6 sept 2020

Shudu Gram, the virtual top model who’s ruffling feathers

La perfection générée par effets spéciaux. Tel est le pari du photographe Cameron-James Wilson qui a enfanté Shudu Gram, une mannequin noire virtuelle devenue superstar d’Instagram en peu de temps. Un succès tonitruant qui ne fait pas l’unanimité.

L’allure de Grace Jones, le regard d’Alek Wek, le charme de Duckie Thot et le corps perlé d’une Barbie sud-africaine… Aussi délicate que volcanique, Shudu Gram sonne peut-être la fin du mannequinat tel que nous le connaissons. Ce cocktail explosif est l’œuvre de Cameron-James Wilson, un photographe londonien qui a déjà immortalisé Gigi Hadid ou la chanteuse américaine Pia Mia. Dans un monde où le réel se confond de plus en plus avec le faux, il imagine Shudu Gram, une mannequin de 28 ans totalement virtuelle, devenue superstar d’Instagram en quelques mois. Mais à l’heure où les influenceurs sont rois, cette femme artificielle dérange. Car avant d’être une reine de beauté aux 106 000 followers, Shudu Gram est un fantasme, l’œuvre d’art de son géniteur, mais surtout une femme – factice – noire. Égérie pour les uns, manifeste pour d’autres, la mannequin a rapidement été engloutie par la vague des réseaux sociaux dès le lancement de son compte Instagram, en avril 2017, entre accusations de racisme et crainte relatives à la dématérialisation des corps.

 

 

Pour certains, le teint ébène, "accessoire", de Shudu aurait le statut de tendance, et n’existerait dans la mode que par son aspect exotique.

À l'instar de Lil Miquela, autre influenceuse 100 % virtuelle aux plus d’un million d’abonnés sur Instagram, Shudu Gram a entièrement été créée à partir d’effets spéciaux. Ce premier top model digital a d’ailleurs été choisi par Rihanna en février pour représenter sa gamme de maquillage Fenty Beauty. Business is business, le coup de communication fait mouche. Mais Shudu Gram dérange. Pour certains, sa création nuirait à l’image de véritables mannequins noirs : le teint ébène, “accessoire”, aurait le statut de tendance et n’existerait dans la mode que par son aspect exotique. “Est-ce si difficile que ça de payer une femme noire pour un shooting au lieu d’en créer une ?” Voici le genre de critiques qui affluent sur la Toile et discréditent le projet Shudu Gram. La création du photographe anglais pose aussi la question de la dématérialisation des corps : de nombreux internautes fustigent cette œuvre digitale car il existe “de vrais mannequins noirs” à privilégier. Reproche paradoxal quand on sait qu'Instagram présente déjà une version numérique, purement fabriquée et factice, de ses utilisateurs. Enfin, parce que sa création est l’archétype du “corps parfait” préconisé par les marques et l’empire de la publicité, Cameron-James Wilson a peut-être initié une nouvelle ère : celle des mannequins virtuels à l’influence monumentale et aussi dociles qu’artificiels.