La Samaritaine en 5 grands moments artistiques
Après des années de travaux, la Samaritaine s’apprêterait à rouvrir ses portes le 28 mai prochain. Bâtiment Art nouveau emblématique, le grand magasin fût aussi une source d’inspiration pour nombre d’artistes. Retour sur 5 oeuvres ayant réinvesti ce lieu de leur imaginaire.
Par Alix Leridon.
Depuis son ouverture en 1870, le bâtiment aura traversé les époques et aura titillé l’imaginaire de nombre d’artistes et créateurs. Reprise par le groupe LVMH en 2001, la Samaritaine s’apprête enfin à rouvrir ses portes, après 20 ans de travaux et de nombreuses aventures. Avec 600 marques réparties sur 20 000 mètres carrés, un foodcourt haut de gamme et un palace de 72 chambres, Cheval Blanc – déjà présent à Courchevel – , l’ancien grand magasin deviendra le plus grand concept store de la capitale. Numéro revient sur cinq moments où l’art est entré dans le grand magasin.
1. Au Bonheur des Dames (1883), Emile Zola
Quand Emile Zola prépare l’écriture d’Au Bonheur des Dames, c’est à l’architecte de la Samaritaine, Frantz Jourdain, qu’il s’adresse pour penser et dessiner le principal décor du roman, l’éponyme et fictif “Bonheur des Dames”. Décrivant l’arrivée des grands magasins à Paris, le roman imagine cette “cathédrale du commerce moderne, solide et légère” en s’inspirant des architectures du Bon Marché et du Louvre. Mais c’est avec Frantz Jourdain, architecte belge emblématique de l’Art nouveau, qu’il dialogue pour élaborer précisément la topographie du lieu. Avec son ossature de fer et ses cours vitrées, le grand magasin fictif à bien des points communs avec celui de la Samaritaine. Dans l’adaptation cinématographique du roman par Julien Duvivier (1930), c’est d’ailleurs la façade de la Samaritaine qui apparaît.
2. Sur le Pont Neuf j’ai rencontré (1956), Aragon
Auteur-promeneur, Aragon a fait de ses déambulations parisiennes la matière première de ses textes poétiques. Fasciné par la modernité, il écrit dans un de ses premiers textes, Alcide ou De l’esthétique du saugrenu, que “la Samaritaine est assez l’exemple de la beauté moderne.” Entre mauvais goût et lyrisme moderne, la façade de la Samaritaine a un pouvoir d’attraction sur l’auteur et devient le point de départ de plusieurs de ses balades poétiques. C’est d’ailleurs là où commence Le Roman inachevé, à travers le poème liminaire “Sur le Pont Neuf j’ai rencontré…”
3. Nocturama (2015), de Bertrand Bonello
Nocturama, de Bertrand Bonello, raconte les pérégrinations nocturnes d’un groupe de jeunes terroristes trouvant refuge dans un grand magasin après avoir commis l’irréparable. Ce grand magasin, c’est la Samaritaine, réinvestie et réaménagée pour l’occasion par la chef décoratrice Katia Wyszkop. Encore en travaux, le bâtiment était redevenu, le temps du tournage, un temple de la consommation sur plusieurs étages, avec ses rayons beauté, mode et mobilier. Les jeunes acteurs y déambulent sans but, et s’approprient les lieux qui se transforment en chambres, salles de bain ou cabaret, au fil de leurs envies.
4. Holy Motors (2012), de Leos Carax
Chez Leos Carax, la Samaritaine est presque vide. Alors qu’on suit Denis Lavant dans un voyage au bout de la nuit à la poursuite de ses mille et une vies, on atterrit un instant dans l’iconique bâtiment. Habitée de mannequins abandonnés et, pour certains, démembrés, la Samaritaine devient alors un étrange et obscur asile d’ombres et de fantômes. Dans une séquence clé réunissant Denis Lavant et Kylie Minogue, on est projeté sur le toit du grand magasin, surplombant le Pont Neuf ; un décor qui prend un goût de revanche pour le réalisateur après toutes les déconvenues liées au tournage de son premier grand succès, Les Amants du Pont-Neuf.
5. Le défilé printemps-été 2021 de Louis Vuitton (2020)
L’avant-dernier défilé de Nicolas Ghesquière se tenait au dernier étage du bâtiment rénové mais encore en travaux, sous son gigantesque dôme de verre. Le siège de Louis Vuitton étant situé juste en face du grand magasin, qui appartient désormais au groupe LVMH, le choix du lieu tenait de l’évidence. Avec ses fresques d’or et son incroyable lumière, le décor du défilé était en parfaite harmonie avec les pièces colorées et débridées du catwalk. Divers murs du magasins emblématiques étaient recouverts de fonds verts, sur lesquels étaient projetés en post-production le film en noir et blanc Les Ailes du Désir de Wim Wenders. Sur le podium, on pouvait notamment voir défiler la chanteuse belge Lous and the Yakuza.