Hommage à John Singleton, premier réalisateur noir nommé aux Oscars
Décédé hier des suites d’une défaillance cardiaque, le réalisateur mythique John Singleton a consacré sa vie à représenter la condition noire américaine aux états-Unis. De “Boyz n the Hood” au deuxième volet de “Fast and Furious”, retour sur la carrière d’un monument du cinéma.
Par Juliette Cardinale.
Regretté par Snoop Dogg, Spike Lee ou encore Jordan Peele, le réalisateur John Singleton est mort hier des suites d’une attaque survenue le 17 avril. L’Américain de 51 ans n’a réalisé que neuf films mais a laissé une empreinte profonde dans l’histoire du cinéma. Né le 6 janvier 1968 à Los Angeles, influencé par les premiers Star Wars et les films de Steven Spielberg, il a étudié le cinéma à l’Université de Californie du Sud et tourné le mythique Boyz n the Hood à seulement 22 ans. Durant sa carrière, il a dirigé les plus grands acteurs afro-américains d’aujourd’hui et mis à l’honneur la communauté noire des États-Unis.
Le phénomène Boyz n the Hood
En 1991, John Singleton frappe très fort dès son premier film : Boyz n the Hood se déroule dans l’ambiance criminelle du quartier South Central de Los Angeles et bénéficie d’un casting de choix. Acteurs devenus incontournables, Ice Cube, Angela Bassett, Laurence Fishburne, ou encore les oscarisés Cuba Gooding Jr. (1997) et Regina King (2019) sont à l’affiche du film.
Boyz n the Hood est projeté au Festival de Cannes dans la catégorie “Un certain regard” et vaut à John Singleton d'être, à 24 ans, le premier réalisateur noir à être nommé aux Oscars. Il détient toujours aujourd'hui le record du plus jeune nommé dans cette catégorie. Également nommé pour le meilleur scénario original, le film est toutefois reparti bredouille de la cérémonie, mais s’inscrit dans le renouveau du film afro-américain des années 90 aux États-Unis. Il contribue à populariser le rap et la culture hip-hop tout en mettant le spectateur face à la répression aveugle de la police et à la réalité de la violence dans les quartiers noirs. En 2002, il représente une telle référence sur le sujet que la librairie du Congrès décide de le classer dans le Registre National des Films pour son “importance culturelle”.
En 1992, John Singleton réalise le clip de Remember the time pour Michael Jackson, dans lequel apparaissent Eddie Murphy, Iman et Magic Johnson. Puis il retourne au cinéma et signe Poetic Justice en 1993 (avec Janet Jackson), Higher Learning en 1995 et Rosewood en 1997. Il dévoile Taraji P. Henson dans Baby Boy en 2001 et signe un remake réussi de Shaft avec Samuel L. Jackson en 2002. Il se tourne alors vers les films d’action et réalise son plus gros succès commercial, 2 Fast 2 Furious en 2003, puis Four Brothers en 2005. Mais il retrouve la thématique de la condition noire américaine en produisant Hustle & Flow ou encore Back Snake Moan.
Dans les années 2000, il veut réaliser un biopic sur le rappeur Tupac mais ne le mène pas à bout et son dernier film reste donc Identité secrète (2011), un film d’action avec Taylor Lautner et Lily Collins qui est peut-être le plus éloigné avec de la thèmatique centrale de sa carrière. Il se consacre alors à la télévision et dirige un épisode de la série Empire et de American Crime Story (la série évènement sur le procès de O.J. Simpson). Il produit Rebel (l’histoire d’une policière qui devient détective privée suite à la mort de son frère) et en dirige le premier épisode. En 2016, il crée la série Snowfall avec Eric Amadio et Dave Andron. Retour aux origines : l’action se déroule à Los Angeles dans les années 80 alors que la ville est ravagée par le trafic de crack.
Un cercle d'amis très talentueux
Très tôt, il lie une amitié avec la crème du cinéma. Spike Lee, autre réalisateur majeur du renouveau du cinéma noir américain des années 90, se souvient avoir rencontré Singleton lorsque celui-ci était étudiant en cinéma à USC. D’après le réalisateur de BlacKkKlansman, ils sont toujours restés proches, “s’encourageant l’un l’autre dans une industrie qui n’est pas propice à leur réussite”.
John Singleton a offert leurs premiers grands rôles à Taraji P. Henson et Ice Cube et a dirigé par trois fois Regina King. En 2014, il résume sa vision d’Hollywood : les grands studios doivent embaucher des réalisateurs afro-américains pour réaliser des films sur la communauté noire. Sinon, ces films seront le résultat d’une vision blanche homogénéisée de cette communauté, et non la vérité.