8 août 2025

Comment Gianni Versace est-il entré dans la légende ?

Alors que la maison Versace ouvre un chapitre de transition inédit dans son histoire et que le musée Arches London Bridge dédie une rétrospective à la carrière de Gianni Versace, retour sur la personnalité hors du commun du créateur, qui a révolutionné la mode de ces 40 dernières années.

  • Par Léa Zetlaoui.

  • 2025, un nouveau chapitre pour la maison Versace

    Gianni Versace, accompagné de sa sœur Donatella et de son frère Santo, a construit un véritable empire de la mode et fait du glamour baroque sa marque de fabrique. Supermodels et célébrités, luxe clinquant et campagne choc, refus du bon goût, images provocantes… Sous l’ère du créateur, “trop” n’est jamais assez.

    Depuis sa disparition tragique en 1997, Versace est dirigé par sa sœur, Donatella, qui poursuit cet héritage mode au fil des saisons sur près de trois décennies. Mais, au printemps dernier, elle annonçait se retirer de la direction artistique, au profit de Dario Vitale, tandis que la maison italienne était en parallèle rachetée par le groupe Prada.

    Un changement de paradigme pour Versace, dont l’histoire s’écrivait en famille depuis sa fondation en 1978. Alors que la marque s’apprête donc à écrire un tout nouveau chapitre, retour sur les moments qui ont forgé sa légende – et celle de son fondateur, Gianni Versace.

    Glamour et décadence : la mode italienne selon Gianni Versace

    Au moment où Gianni Versace fonde sa maison, la mode italienne est en plein essor. Souvent comparé à Giorgio Armani, qui lança sa maison en 1975, il propose pourtant une mode à l’opposé du minimalisme et du tailoring de son compatriote. Avec l’aide de sa sœur Donatella, qu’il considère également comme sa muse, il va construire un style glamour, over-sexy et coloré qui détourne les codes de la culture italienne, de l’art et des tendances de son époque.

    Véritable couturier, il construit ses créations en les drapant directement sur les mannequins sans patron ni dessin préalable. Inspiré autant par le théâtre, les ballets, l’architecture ou l’art moderne, que par les prostitués qui bordaient les routes de Calabre durant son enfance où les night-clubs gays de New York, il mélange allègrement du cuir noir, des références bondage, des couleurs criardes, des imprimés baroques, des longueurs indécentes, des fentes ou encore de l’ultra-moulant. Il maîtrise si bien le détournement des codes que, même lorsqu’il propose une collection grunge pour l’hiver 1993, celle-ci transpire de sensualité.

    Gianni Versace, encouragé par Donatella, va libérer la femme (et l’homme) des carcans du bon goût. Son style clinquant, symbolisé par une tête de Méduse dorée, s’applique également à la décoration avec sa villa de Milan ou sa demeure à Miami, mais aussi dans la parfumerie, le linge ou la vaisselle. Désormais, l’abondance de luxe et de richesse a un nom : Versace.

    50 ans de vie sulfureuse

    Originaire d’un petit village de Calabre touché par la pauvreté et la corruption, Gianni Versace s’est bâti un destin aux antipodes de ses débuts. Une vie intense partagée entre richesse, opulence et célébrités. C’est en 1978, alors âgé de 32 ans, qu’il crée avec son frère aîné Santo ce qui deviendra le futur empire Versace. Ils sont rapidement rejoint par leur sœur Donatella Versace dont la personnalité flamboyante et la réputation de party-girl vont éclabousser le côté déjà très show-off de Versace.

    Malgré une vie finalement assez simple, Gianni Versace a le goût des belles choses, associé à un caractère arrogant et rigide. Avec ses soirées extravagantes arrosées de célébrités, d’alcool et de cocaïne, ses mannequins ultra sexy (hommes comme femmes), ses déclarations fracassantes (“J’ai une relation fantastique à l’argent”), quelques affaires de corruption et une homosexualité mal assumée dans une époque encore frileuse… Gianni Versace et sa fratrie défraient régulièrement la chronique. Cependant, en 1997, un événement tragique vient frapper la famille Versace.

    Devant son extravagante demeure de Miami, Gianni Versace, 50 ans, est assassiné par le tueur en série Andrew Cunanan, qui se suicidera avant d’être arrêté par la police. Par la suite, sa sœur et son frère continueront de faire vivre le nom de Versace, désormais entré dans la légende. Car au-delà de sa vie sulfureuse, Gianni Versace a véritablement révolutionné la mode. 

    La création des supermodels

    En septembre 2019 à Milan, Donatella Versace honorait la mémoire de son frère à l’occasion d’un défilé hommage qui reprenait les créations les plus iconiques de Versace. La directrice artistique offrit un show comme seul Versace sait le faire, conviant lors d’un final grandiose cinq des mannequins les plus célèbres de tous les temps : Carla Bruni, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Cindy Crawford et Helena Christensen, en robes lamées, firent renaitre un âge d’or de la mode.

    Avant 1986, ces mannequins aux formes sculpturales et au succès déjà bien établi, étaient plus habituées aux pages de magazines qu’aux podiums des Fashion Weeks. Poussé par Donatella, Gianni décide pourtant de les faire défiler. Le succès sera énorme et inaugurait l’ère des supermodels.

    Boostée par la présence de ces mannequins hors du commun, c’est également à cette époque que champagne, caviar et soirées inoubliables enflamment les Fashion Weeks. Un peu plus tard, c’est encore Donatella qui aura l’idée de montrer une jeune Kate Moss, quelques mois avant ses premiers défilés. À une époque où la mode démarre son processus de globalisation, les supermodels font étinceler la déjà très flamboyante maison Versace.

    Actrices, rock stars et princesses, ces nouveaux mannequins

    En plus d’être un créateur hors du commun, Gianni Versace était un businessman exceptionnel. Très vite, il utilise les célébrités comme publicité gratuite pour sa maison. C’est grâce à sa rencontre avec Elton John, dont le style théâtral s’adapte parfaitement à l’exubérance de ses créations, que Gianni tisse des liens avec l’industrie de la musique. Véritable publicité vivante, le chanteur anglais, quarante fois n°1 au classement américain Billboard, contribua largement à promouvoir la maison en Europe et aux États-Unis.

    Parmi les artistes habillés par Versace, on comptera également Paul McCartney et Michael Jackson dans le clip Say, Say, Say (1983), Bruce Springsteen sur sa tournée Born in the USA, ou le rappeur Tupac et son fameux collier à tête de Méduse à 45 000$.

    En 1991, c’est une tout autre personnalité qui va porter aux nues le créateur italien. Shootée par Patrick Demarchelier en couverture du Harper’s Bazaar britannique, Lady Diana, toujours princesse du Royaume-Uni à l’époque, offre une image plus sage du label.

    Enfin, Versace habille en 1994 Elizabeth Hurley, alors en couple avec le très célèbre Hugh Grant, d’une très suggestive robe noire aux fentes impudiques et décorées de larges épingles à nourrices. Cette nuit-là, Elizabeth Hurley et “That Dress” rentrent dans la légende. Par la suite, Gianni et Donatella Versace invitent des célébrités au premier rang de leurs défilés et figurent parmi les premiers à transformer leurs shows en red carpet.

    “Gianni Versace Retrospective”, exposition jusqu’au 1er mars 2026 au musée Arches London Bridge, 8 Bermondsey St, Londres.