Que penser de Soul, le nouveau Pixar disponible sur Disney + ?
Destiné à l’origine aux salles obscures, le nouveau film du studio californien Pixar est finalement disponible sur la plateforme Disney +. Sélectionné à Cannes, “Soul” est-il vraiment la nouvelle perle métaphysique du petit monde de l’animation ?
Par Violaine Schütz.
La date n’avait rien d’un hasard. Sans la pandémie mondiale, nous aurions découvert le nouveau Pixar, Soul, non pas sur Disney + mais dans les salles de cinéma le 19 juin 2020, soit le jour où l’on commémore, aux USA, l’émancipation des esclaves au Texas et dans le Sud confédéré. Soul marque une avancée importante pour Pixar puisqu’il s’agit du premier film dont le personnage principal est noir. Il a d’ailleurs été co-réalisé par un Afro-Américain, Kemp Powers qui s’est allié à Pete Docter (Monstres et Cie, Là-Haut, Vice-Versa). De quoi éviter que l’on accuse Pixar d’appropriation culturelle…
Soul nous embarque dans les aventures folles de Joe Garner, un professeur de musique new-yorkais qui enseigne au collège sans grand enthousiasme et se rêve grand pianiste de jazz. Alors qu’il va enfin pouvoir monter sur scène pour un concert dans le meilleur club de la ville, un accident le fauche et le prive d’une nouvelle vie en phase avec ses aspirations. Commence alors un voyage dans un autre monde, d’une beauté à couper le souffle, un monde qui se situe entre la vie et la mort (le Grand Avant). L’âme de Joe devient alors le mentor de 22, une âme rebelle qui n’a pas tellement envie de mener son existence parmi les humains. Le fan de jazz (incarné par la voix d’Omar Sy en VF et de Jamie Foxx en VO) aura pour mission de dompter ce petit fantôme pour lui montrer les bons côtés du quotidien sur Terre. Ce scénario complexe et mélancolique positionne d’emblée le film au rang des productions métaphysiques du genre comme Vice-versa ou Coco. Mais s’approche-t-il de la qualité de ces derniers ?
1. Une quête mystique
Il faut reconnaître que le film excelle musicalement, avec une bande-son enlevée signée Trent Reznor et Atticus Ross. Et la magie visuelle de l’endroit où se forment les personnalités des âmes nous mène très loin dans la fantasmagorie. L’autre grande force du film ? Sa richesse thématique. Poétique et mystique, Soul ne manque pas d’âme ni de profondeur avec son scénario qui aborde des sujets majeurs comme le sens de la vie, la quête du bonheur, la passion, l’art, la spiritualité, la mort, la réincarnation et l’altruisme. Le film, très philosophique, existentialiste, humaniste et parfois aussi assez abstrait et fouillis, parlera plutôt aux grands qu’aux petits tant il intellectualise et allégorise son propos. Si l’humour est présent, à travers le personnage facétieux de 22 (dont la voix est doublée par Camille Cottin) et les gags visuels autour du gros chat, Soul touchera surtout les adultes qui se sentent frustrés par le chemin de vie qu’ils ont emprunté. On n’a alors aucun mal à s’identifier à cet homme qui, au moment de jouer avec un groupe prestigieux, voit sa vie complémentent renversée et sa chance, manquer de disparaître à jamais. Mais à trop vouloir privilégier le conceptuel à des plaisirs plus spontanés, Soul ne perd-t-il pas de son pouvoir onirique ?
2. Une morale agaçante…
Que veut vraiment nous dire Pixar avec ce film où le héros essaie de démontrer les petits plaisirs d’une vie humaine à une âme “perdue” ? Plein de bonnes intentions, certaines semblent pourtant assez problématiques. On n’attend pas d’une œuvre qui célèbre l’art et la musique des relents quasi religieux qui sous entendent que chacun est né pour accomplir quelque chose sur Terre. On s’interroge aussi sur la façon dont le film aborde les idées de sacrifice, de vocation et de succès. Un discours qui peut sonner un brin simpliste et très éculé. Soul paraît démesuré dans ses ambitions, voire grandiloquent dans sa manière de donner de grandes leçons et de verser sans arrêt dans le pathos. La production Pixar a tendance à ne pas toujours faire dans la subtilité pour provoquer chez le spectateur de vives émotions (et des larmes). Quant au dénouement, et à la morale épicurienne finale, elles sont dignes d’un livre de développement personnel. Il aurait suffi – attention spoiler – de croquer dans un fortune cookie pour nous apprendre qu’il faut profiter des petits riens offerts par le monde d’ici-bas et se satisfaire du fameux “instant présent.”
Soul de Pete Docter et Kemp Powers (Disney/Pixar) disponible sur Disney +