U.S. Girls, a revelation in disco hedonism, glam-rock power and dark electro
Avec son album “Half Free” sorti à la rentrée 2015, Meghan Remy, alias U.S. Girls, révélait toute l’étendue de son talent. Entre hédonisme disco, puissance glam-rock et électro sombre, elle dévoile aujourd’hui sa dernière vidéo.
Propos recueillis par Thibaut Wychowanok.
Entamer l’écoute de Half Free de U.S. Girls, c’est accepter de déferler sur une highway américaine, radio à fond, dans une symphonie allumée et brillante de rock, d’électro sombre, de dub et de disco. Une course folle à la Thelma et Louise, qui évoquera les plus beaux moments musicaux de Yoko Ono (Walking on Thin Ice), des premières heures de Blondie et des groupes punk comme Bikini Kill du mouvement féministe Riot Grrrl. Avec le nom de son projet, U.S. Girls (au pluriel), l’Américaine Meghan Remy, aujourd’hui installée à Toronto, ne pouvait mieux exprimer son ambition de revêtir les habits de toutes ces femmes, et de toutes les autres. “J’admire le travail de Cindy Sherman”, confie-t-elle, de passage à Paris. “Sa manière de se grimer et d’incarner avec vérité tous les types féminins dans ses photos me fascine.” La jeune femme vient d’ailleurs de se raser la tête, passant d’un look Debbie Harry eighties à celui de Sinéad O’Connor. Dans ses morceaux, Meghan Remy s’applique à raconter des histoires de filles, souvent malheureuses, parfois sordides, à la manière d’une Joyce Carol Oates, c’est-à-dire en s’intéressant à la beauté de ses personnages et en défendant leur dignité. “Je n’ai découvert le cinéma de John Cassavetes qu’au moment d’écrire l’album, ajoute-t-elle. Il m’a beaucoup influencée. Cassavetes a cette faculté de rendre universelles les histoires singulières auxquelles il s’attache, à révéler la vérité de ses personnages – bonne ou mauvaise, souvent mauvaise –, sans jugement ni misérabilisme. Je n’ai pas d’autre ambition quand j’écris mes chansons.” Sororal Feelings, ballade psychotique aux accents musicaux lynchéens, raconte ainsi la vie de cette fille, qui épouse l’homme avec lequel toutes ses sœurs avaient déjà couché pour de l’argent… Une histoire inspirée du livre de Michael Ondaatje, Coming Through.
Musicalement, la même sincérité l’emporte. Meghan Remy évite l’écueil du pastiche en n’essayant jamais de reproduire le son d’une époque, mais en s’appliquant à raviver une énergie, ici rock, là disco, et surtout à en insuffler une nouvelle, dub ou électro. L’entourage de l’Américaine n’est pas pour rien dans la profusion des genres qui caractérisent son album. Sur les trois titres produits par Onakabasien, la batterie est puissante, le son se fait plus complexe. Le beat du magnifique Woman’s Work, qui conclut l’album, rappelle alors les compositions magistrales d’Austra, autre immense groupe également installé à Toronto. Mais c’est la voix rare de Meghan Remy, comme un instrument qui n’aurait pas besoin d’être accordé parce que sa justesse proviendrait des tripes plutôt que de la technique, qui travaille le mieux à rendre singulière chacune de ses productions. “Une voix d’ovni”, de son propre aveu, qui accompagne divinement les voyages auxquels elle invite. Sur le morceau Window Shades, magistral hymne disco mêlant piano et cordes et hommage assumé aux incroyables productions seventies de Giorgio Moroder, la voix sensuelle de la jeune femme inspirera des errances sexuelles et de multiples attouchements sur la banquette arrière. Puis, la nuit tombée sur la highway, sa voix sera celle d’une crooneuse – “Le premier concert auquel j’ai assisté, à 4 ans, était celui de Billy Joel”, nous avoue-t-elle – pour un moment de blues barré qui entraînera les corps dans une procession mystique (Red Comes in Many Shades). C’est que U.S. Girls n’en est pas à son coup d’essai, après déjà deux albums. Mais ce troisième, Half Free, signé chez l’excellent label 4D, devrait enfin la consacrer comme une artiste indépendante majeure, sachant manier avec le même talent le glamour et la crasse.
Half Free de U.S. Girls (4AD). Disponible le 25 septembre.