la morale et la hiérarchie.

Le triomphe de HBO, d’Euphoria à The White Lotus
HBO continue de renouveler son offre de séries, avec des programmes couronnés de lauriers. On pense par exemple la série post-apocalyptique The Last of Us, qui place Pedro Pascal et Bella Ramsey en survivants d’une vague de zombies qui déferle sur la terre. Quant à elle, Euphoria capture les désillusions d’une jeune génération, entre sexe, drogues et traumatismes. The White Lotus, série créée par Mike White, peint un portrait au vitrol des ultra-riches, se prélassant dans des resorts de haute gamme – lorsqu’ils ne sont pas occupés à s’entretuer. Enfin, Succession illustre la lutte pour le pouvoir des héritiers d’un magnat des médias.
Des séries historiques avec The Gilded Age à la comédie avec Insecure, en passant par le registre dramatique (et sulfureux) de The Idol, les studios HBO virevoltent entre les genres, refusant de se cantonner avec des personnages et des intrigues lisses.

Des studios alertes aux tendances, de la mini-série aux reboots
Au-delà de ces programmes, tous remarqués autant par le public que par la critique, HBO a pris le diapason de la tendance des mini-séries, qui connaissent une popularité sans précédent sur les autres plateformes de streaming, à l’instar de Chernobyl, The Regime ou encore I May Destroy You (co-produite par la BBC).
Ces derniers temps, HBO semble avoir étendu à sa stratégie. Au-delà de ses créations originales, la chaîne mise sur les reboots et spin-offs d’œuvres existantes. Avec And Just Like That…, les studios HBO redorent le blason de l’un de leurs plus beaux succès : Sex and the City. Le programme intervient près de 20 ans après les dernières aventures de Carrie, Miranda, Samantha et Charlotte. Une façon d’actualiser la série, parfois épinglée par son manque de diversité et de réalisme… Enfin, un remake de la saga Harry Potter, actuellement en cours de production, achève de confirmer cet intérêt de HBOpour les spin-offs…
Depuis le succès de ces programmes les studios HBO ont réussi à se faire une place de choix dans le monde des séries. Autrefois disponibles en France via OCS et le pass Warner, les programmes HBO ont désormais le droit à leur propre plateforme en streaming sur l’Hexagone depuis 2024, intitulée Max puis HBO Max. Cette année, la chaîne caracole en tête des nominations aux Emmy Awards 2025, avec pas moins de 142 salutations de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences américaine. Les programmes HBO triompheront-ils une nouvelle fois lors de la prochaine cérémonie, organisée le 15 septembre prochain ?