“Le bal des 41” : la sulfureuse soirée qui dégénéra en affaire d’État débarque sur Netflix
Netflix diffuse le film Le bal des 41, retraçant l’un des plus grands scandales du XXe siècle au Mexique : une fête clandestine où 42 aristocrates se livrant à la débauche ont été arrêtés. Numéro revient sur cette folle histoire qui a ébranlé les mœurs de la société mexicaine.
Par Anatole Stos.
On est en 1901. Au Mexique. Sous l’autorité despotique du président Porfirio Díaz (élu président de la République au Mexique en 1876, constamment réélu jusqu’en 1910) l’ambiance n’est pas la fête. Le peuple est exsangue, réprimé. La presse est muselée. Et l’imposante machine politique à l’esprit militaire, savamment orchestrée par Diaz, proscrit les mouvements de révolte, et se charge de placer, çà et là, des amis du dictateur au sein même du corps législatif. Comme souvent dans ces totalitarismes, le peuple souffre et la haute société mène grand train. Sous la surface machiste et liberticide de la société, l’aristocratie mexicaine se complaît, dans une ambiance décomplexée et enjouée, entre grandes demeures, soirées mondaines, déplacements en calèche, buffets gargantuesques et champagne à volonté. À l’abri des regards, un cercle clandestin gay, le cercle des “41” (ainsi baptisé en référence au nombre de ses membres), s’entiche de ces soirs débridés qui dégénèrent jusqu’à la partouze… Qu’importe, c’est le lieu où le bon mot est roi. Ignacio de la Torre, parlementaire et membre de la meilleure société de Mexico, aime lui-même s’y détendre, avec son amant Evaristo, après une journée de travail au ministère. Bien qu’il soit tout à fait conscient de son homosexualité, son ambition politique le conduit néanmoins à épouser la fille du président. Mais, dissimulant mal son attirance pour les hommes, il la délaisse. Redoutant d’accomplir son devoir conjugal, il atermoie… au grand dam du père patriarche. Et va finir par s’enliser dans une sulfureuse affaire…
Le soir du 18 novembre 1901, à 3 heures du matin, la police descend au 4 rue de la Paix, alertée par un tapage nocturne. Débute alors un épisode douloureux qui fera date dans l’histoire de la communauté LGBTQ+. À l’intérieur se tient en effet une soirée gay, réunissant 42 membres de l’élite mexicaine. Quand certains sont maquillés, d’autres portent des robes et dansent allègrement sur leurs hauts talons. Dans une société où l’homosexualité est encore criminalisée, les membres (dont 19 sont travestis) sont arrêtés sur-le-champ pour atteinte à l’ordre moral. Certains sont enrôlés de force dans un stage dans l’armée à Yucatán (au sud-est du Mexique), comme pour retrouver une “âme” virile, les autres – intouchables du fait de leur position politique, sont acquittés. Mais très vite, une rumeur enfle jusqu’à faire la une des journaux de l’époque : les 41 inculpés, en réalité, n’auraient pas été 41… mais 42 ! L’un des membres de la soirée serait, en effet, parvenu à s’éclipser et à échapper au registre établi par les officiers de police. Or cet homme à l’identité mystérieuse n’est autre que… Ignacio de la Torre y Mier : le propre gendre du président de la République ! Il aurait discrètement été retiré de la liste des prévenus pour éviter un scandale d’État et ne pas entacher l’image de sa belle-famille. Plus qu’un simple fait divers, cette affaire a constitué une profonde rupture dans la société mexicaine. À partir de ce moment, le chiffre 41 a été associé pendant longtemps à l’homosexualité. Enclenchant une véritable prise de conscience, cet événement a marqué le début de la défense des droits homosexuels au Mexique, dans une société placée sous le joug d’un despote.
Le bal des 41 de David Pablos disponible sur Netflix.