L’interview mode d’Aime Simone lors de son concert à Paris
Ce lundi 6 novembre 2023, l’artiste franco-norvégien Aime Simone s’est imposé sur la scène de la Cigale, vêtu d’une tenue exclusive signée Marine Serre et de bijoux Cartier. Numéro a assisté à ce concert exceptionnel et en a profité pour poser quelques questions au chanteur aux milles vies.
propos recueillis par Nathan Merchadier.
La folle ascension du chanteur Aime Simone
Il y a quelques années, le nom d’Aime Simone était encore totalement inconnu du grand public. Le jeune homme n’avait encore jamais mené d’interview et ses titres ne passaient pas en boucle sur les ondes radios. Sa gueule d’ange griffonnée de tatouages n’avait pas fait le tour des réseaux sociaux et son univers musical – autoproclamé de “post-pop” – ne s’était pas exporté en dehors des méandres de son imagination.
Lors de notre rencontre avec Aime Simone, alors qu’il s’apprête à retourner la mythique salle de la Cigale (Paris, 18e arrondissement), force est de constater que le franco-norvégien ne présente plus les stigmates d’un jeune artiste qui peine à définir son image. La garçon à la silhouette longiligne et aux pommettes saillantes revendique aujourd’hui sur Spotify plus de 38 millions de streams pour son titre le plus populaire Shining Light (2022) et s’apprête à commencer une tournée de concerts à travers l’Europe pour porter les dix titres – de pop aux influences électroniques – de son second album Oh Glory (2023).
Lorsque l’on découvre l’élégance et la grâce avec laquelle Aime Simone déambule sur la scène de la Cigale, difficile de ne pas faire de lien avec son passé de mannequin. Avant de se consacrer pleinement à sa carrière musicale, l’artiste parisien effectue un détour par l’industrie de la mode et collabore pendant quelque temps avec Hedi Slimane chez Celine. De cette carrière éclair dans le mannequinat, Aime Simone en retient un certain goût pour les vêtements et la volonté tenace de développer un esthétisme léché sur les pochettes de ses disques.
Dans le cadre de ces créations, il travaille main dans la main avec la directrice artistique Sonja Fix, qui s’avère aussi être sa compagne et la mère de sa fille. Plus récemment, en juin 2023, Aime Simone fait la rencontre de la créatrice Marine Serre. S’en suit de nombreux échanges et une envie commune de travailler sur l’élaboration de tenues de scène. Après quelques mois de collaboration, les deux artistes finissent par imaginer un tee-shirt custom exclusif à partir d’une pièce d’archive, fidèle au look underground de l’ancien mannequin. Pour parfaire cette tenue de scène, la maison de joaillerie Cartier et Aime Simone se sont associés autour d’une somptueuse rivière de diamants, de quoi faire briller l’artiste aux millions d’écoutes sur la scène de la Cigale.
L’interview mode et style du chanteur Aime Simone
Numéro : Pouvez-vous nous parler de vos tenues de scènes imaginées avec la créatrice Belge Marine Serre ?
Aime Simone : J’ai rencontré Marine Serre pour la première fois en juin dernier lorsque j’ai défilé pour la présentation de sa collection printemps-été 2024 à la Fashion Week. Depuis, j’ai pu rentrer dans son monde et comprendre plus en profondeur le message qui se cachait derrière ses créations. J’ai eu l’impression de pouvoir me retrouver à travers son label, que ses vêtements pouvaient avoir un lien avec mon énergie, mon personnage. La collaboration s’est donc faite assez organiquement. Pour ma tenue de scène j’avais repéré quelques pièces dans ses archives, nous avons ensuite réfléchi ensemble pour faire un mix entre ces pièces et quelque chose de totalement nouveau. La tenue que nous avons finalement imaginée rencontre à merveille la direction artistique de mon album Oh Glory (2023), autour de matériaux brillants, mêlant l’or et l’argent, parfois des diamants, mais tout cela mélangé avec quelque chose de plus dur, plus froid, d’inspiration presque soviétique. Marine Serre arrive à toucher quelque chose d’assez particulier qui n’est pas exactement mon ADN, mais qui justement, m’amène dans un monde nouveau qui me permet de me réinventer.
À l’occasion du défilé printemps-été 2024 de Marine Serre, on vous a aperçu sur le podium aux côtés d’autres artistes comme la Dj française Anetha. Comment vivez-vous ces moments de défilé ?
Les défilés en tant qu’artistes sont très différents de l’expérience que j’avais pu en avoir en tant que mannequin. Ce n’est pas les mêmes conditions et ce n’est pas le même travail. En tant qu’artiste on prend en compte une partie de ton art, de tes tatouages, de ta singularité quelque part, et on l’amplifie. Avec Marine, l’idée était de trouver un juste milieu dans cette collaboration et d’avoir à la fois quelque chose qu’elle projette sur moi, mais aussi une énergie que je pouvais incarner à travers ses vêtements.
Quels souvenirs gardez-vous de la période où vous étiez mannequin à plein temps ?
C’était un point convergent de plusieurs événements dans ma vie. Je n’allais pas très bien et cette rencontre avec le monde de la mode avait été difficile à vivre. J’ai toujours été un artiste et j’ai toujours eu besoin de m’exprimer. En tant que mannequin, la liberté d’expression n’est pas toujours autorisée : on veut juste que tu portes des vêtements. Il y a une sorte de jeu de rôle qui s’installe, presque comme dans le cas d’un acteur au cinéma. Cette période m’a toutefois permis de rencontrer plein de gens différents, de voyager. Mais très vite, j’ai voulu arrêter. Je me suis dit que ma première passion était la musique, alors je me suis concentré là-dessus.
« J’aime bien ce côté hybride de la mode. Je n’aime pas trop le côté obsessionnel que certaines personnes peuvent avoir avec une marque ou même avec un genre musical. Je suis plus fluide que ça ». Aime Simone.
Que ce soit lors d’un concert ou à l’occasion d’un défilé, vous avez donc pour habitude de vous dévoiler …
C’est pour moi le fondement d’être un artiste. Se dévoiler c’est aussi faire preuve de sincérité, de vulnérabilité. Souvent, les gens se retrouvent à travers nos expériences parce que ce qui est le plus personnel est aussi ce qui est le plus universel. Se mettre en scène, c’est mettre en scène sa vérité, c’est mettre en scène sa personne. Ma façon de jouer sur scène, c’est presque de l’anti-performance. Il n’y a pas de personnage, de jeu de rôle ou quoi que ce soit. J’essaie juste de créer la connexion la plus sincère et la plus vraie qui soit avec le public. Les vêtements font aussi partie de cette expression-là. La mode est un langage, une manière de s’exprimer, de partager une histoire, une vision.
Quel est d’ailleurs votre tout premier souvenir lié à la mode ?
C’était probablement au collège, lorsque j’ai compris que la mode était un véritable moyen d’expression et d’appartenance à un groupe. À l’époque, la tendance c’était de porter des jeans patchés — qu’on achetait au marché aux Puces — avec des Nike Requin, des vestes bombers, des lunettes de soleil très Y2K, avec le crâne rasé et les sourcils entaillés.
Y a-t-il une personne dont le style vous inspire tout particulièrement ?
Aujourd’hui, après avoir baigné dans l’art, dans la musique, j’ai l’impression d’être très au fait de ce qui se passe culturellement, et je n’ai plus ce côté obsessionnel de m’inspirer du style ou de l’univers d’une personnalité. Par contre, les mouvements vestimentaires de ces dernières années m’ont beaucoup influencé. Il y a eu mes années à Berlin avec la culture club, je portais des vêtements très sportswear avec l’idée d’être confortable la journée mais de pouvoir la finir en rentrant dans un club le soir. Le fait de travailler avec ma compagne Sonja Fix m’inspire et nourrit mes références qui viennent d’univers multiples.
« J’ai toujours essayé de faire le pont entre l’underground et une culture plus mainstream ». Aime Simone
Quels souvenirs gardez-vous de vos années berlinoises ? Tant dans le domaine de la musique que celui de la mode ?
J’ai vécu à Berlin pendant plus de trois ans. Ce qui me reste de cette ville, c’est une ouverture d’esprit, un côté un peu primitif, sauvage, dans la jungle urbaine des clubs, des bars et des lieux alternatifs. Et puis l’envie de danser, de se libérer… Une énergie comme ça, un peu viscérale qui m’est restée et qui m’apporte aujourd’hui une certaine hybridité, dans mon travail comme dans mes influences.
Quel effet cela vous fait de collaborer avec une maison de joaillerie comme Cartier sur vos tenues de scène ?
Je n’avais jamais collaboré avec une maison aussi prestigieuse que Cartier. Ça a beaucoup de sens pour moi de pouvoir le faire aujourd’hui parce que comme dans la musique, j’ai toujours essayé de faire le pont entre l’underground et la culture plus mainstream. J’essaie de réconcilier ces deux mondes, parce que souvent l’underground méprise le mainstream et le mainstream méprise aussi quelque part l’underground ou ne le comprend pas. Le fait d’arriver, à travers ma propre expression, à mélanger ces mondes-là, comme avec Marine Serre et Cartier, c’est quelque chose de fort. C’est un message que je suis honoré de pouvoir partager, d’être justement cette personne qui arrive à joindre ces deux mondes.
Après le succès de votre second album (Oh Glory, 2023), sur quels autres projets travaillez-vous actuellement ?
Je suis actuellement en tournée en France et en Europe. Sinon, je travaille sur une version deluxe de mon album Oh Glory. L’idée est d’y apporter des nouveaux tracks, des morceaux qui n’ont pas pu figurer sur cet album parce que j’essaie toujours d’avoir un travail cohérent, avec une vraie histoire : un début et une fin. Parfois, il y a des chansons qui ne rentrent pas exactement dans l’histoire, mais qui font quand même partie de l’univers du projet. Ce sont ces chansons-là que j’essaie d’intégrer dans le prolongement de mon disque.
Oh Glory (2023) de Aime Simone, disponible sur toutes les plateformes.
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