28 mai 2018

Petit guide de la scène techno parisienne

Au 3e rang des pays les plus consommateurs de musique techno après l’Allemagne et le Japon, la France a vu sa scène techno se transformer ses dernières années…

Drøm — Ørigin — Fluctuat Nec Mergitur, le 10 novembre 2016 © Gaëtan Tracqui

Devenue une référence mondiale, les soirées 48 heures non-stop sur de la péniche de la Concrete (amarée port de la Rapée à Paris) font un carton plein au point que le colosse parisien est aujourd’hui listée dans le top 25 des meilleurs clubs européens par le journal britannique The Guardian (l’iBoat de Bordeaux, seul autre club français dans ce classement, pointe au 24e rang).

 

À Paris justement, délaissant les clubs les plus connus (le mythique Rex Club sur les Grands Boulevards ou la Machine du Moulin Rouge à Pigalle) les raveurs envahissent désormais les “warehouses” : les Docks de Paris tiennent le haut du pavé, pouvant accueillir jusqu’à 20 000 personnes. Autres challengers, l’ancien lycée de ZEP de 7 000 m2, le 6B, abasourdi par la maestria d’Antigone à son ouverture. La scène techno s’évade surtout hors du centre ville. Sur les vestiges d’une gare à l’abandon vers Porte d’Aubervilliers, La Station — Gare des mines, fondée en 2016 et tenue par le collectif MU, accueille le mouvement techno du printemps à l’automne et a donné carte blanche aux DJ en vogue, comme Manu Le Malin. Plus débauchées, les soirées éphémères et souvent illégales de la Péripate, organisées par le collectif Poney Club, ont pris dernièrement possession du Freegan Pony, un entrepôt réhabilité du 19e arrondissement (où a récemment mixé Auden), après s’être emparées auparavant d’anciennes toilettes publiques dans le quartier Bonne Nouvelle. La Ferme du Bonheur, chantier nanterrien réaménagé avec des meubles de récupération, a quant à elle vibré au son des platines du collectif La Mamie’s. Petit dernier non moins prisé, l’Alter Paname, ancien parking de 2 000 m2 à Bobigny, tire son épingle du jeu avec ses événements dominicaux hebdomadaires de midi à minuit et ses performances de DJ comme Jeff Mills.

Preuve de l’engouement pour la musique techno en France, 80% des festivals référencés dans le pays accueillent des artistes techno. Répartis dans tout l’Hexagone, ces événements, dont la majorité existent depuis moins de 10 ans, peuvent même parfois être entièrement dédiés au genre. Niché en plein cœur du bois de Vincennes, la Peacock Society, créée en 2013, s’impose comme le mastodonte avec plus de 35 000 festivaliers par an. Lancé la même année, le Weather Festival qui s’installe régulièrement à la base aérienne du Bourget, est aussi très convoité, autant pour son édition estivale qu’hivernale. Concurrent sérieux, le Marvellous Island, créé en 2012, a emmené comme à l’accoutumée le 19 et 20 mai derniers ses visiteurs en bordure de lac, sur l’île de loisirs de Torcy.

 

Réunissant des milliers de festivaliers durant la période estivale ou proche, ces manifestations musicales proposent des line-up éclectiques allant des virtuoses internationaux (Nina Kraviz, Amelie Lens, Charlotte de Witte, Tale Of Us, Solomun, Ben Klock) jusqu’aux nouveaux talents émergents, comme Paula Temple, Dax J, Mind Against ou encore Pfirter. Plus confidentiels, à Paris, de nombreux collectifs mêlant événementiel et musique techno organisent leurs propres mini-festivals, à l’image du collectif Champ Libre (aujourd’hui en pleine resurrection), Possession (le plus prolifique), et Fée Croquer (le plus engagé, avec des actions solidaires pour les plus démunis). Durant parfois plus 15 heures d’affilée, ces événements majoritairement mensuels sont aujourd’hui les plus prisés de la capitale.

VRIL (live) à Drøm — Ørigin, aux Nuits Fauves, le 6 avril 2018 © Gaëtan Tracqui

Talents découverts sur SoundCloud désormais répertoriés sur Resident Advisor (site internationale de référence des soirées et des Djs), des jeunes prodiges français de musique techno apparaissent sur le marché, proposant un genre dit “industriel”, aussi transgressif que provocateur, qui repousse les limites bruitistes de l’électronique expérimentale. Le mystérieux I Hate Models, la bordelaise montante Anetha, les parisiens EKLPX, Trym et BLNDR, ou encore la cosmopolite SAMA’ (qui a ramené sa techno à Ramallah, en Palestine)… Autant de noms qui, aujourd’hui, abondent les raves françaises les plus en vogue et aussi celles des pays avoisinants. Loin de la French Touch de Laurent Garnier et des producteurs du label Ed Banger (Justice, Mr. Oizo, Gesaffelstein), ils s’imprègnent de sous-genres techno développés à l’étranger : les mélodies synthétiques de l’acid, les rythmiques répétitives de la minimale, les variantes électroniques de l’IDM (intelligent dance music), ou encore les percussions agressives de la drum & bass.

 

Le genre techno s’associe aujourd’hui à l’art numérique pour offrir des expériences immersives et spectaculaires lors des événements nocturnes. Le collectif parisien Sport National participe à se mariage audiovisuel, faisant fusionner raves, musiques expérimentales et arts numériques. Au travers de dispositifs multi-écrans, de structures de LED et d’une synchronisation entre le son et l’image, la scénographie des clubs techno et des raves diffère des concerts traditionnels, rendant ainsi le danseur aussi spectateur. Cette alliance multimédia se retrouve également au festival Scopitone de Nantes, au Big Bang Festival de Paris et au Mirage Festival de Lyon…

https://youtu.be/gT_TFEUw2zY