Release Party : l’émission improbable d’Arte qui filme… des albums
Le rendez-vous des rockstars et des freaks… Imaginée en 2019 par Arte Concert, l’émission Release Party filme littéralement un album de musique : elle réalise un long clip dans lequel un artiste interprète tous les morceaux de son disque, dans l’ordre et en live. La chaîne a donné rendez-vous à Numéro sur le tournage de son nouvel épisode avec le musicien Myd… dans un supermarché.
Par Alexis Thibault.
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Le concept de l’émission Release Party d’Arte Concert est simple : filmer un album de musique. Littéralement. En d’autres termes, imaginer un clip – et donc un scénario – à l’échelle d’un disque entièrement joué en live, morceau par morceau. Après la techno métallique de Carpenter Brut en février, un tournage de trois jours avec le pianiste Yann Tiersen sur l’île d’Ouessant et la captation splendide de l’album Paradigmes de La Femme, c’est au tour de l’artiste français Myd de présenter son album Born a Loser, sorti le 30 avril, chez Release Party. À chaque épisode son imagerie, ses comédiens et sa photographie. Quant à la direction artistique, elle est on ne peut plus claire : “On veut des personnages, des rockstars, des freaks” glisse Arthur Cemeli, responsable de la production. Comme tous les autres héros du programme, le musicien aussi loufoque qu’intransigeant a été choisi pour son âme de performeur…
Quentin Lepoutre, de son vrai nom, a donc réinterprété son album, en entier, dans une vidéo au scénario tout aussi farfelu que son personnage : le patron d’un supermarché lance les “Jours fiesta” et pousse Myd à se produire devant les clients, évidemment incarnés par des figurants… “Nous cherchions à développer quelque chose autour de la loose et du quotidien, dans le pur prolongement du personnage de Myd, poursuit Arthur Cemeli, c’est le réalisateur de l’émission, Xavier Reim, qui a eu l’idée du supermarché pour la session. Il fallait trouver le lieu le plus lambda du monde…” Résultat, un concert aux airs de boum entre les crèmes hydratantes et les ballons de baudruche, les oranges sanguines et les panneaux à l’effigie de Myd, ce type au look volontairement négligé qui pourrait sortir d’un club berlinois comme d’une partie de pétanque. Pourtant, derrière cet arlequin de la musique électronique signé sur le label Ed Banger se cache un trentenaire un peu control freak qui cite volontiers le DJ Fat Boy Slim, l’univers truculent de Tom-Tom et Nana et l’humour grinçant de Ricky Gervais. Alors que ses titres radieux The Sun ou Together We Stand ont ravi des milliers d’auditeurs moribonds pendant le confinement, Myd a poursuivi sur sa lancée avec son premier album Born a Loser, dont le titre résume à lui seul l’ascension d’un bourreau de travail.
L’équipe d’Arte a donc donné rendez-vous à Numéro dans un supermarché, quelques minutes après la fermeture. Sur place, les équipes techniques de la chaîne franco-allemande s’affairent déjà à l’entrée de la grande surface, installant décors et caméras le long des rayons, déambulant entre les étals de fruits et légumes dans un enchevêtrement de câbles insolite. Sourire aux lèvres, tous les protagonistes s’accordent sur le même point : la scène est improbable. Et la voix du chef opérateur résonne alors dans le Super U de Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis) : “Maintenant nous allons tourner la scène où tu te retrouve debout sur le tapis roulant de la caisse. On coupe. Puis le patron du supermarché fait son annonce. Stop. On fait entrer les figurants qui se mettent à côté de toi, puis tu commences à chanter…” Tandis que Myd suit attentivement les indications, nous avons interrogé les membres de Milgram, l’équipe de production perfectionniste qui mène ce joyeux bordel à la baguette.
On apprend que la prise de vue en plan-séquence a finalement été abandonnée, car “trop casse gueule”, et que le nombre de vues générées par le programme – 600 000 sur YouTube pour la session de Carpenter Brut – est un petit exploit pour un format long de 50 minutes. “De nombreux albums ne sont que des enchaînements de singles, insiste Arthur Cemeli. Lorsque nous écoutons un disque, nous cherchons une idée globale afin de créer un décor, un scénario et une direction artistique originale qui va jusqu’à la typographie du générique.” Cousin pop du programme Dans le Club, qui accueille exclusivement des rappeurs à La Station, porte d’Aubervilliers, l’émission Release Party s’inspire notamment du Melody Nelson de Serge Gainsbourg, un chef-d’œuvre de 1971 dans lequel l’homme à la tête de chou construit son récit autour d’une jeune fille, incarnée par sa muse Jane Birkin. Un disque qui entre dans la catégorie des “albums concept”, ces opus dont tous les morceaux sont globalement liées à un même thème, une même idée, une même histoire. “Les captations classiques ne nous intéressent pas vraiment, résume Arthur Cemeli. Filmer un groupe comme le duo de rappeurs PNL en concert à Bercy, nous pourrions très bien le faire… mais ce n’est pas très original. Nous préférons aller voir le duo et lui dire que l’album évoque la jungle… donc que nous voulons les filmer directement dans la jungle.”
Relase Party avec Myd, sur Arte Concert. Disponible sur le site d‘Arte Concert et sa chaîne YouTube.