16 mai 2018

Ditte Haarløv Johnsen, la photographe qui a capturé la scène gay du Mozambique

En 2000, la Danoise Ditte Haarløv Johnsen installée à Maputo au Mozambique croise un couple qui affiche ouvertement son homosexualité dans un pays qui le prohibe. C’est à partir de cette rencontre qu’elle commence la photo et capture le quotidien des citoyens à travers le monde.

© Ditte Haarløv Johnsen, Maputo Diary, Superman on the roof of the new shopping mall, 2009.

Ditte Haarløv Johnsen naît en 1977 à Copenhague mais c’est au Mozambique qu’elle passe une partie de son enfance, après que ses parents diplomates y aient emménagé, sept ans après la déclaration d’indépendance (1975). La jeune danoise grandit dans ce pays tout fraichement libéré de l’autorité portugaise, mais très vite en proie à une guerre civile opposant les communistes du FRELIMO (Front de Libération du Mozambique) et le parti anti-marxiste du ReNaMo, soutenu par les Etats-Unis et l’Afrique du Sud. En quinze ans, près d’un million de personnes y ont perdu la vie. La paix est finalement déclarée en 1992, le Mozambique devient officiellement une démocratie mais demeure l’un des pays les plus pauvres au monde. Ditte Haarløv Johnsen y apprend la langue et la culture, puis retourne au Danemark à l’adolescence avec son père et revient au Mozambique tous les étés retrouver sa mère et sa petite sœur.

© Ditte Haarløv Johnsen, Maputo Diary, Sheila at home, 2012.

Elle a 23 ans lorsqu’elle croise dans les rues de Maputo un couple homosexuel. A sa grande surprise Ingracia et Antonieta assument totalement leur homosexualité alors qu’il faudra attendre 2015 pour que le Mozambique la dépénalise. De fil en aiguille, la jeune danoise capture le quotidien d’un groupe gay prénommé les “Sisters”, de leurs amis, puis de l’ensemble des habitants de Maputo. Qu’elle photographie un jeune déguisé en Superman debout sur un toit, ou le visage de Sheila entre ombre et lumière dans un intérieur de Maputo… Elle capture avec humour et poésie le quotidien de ses habitants dans une série de photos qu’elle intitulera : Maputo Diary. Plus qu’un journal intime, elle brosse le portrait d’un pays fragile qui vit au jour le jour sans penser au lendemain, et dans lequel elle s’interroge sur sa propre identité.

© Ditte Haarløv Johnsen, Market Day, Astride, 2018.

La photographe voyage ainsi à travers le monde à la rencontre des citoyens qui le peuple : Canada, Espagne, Liban… En 2013, elle réalise le film Days of Hope (2013) où elle s’intéresse à l’immigration de masse en suivant le destin de trois immigrés clandestins, Harouna, Thelma et Austin, qui tentent de rejoindre l’Europe et d’avoir une vie meilleure, peu importe le prix. C’est dans ce souci de diversité qu’elle a rencontré pendant deux semaines les habitants du quartier multiculturel de Neuhof, lors d'une résidence avec La Chambre de Strasbourg. Paillettes dans les cheveux et parure de princesse, elle fait le portrait d’Astride qui tient son chien dans ses bras, ou de Philippe, tatoué sur tout le corps et cigarette à la main… Sa série est intitulée symboliquement Market Day comme le lieu de rencontre de communautés qui ne font que se croiser sans jamais se connaître.

 

 

Ditte Haarløv Johnsen est exposée jusqu’au 10 juin 2018 à La Chambre, 4 Place d'Austerlitz, Strasbourg.

© Ditte Haarløv Johnsen, Market Day, Philippe at home, 2018.
© Ditte Haarløv Johnsen, Market Day, Elia, 2018.
© Ditte Haarløv Johnsen, Maputo Diary, Liloca getting ready for the night, 2011.