13 mar 2024

De victime de slut-shaming à égérie Reformation : la belle revanche de Monica Lewinsky

Après avoir été le sujet de la saison 3 de la série American Crime StoryImpeachment (2021) signée Ryan Murphy, Monica Lewinsky, la stagiaire la plus célèbre au monde, est réhabilitée par une campagne de la marque Reformation. Une belle revanche pour une pionnière dans la dénonciation du cyberharcèlement et du slut-shaming.

En 1998, la nouvelle fait l’effet d’une bombe. Le monde apprend alors que Monica Lewinsky, stagiaire à la Maison-Blanche a eu une « relation inappropriée » avec le président Bill Clinton. La presse parle de plusieurs fellations. Un peu plus tard, le président niera avant de reconnaître cette liaison et il sera pardonné. Il n’en sera pas de même pour Monica Lewinsky, aujourd’hui âgée de 50 ans, qui fera l’objet d’insultes publiques de la part du monde entier. Une centaine de morceaux de rap se moquent d’elle. Une vaste entreprise de cyberharcèlement et de slut-shaming – des articles de tabloïds la qualifient littéralement de traînée – qui symbolise bien le double standard qui entoure les jugements autour de la sexualité des hommes et des femmes. 

 

Monica Lewinsky : de « traînée » à égérie mode de la marque Reformation

 

Longtemps, la honte a entaché sa vie après ce « Monicagate ». Il faudra attendre des années pour qu’elle parle de ce qu’elle a vécu. En 2014, dans les colonnes de Vanity Fair, elle déclare avoir été la première personne humiliée à l’échelle mondiale sur Internet. Un an plus tard, elle s’exprime dans une conférence TED intitulée « Le prix de la honte ». Monica Lewinsky évoque notamment les profits engrangés par les médias diffusant des informations sur la vie privée des gens. Aujourd’hui, la femme d’affaires américaine vit une belle revanche en devenant égérie de la marque Reformation et en invitant ses concitoyens à se rendre aux urnes et à prendre le pouvoir.

 

American Crime Story : une série dédiée à Monica Lewinsky signée Ryan Murphy

 

En 2021, le troisième volet de la série American Crime Story créée par Ryan Murphy, intitulé Impeachment, braque la lumière sur l’histoire sulfureuse de Monica Lewinsky, la stagiaire la plus célèbre du monde. Une manière de réhabiliter, après #MeToo, une femme que la terre entière a jugé bon de juger aussi injustement que violemment à la fin des années 90. 

 

Ryan Murphy a le don pour dénicher des scandales et des drames flamboyants qui tiennent le spectateur en haleine. Pour sa série American Crime Story, il s’est déjà attaqué au procès controversé d’O.J Simpson, à l’’assassinat particulièrement gore de Gianni Versace et prévoit pour la prochaine saison du show de se concentrer sur les propriétaires peu scrupuleux du Studio 54

 

Mais pour le troisième volet de cette série palpitante qui dépeint les côtés sombres de l’Amérique, il a trouvé un sujet qui mêle un grand nombre de ses obsessions (le sexe, le pouvoir et la politique). Un sujet dans lequel se joue bien plus que la liaison interdite entre un homme et une femme plus jeune. À travers la procédure de destitution lancée en 1998 à l’encontre du Président Bill Clinton causée par l’affaire Monica Lewinsky, c’est le sort médiatique et public réservé aux femmes qui dépassent les limites du politiquement correct qui est crûment mis en lumière.

Beanie Feldstein dans la saison 3 d’“American Crime Story” @ FX
Beanie Feldstein en Monica Lewinsky dans la saison 3 d’American Crime Story © FX.

Beanie Feldstein, formidable dans le rôle de la pionnière dans la dénonciation du cyberharcèlement

 

Pour American Crime Story: Impeachment, Ryan Murphy a fait appel à Monica Lewinsky, coproductrice de cette saison 3, afin de mieux retranscrire sa vérité. La série se concentre ainsi sur sa version du scandale sexuel qui a failli causer la destitution de Bill Clinton. On se rend compte, à travers des scènes proches d’une émission d’investigation, à quel point la stagiaire à la Maison-Blanche d’une vingtaine d’années était peu préparée à affronter une telle tornade. L’actrice Beanie Feldstein (Booksmart, Lady Bird), qui n’est autre que la sœur de Jonah Hill, est bluffante de ressemblance avec Monica Lewinsky. Avec sa fraîcheur et sa justesse, elle apporte de la fragilité et de l’humanité à celle qu’on a souvent décrite comme une arriviste. Tout aussi formidable, Sarah Paulson, métamorphosée, joue le rôle d’une collègue et fausse amie de l’héroïne prête à tout pour sauver sa peau et sa place.

 

Impitoyables, les images qui brouillent les pistes en fiction et documentaire donnent à réfléchir sur les jugements inquisiteurs auxquels sont soumises les femmes quand elles n’agissent pas comme la société le voudrait. Dans les années 90, des émissions télé ont blagué sur les fellations les plus célèbres du monde, des tabloïds ont disséqué la moindre rumeur sur la vie d’une femme en début de carrière et les remarques aussi sexistes que grossophobes ont fusé de toute part. On pense notamment, devant les détails de cette affaire précédant l’ère #MeToo, au traitement réservé à Britney Spears, présumée folle et sexualisée à outrance pendant la même décennie. Tout le monde se souvient de la robe bleue de Monica mais Impeachment a le mérite de nous rappeler qui se cachait derrière la marque au fer rouge : une jeune fille joviale, peu sûre d’elle et attachante qui rêvait d’être psychologue dans le domaine crimino-légal.

 

American Crime StoryI: mpeachment (2021) créée par Ryan Murphy, Larry Karaszewski et Scott Alexander, disponible sur Disney+.