Sur Mubi, les aventures cocasses d’une Juive bisexuelle
Disponible sur la plateforme dédiée au cinéma indépendant Mubi depuis vendredi 11 juin, le premier film de la Canadienne Emma Seligman, Shiva Baby, brille par son cynisme et ses situations cocasses.
Par Chloé Sarraméa.
Des films ou des séries explorant les rituels et la culture du judaïsme, on avait retenu, ces derniers temps (Netflix aidant), les très puissantes séries Unorthodox, histoire vraie de l’émancipation d’une jeune femme emprisonnée dans une communauté ultra orthodoxe, et Les Shtisel, radiographie du quotidien au sein d’une communauté ultra orthodoxe de Jérusalem. Côté films, on citera M, le sublime et poignant documentaire de Yolande Zauberman, toujours sur l’enfermement au sein de ces mêmes communautés. Dans tous les cas : des drames, de la tragédie et des prises de position fermes sur des pratiques sectaires liées à l’extrémisme religieux.
C’est dans un registre beaucoup plus léger, celui de la comédie, que la jeune réalisatrice Emma Seligman a choisi de dresser à son tour le portrait de la culture juive. À travers les aventures d’une jeune femme bisexuelle qui, lors d’une Shiva [enterrement dans la tradition juive], tombe nez à nez avec son amant, sa femme et leur nouveau-né. Opposant, dans sa mise en scène, tradition et questionnements sur la sexualité, Shiva Baby brille par ses situations cocasses et familières, ses évocations magistrales de ces moments de gêne que tout un chacun a pu connaître à l’adolescence. Tout au long du film, qui se déroule à huis clos dans le salon familial, la protagoniste, Danielle (Rachel Sennott) doit faire face aux réprimandes de sa mère, qui la trouve tantôt trop effacée tantôt trop proche de son amie d’enfance, et la harcèle pour qu’elle trouve un mari. Elle doit surmonter aussi les remontrances de sa tante, qui lui reproche d’être anorexique et la poursuit toute la journée armée d’un bagel au saumon.
Très inspiré du quotidien (et pas seulement celui de la communauté juive), le premier long-métrage de la cinéaste canadienne se révèle être un sublime hommage à l’émancipation féminine – l’héroïne s’affranchit des normes familiales (elle tient tête à sa mère) aussi bien sociales (elle mène une sexualité totalement libre et décomplexée) – et une déclaration d’amour au judaïsme. Avec un certain humour british et des blagues décapantes, Emma Seligman fait un portrait lumineux et jouissif de sa propre culture. S’éloignant de la tendance, omniprésente ces derniers temps au cinéma, à portraiturer la radicalité et les aspects de sombres de la religion, elle n’oublie pas pour autant de souligner ses dérives, pointant du doigt les mariages arrangés et les traumas qu’ils suscitent chez les jeunes Juives. Un film rafraîchissant, qui, malgré sa bande-son angoissante – des cordes qui représentent l’enfermement de Danielle lors de cet enterrement – salue l’avènement d’une carrière d’une cinéaste très prometteuse.
Shiva Baby (2021) d’Emma Seligman, disponible sur Mubi.