L’interview culte de Diana Ross
Des Supremes à “Upside Down”, le parcours mouvementé d'une conquérante, qui a dû batailler pour devenir la diva soul qu'elle rêvait d'être. C’est ainsi que la chaîne Arte présente son nouveau documentaire “Diana Ross, suprême diva”, réalisé par Julie Veille et disponible en replay sur la plateforme dédiée. L’occasion pour Numéro de plonger dans ses archives à la recherche de son interview culte de la star sensuelle.
Propos recueillis par Eglée de Bure.
Rencontrer une “icône” n’est jamais une chose simple. Il y a d’abord l’excitation. Toujours drôle de croiser un mythe. Et pas n’importe lequel. Diana Ross, un nom évocateur, une légende entrée au panthéon de la pop. L’une des plus grandes divas vivantes. Une beauté étrange et mystérieuse. Cinquante ans de musique, les Supremes, la Motown, les tubes sublimes : You Can’t Hurry Love, The Boss, I’m Coming Out, Upside Down. Et surtout Love Hangover, la sensualité à l’état pur, quelques minutes “anthologiques” de gémissements langoureux, de susurrements intenables. Mais on s’égare. Retour à Diana. Après l’excitation, vient le doute. Que demander à une chanteuse à la carrière si riche ? Que demander à quelqu’un qui a sûrement déjà répondu à toutes les questions ou presque ? Difficile, d’autant que depuis quelques années, elle s’était faite rare, très rare. Œuvrant plutôt en coulisses de shows télé, en businesswoman avisée. Peu importe.
Viennent alors les contraintes. A l’ère de la communication, du tout surveillé et checké, les attachées de presse, managers et autres agents ont les pleins pouvoirs. Celui de Diana veut lire les questions. Il souhaite s’assurer que rien de personnel ou de politique ne sera évoqué. Très bien. Il renvoie le fax, soulignées en rouge les questions qui fâchent et qui doivent sauter. Ah bon ! on ne peut pas demander à Diana de raconter le Studio 54, ou quelle a été sa plus belle “hangover” ? Soudain, le charme commence à désopérer, l’excitation à retomber. Et si Diana était aujourd’hui comme toutes ces stars, entourée de cerbères qui, sous prétexte de la “protéger”, en ont fait une machine à débiter des réponses calibrées. Malgré cela, il faut y aller. La diva reçoit au Plaza Athénée. Dans une suite, comme il se doit. D’emblée, l’attachée de presse prévient : “Elle est un peu fatiguée, le jet lag, mais elle adore papoter entre filles.” Rassuré, on pénètre dans l’antre qui lui est réservé. Suivi de près par l’agent qui prend place juste derrière le grand canapé. Durant toute l’interview, il notera minutieusement les propos très “tendancieux” tenus…
Body tout en longueur. Miss Ross est assise sur une banquette. L’afro de la veille (elle recevait quelques amis triés sur le volet au Relais, le restaurant de l’hôtel) a laissé place à un brushing lisse. “Vous aimez ? demande-t-elle. Les cheveux, c’est toujours un problème.” La chanteuse est souriante, rayonnante, douce. Il semble que les années aient épargné son visage félin et son corps de rêve. Celle qui chantait Muscles s’est sculpté un body tout en longueur.
Autour d’elle, des présentoirs où sont disposés des produits de beauté. Rouges à lèvres, poudres, ombres à paupières, tout est là. Elle dit aimer le rose car “il sied à toutes les peaux”. Elle l’a d’ailleurs décliné dans plusieurs tons. Et ajoute : “Le maquillage est la meilleure façon d’exprimer des émotions. Moi qui ai fait du cinéma, je sais à quel point c’est important : l’eye-liner, par exemple, pour marquer l’œil, pour mettre l’accent…” Son téléphone sonne. “Désolée, je regarde si ce sont les enfants.” On en profite pour rebondir. Son plus joli souvenir ? “Quand j’ai joué à Central Park. Il y a eu une grosse tempête, un genre de mousson, tout le système électrique a sauté, mais je suis restée sur scène et le public est resté sous la pluie. C’était presque comme une communion. Un moment magique.” Aussi magique que sa nomination aux oscars pour son interprétation de Billie Holiday dans Lady Sings the Blues : “L’un des plus beaux jours de ma vie, j’y suis allée avec mes parents, je leur tenais la main, et, même si je n’ai pas gagné, c’ était incroyable… bien plus que n’importe quelle cérémonie de musique.”
“Parfois, je me dis que je n’ai rien accompli. Que tout cela ce n’est rien. Que ce n’est pas comme une cause. Que je n’ai rien apporté au monde.”
Elle marque une pause. Puis enchaîne : “Mais ma plus belle récompense, c’est d’avoir sauvé un enfant. C’était autour d’une piscine, il est tombé et personne ne l’a vu. Mais moi qui étais ailleurs, je l’ai senti. J’ai couru, je me suis jetée dans la piscine et je l’ai sauvé. Aujourd’hui, je suis fière de le voir jouer, vivre, tout simplement.” On en sourit. Mais Diana n’a pas fini : “Ce qui est intéressant aussi dans la vie, ce sont les hauts et les bas. Les expériences qui rendent plus fort. Qui aident à avancer. J’ai appris de mes erreurs, je n’ai pas de regrets. Parfois, je me dis que je n’ai rien accompli. Que tout cela ce n’est rien. Que ce n’est pas comme une cause. Que je n’ai rien apporté au monde.”
Miss Ross aime montrer son côté fragile, finalement, elle est comme nous tous, pétrie de doutes, de faiblesses. Elle enchaîne, ultra pro : “Heureusement, j’ai mes fans qui me témoignent leur amour. Qui me disent combien ils se reconnaissent dans mes chansons.” Soudain, l’agent donne le top. La petite demi-heure accordée vient d’expirer. On pose une dernière question. Des projets ? Diana conclut : “J’ai l’impression de ne plus assez chanter. J’ai envie de faire un nouvel album avec la jeune garde. Il y a tant de nouveaux talents. J’ai aussi envie de produire un nouveau show télé. De lancer une ligne de bijoux, de vêtements. Mais il faut que je me dépêche. Time flies !”
[Archives Numéro 63, mai 2005]