4 fév 2021

Chez Moncler, Veronica Leoni impose une mode féminine et radicale

Au sein du projet Moncler Genius, Veronica Leoni signe des collections 2 MONCLER 1952 minimalismes exceptionnelles de féminité, douceur et sophistication. Ancienne collaboratrice de Jil Sander et Phoebe Philo, la discrète créatrice romaine se distingue par un parcours remarquable, un discours engagé et surtout, des créations féminines ultra contemporaines

Propos recueillis par Léa Zetlaoui.

En février 2018, Remo Ruffini, P-Dg du label Moncler présentait son nouveau concept Moncler Genius, qui invite différents créateurs à réinterpréter la célèbre doudoune à travers des collections lancées toutes les six semaines sous forme de drops. Au côtés de Jonathan AndersonSimone Rocha, Richard Quin, ou Matthew M. Williams, la discrète créatrice romaine Veronica Leoni collabore depuis trois ans au projet Moncler Genius en signant les collections femme de la ligne 2 Moncler 1952. Elle s’illustre par des collections minimalistes, radicales qui s’imposent par leur constance et leur accessibilité. Pour Numéro, la créatrice revient sur son parcours et sur sa nouvelle collection printemps-été 2021.

 

Numéro : Quel a été votre parcours avant de rejoindre le projet Moncler Genius?

Veronica Leoni : Avant de rejoindre les équipes Moncler en Italie, j’ai voyagé un peu partout en Europe. Pendant quatre ans, j’étais entre Londres et Paris auprès de Phoebe Philo chez Celine où je m’occupais des pré-collections. Auparavant, je travaillais aux côtés de Jil Sander et nous allions régulièrement en Allemagne.

 

Cela doit être très inspirant de voyager autant ?

Oui tout à fait, et c’est ce qu’il me manque le plus en ce moment. Voyager stimule l’âme et le corps et nourrit notre créativité au quotidien.

 

Comment avez-vous vécu votre retour en Italie en 2017?

C’était spécial de rentrer à Rome, ma ville natale, de me reconnecter avec mes racines italiennes et de retrouver tous ces éléments qui ont façonné ma vision durant ma vingtaine.

 

Pourquoi avez-vous accepté de rejoindre Moncler, et de prendre part au projet Moncler Genius ?

Quand M. Ruffini [le P-Dg de Moncler] m’a exposé sa stratégie et sa vision pour Moncler Genius, j’ai tout de suite adhéré à la façon dont il s’est adapté à l’industrie de la mode aujourd’hui. J’ai été rassurée par la façon dont il envisage les métiers créatifs, bien qu’il soit un homme d’affaires, mais aussi par son enthousiasme et son côté avant-gardiste: tout est nouveau et nous avons construit Moncler Genius à partir de rien.

 

Quels ont été les enjeux créatifs pour vous avec la ligne 2 Moncler 1952 à vos débuts? 

La doudoune Moncler est extrêmement spécifique en termes de fabrication et de caractéristiques techniques et surtout très différente de ce que j’avais l’habitude de faire auparavant. Grâce aux équipes de Moncler j’ai appris à utiliser ces spécificités techniques comme des opportunités créatives. 

 

Comment ces enjeux ont-ils évolué aujourd’hui ?

Chaque saison, j’essaye de proposer la doudoune idéale. Je pense à un nouvel uniforme qui n’est pas seulement adapté à la montagne, mais aussi pour la ville. Il faut que mes pièces conviennent à toutes les femmes peu importe leur style. En ce sens, je pense que le minimalisme me permet d’atteindre cet objectif. 

Paradoxalement vos collections sont à la fois très minimalistes, mais aussi très techniques et très sophistiquées, comment faites-vous pour conjuguer ces trois aspects, en intégrant également l’identité de Moncler ?

Le minimalisme induit un certain niveau de sophistication. La sophistication nécessite en effet d’enlever tout ce qui superflu pour ne se concentrer que donc les éléments techniques. Ces derniers deviennent ainsi des éléments décoratifs à part entière.

 

Je remarque également que vous parvenez à créer des pièces outdoor, chaudes et couvrantes mais très féminines et contemporaines. Quel est votre secret?

Sûrement parce que je suis une femme et une très bonne observatrice, mais Je ne pense pas avoir de véritable secret. Tout est spontané et instinctif. Je ne sais pas si les vêtements sont féminins ou si c’est la sensibilité qui en émane et l’attitude des femmes qui les portent. Quand je débute une collection, j’ai mes propres ingrédients bien sûr, comme l’identité de Moncler, le Nylon et tous les aspects techniques et ce qui nous permet d’expérimenter et d’explorer de nouvelles pistes. Avant de rejoindre Moncler, je ne travaillais pas du tout ce genre de produits, et finalement, je me surprends à tester différents tissus et couleurs, et j’adore jouer avec les silhouettes pour associer une jupe au volume inattendu à une doudoune classique. 

 

Avez-vous passé du temps à explorer les archives de Moncler?

Oui et non. Moncler a de très bonnes archives, en comparaison à certains labels qui ne gardent rien, surtout quand divers créateurs se succèdent à la direction artistique. Mais je ne me suis pas sentie obligée de rester fidèle aux silhouettes de mes prédécesseurs. Je me suis inspirée des archives sans reproduire. Et par dessus tout, j’aime jouer avec une silhouette globale.

 

Quand on pense à Moncler, on imagine surtout des vêtements très chauds pour l’hiver. N’est-ce pas compliqué de concevoir une collection d’été avec un tel ADN?

Sans aucun doute, c’est une marque pensée pour l’hiver et la doudoune incarne l’esprit Moncler mais j’ai l’impression que le succès du label aujourd’hui réside surtout dans son attitude et son état d’esprit. Pour moi, Moncler traduit une vision pleine d’énergie du vêtement d’extérieur, prêt à s’imposer chaque saison. Donc pour l’été, Moncler c’est une attitude, une façon de s’habiller, qui consiste à superposer des pièces. 

 

Comment avez-vous conçu cette collection printemps-été 2021?

Cette collection est très chère à mon cœur car je l’ai débutée en février 2020 quand l’Italie a traversé le premier confinement, et la développer m’a donné un but quotidien dans une période d’obscurité.

 

Comment la crise sanitaire a-t-elle affecté votre façon de travailler? 

Voyager est ce qui me manque le plus et j’ai le sentiment d’avoir épuisé mon stock d’inspiration et de créativité. J’essaie de rester ouverte d’esprit et optimiste. Il faut aussi être prêt à affronter le désordre dans lequel nous sommes, être flexible, courageux et accepter le changement.

 

Qu’elle était l’inspiration principale de cette collection?

La collection printemps-été 2021 est née d’une certaine fascination pour les pêcheurs et le monde nautique, qui constituait alors une sorte d’échappatoire. On retrouve par exemple des résilles qui évoquent des filets de pêche, ou encore des parkas et des rayures bretonnes. J’ai essayé de réduire au maximum le superflu pour aller à l’essentiel. Les tissus sont également un élément clé car nous avons utilisé des tissus plus légers et féminins ainsi que de matières durables et des teintures respectueuses de l’environnement.

 

Quelle est la ou les pièces les plus représentatives et pourquoi?

Le duffle-coat raccourci couleur vert menthe est un incontournable, qui s’inspire de ce manteau iconique mais en changeant les proportions – notamment la longueur. Grâce au Nylon, on retrouve immédiatement la touche Moncler, même si ce n’est pas une doudoune. De même pour le trench qui atteint ici un paroxysme de simplicité :  des proportions idéales, un Nylon mat et rien de plus. 

 

On observe aussi de nombreuses pièces hybrides.

Oui tout à fait. Les pièces hybrides sont très représentatives de ma façon de travailler. Jouer avec les coupes, les textures et les styles pour les assembler et les retravailler ensemble fait partie intégrante de mon processus créatif.

 

En septembre dernier, vous avez dévoilé une pièce conçue en collaboration avec le mouvement féministe Girl Up, pourquoi soutenir ce mouvement? 
Pour une entreprise, être durable n’est pas seulement une question environnementale, c’est un état d’esprit, et je considère que l’égalité des sexes en fait partie. Les présentations Moncler Genius créent l’évènement et je voulais leur donner un sens plus profond à travers cette collaboration avec le mouvement Girl Up. Finalement, c’est une façon concrète de faire résonner la devise de Moncler “One house, different voices” (une maison, différentes voix). Moncler est très impliquée dans cette cause et par exemple, mon équipe se compose uniquement de femmes. Par le passé, j’ai travaillé auprès de Jil Sander et Phoebe Philo, et j’aime cette sensibilité et cette créativité féminines. 

 

Bien que dans l’industrie de la mode, les femmes accèdent parfois à des postes à responsabilité, comme vous, j’ai quand même l’impression que nous sommes souvent stigmatisées et devons prouver notre valeur deux fois plus. L’avez-vous déjà ressenti dans votre carrière? Comment avez-vous fait pour vous imposer?

Je pense que vous avez raison, nous sommes bien plus présentes dans la mode, en comparaison avec les autres industries. Mais, même si des femmes atteignent des postes importants, nous devons toujours lutter pour obtenir la même autorité que les hommes. Encore une fois, j’ai travaillé auprès de Jil Sander et Phoebe Philo, qui sont d’excellents exemples. Ce qui fait la différence, c’est de conserver notre approche singulière et notre façon de penser sans perdre notre sensibilité et ou nous adapter au système actuel, malheureusement bien trop souvent dirigé par des hommes. 

 

Retrouvez le collections de Veronica Leoni pour 2 MONCLER 1952 sur Moncler.com