24 oct 2018

Georgia Anne Muldrow : la productrice star de la soul sort de l’ombre

Georgia Anne Muldrow est l'une des productrices les plus respectées de la scène musicale de Los Angeles. Depuis longtemps, elle s'illustre aussi en tant qu'interprète. Son seizième album “Overload”, disponible le 2 novembre prochain, confirme son statut de reine de la côte ouest.

Le chiffre : 12

 

C’est le nombre d’années de carrière de Georgia Anne Muldrow depuis Olesi: Fragments of an Earth, son premier album discret et paradoxalement volcanique. À l’époque, la musicienne de Los Angeles n’a que 23 ans mais fuit déjà les projets “mainstream” en déconstruisant ses partitions. Sur cet opus à l’allure de mixtape – 21 titres relativement courts – l’artiste rappait si peu qu’elle semblait se préserver. À cela, elle préfèrait les envolées lyriques, sortes de réponses aux accords d’un clavier Rhodes des années 70. Avec cet album de 2006 classé dans la section hip-hop par les disquaires, la musicienne nage à contre-courant : dans l’océan des bombes sexuelles catapultées sur scène par des labels insatiables, Georgia Anne Muldrow se fait une place de choix sur un radeau puritain entre Missy Elliot et Erykah Badu. Sur Olesi: Fragments of an Earth, sa verve acide frappe de plein fouet l’administration Bush, le titre New Orlean aborde notamment la dévastatrice Katrina (2005), l'un des six ouragans les plus forts jamais enregistrés. 12 ans plus tard, adoubée par Erykah Badu, vénérée par Robert Glasper et Blood Orange, c’est un autre projet que la dame défend.

 

 

Pour que son statut de reine du hip-hop ne soit jamais remis en cause, Georgia Anne Muldrow met en avant la caisse claire de la batterie, désormais l’apanage de la trap.

 

 

 

L’album : Overload

 

Autrefois, notamment avec l’album Seeds (2003), Georgia Anne Muldrow défendait avec fougue un R’n’B psychédélique et des titres aux accents soulful, un genre musical qui modernise des standards de la soul en y incorporant une nouvelle ligne de basse et des percussions électroniques. Pour être sûre de son fait, elle a aujourd’hui confié son nouvel opus Overload à Mike & Keys, producteurs de 50 Cent et de Snoop Dog. Résultat : des compositions fortement issues du négro spiritual – chant des esclaves noirs des États-Unis du XIXe siècle et ancêtre du gospel – auxquelles s’ajoutent des nappes de synthés funk  inspirées par le groupe des seventies The Gap Band. Et pour que son statut de reine du hip-hop ne soit jamais remis en cause en Californie, Georgia Anne Muldrow sublime Overload en mettant en avant la caisse claire de la batterie, un claquement tonitruant désormais l’apanage de la trap qui confère une dimension hip-hop plus contemporaine à l’album. “Cet album est une expérience de la retenue, explique-t-elle, je me suis concentrée sur quelque chose de clair et de précis avec l’aide d’artistes du monde entier. Et le live, lui aussi, est une véritable expérience en tant que telle.

 

 

Georgia Anne Muldrow est l’archétype de la chanteuse de soul vintage, de ses créoles XXL jusque sa coupe afro en passant par la jaquette de son album qui rappelle le Rhapsody in Blue d’Éric Goldberg dans Fantasia 2000.

La production : Flying Lotus, Dudley Perkins et Aloe Blacc

 

Georgia Anne Muldrow est l’archétype de la chanteuse de soul vintage, de ses créoles XXL jusque sa coupe afro en passant par la jaquette de son album qui rappelle le Rhapsody in Blue (George Gershwin) d’Éric Goldberg dans Fantasia 2000. Pour la première fois, l’artiste signe un album studio sur le label de Los Angeles Brainfeeder, qui produit notamment le saxophoniste Kamasi Washington et l’Américain Flying Lotus. Ce dernier a d’ailleurs travaillé avec la chanteuse pour Overload tout comme Aloe Blacc, interprète lancé en 2010 par son tube I Need A Dollar et le rappeur Dudley Perkins, compagnon de la chanteuse à la scène comme à la vie. Finalement, cet album prophétique est digne de la bande originale du Moonlight (2016) de Barry Jenkins tant il convoque une myriade de codes du genre soul. D’abord dans le détail porté aux différentes harmonies vocales proches du R’n’B de la fin des années 90. Ensuite dans les productions instrumentales épurées voire minimalistes dont l’ampleur ne survient que grâce à l’effet d’écho apposé aux lignes mélodiques.