Interview : Vincent Dedienne fait son show à l’Opéra
Pour la 3e scène de l’Opéra de Paris, le comédien et auteur Vincent Dedienne imagine un film tout en finesse et humour noir. Un duo qu’il interprète aux côtés de la comédienne Nathalie Baye devant la caméra de Mikael Buch. Rencontre avec le jeune auteur.
Par Delphine Roche.
Numero : Comment est né ce projet pour la 3e scène ?
Vincent Dedienne : L’idée est venue de Philippe Martin, le producteur des films Pelléas, qui s’occupe maintenant de la 3e scène de l’Opéra de Paris. Il est venu voir mon spectacle au théâtre et m’a dit : “Vous devriez écrire pour le cinéma.” Il m’a proposé de le faire dans le cadre de la 3e scène. J’ai donc écrit pendant trois jours à Avignon l’été dernier, avec Mikael Buch.
Le film est-il inspiré de vos rapports avec votre mère ?
C’est marrant, parce que je n’y avais pas pensé… mais quand ma mère l’a vu, elle m’a dit qu’elle avait l’impression que je ne jouais pas du tout la comédie. Et effectivement, je reconnais bien le fils ingrat et énervé que j’ai pu être.
Et comment est née votre passion pour le théâtre ? Vous avez grandi à Mâcon, ce n’est pas exactement une ville de théâtre…
[Rires] Ils vont être contents à Mâcon. En fait, j’ai grandi dans un petit village à la campagne, où il y avait un théâtre. Je crois que ma passion vient de la première fois où je suis entré dans cette salle. J’ai la sensation que les théâtres sont des lieux qui me vont bien, ce sont mes lieux préférés au monde. Je ne vais pas dans les églises… mais je ne peux pas aller dans une ville sans visiter ses salles de théâtre. Elles me semblent préservées du bruit du monde, de la catastrophe. Il n’y a pas de temps, pas d’époque, je ne m’y sens ni homme ni femme, c’est le lieu de tous les possibles. Et j’aime bien cela.
“Je ne vais pas dans les églises… mais je ne peux pas aller dans une ville sans visiter ses salles de théâtre. Elles me semblent préservées du bruit du monde, de la catastrophe.”
C’est l’opposé absolu de votre chronique télévisuelle dans l’émission de Yann Barthès.
Oui j’ai dans ma vie, en ce moment, deux activités complètement opposées. Le théâtre, où je peux parler de choses anciennes qui ne sont pas du tout sensationnelles, et la télévision où c’est plutôt l’inverse : on se focalise sur l’actualité, ce qui est brûlant, ce qui ne dure pas. Une chronique, ça ne sert à rien, ça ne s’inscrit nulle part alors que le théâtre, c’est quelque chose qui existe plus longtemps, qui a plus de poids.
Vous êtes d’ailleurs en tournée avec votre one man show, S’il se passe quelque chose. Être seul sur scène, c’est particulier, non ?
C’est particulier, mais j’aime bien ça. La première fois que j’ai joué mon spectacle, c’était mon but : savoir si j’allais aimer être seul ou si j’allais partir en courant en demandant : “Au secours ! où sont mes partenaires, où sont mes copains ?” Et en fait j’aime autant être seul sur scène que d’y être à douze, ou treize, ou deux.
“Une chronique, ça ne sert à rien, ça ne s’inscrit nulle part alors que le théâtre, c’est quelque chose qui existe plus longtemps, qui a plus de poids.”
Et jouer avec Nathalie Baye dans Médée, c’était comment ?
Je ne comprends même pas qu’on me pose la question, car je n’arrive toujours pas à croire que j’ai joué avec elle [rires]. J’étais très intimidé pendant quatorze secondes, mais elle est une grande actrice qui n’est pas embarrassée par le fait d’être une grande actrice. Donc elle met très vite ses partenaires à l’aise. Quand j’y repense, je me demande comment j’ai osé, et je me dis que je suis un imposteur.
Dans le film, on apprend des choses vraiment passionnantes, comme l’existence de la dermatomyosite et de la ménopause des robots…
La dermatomyosite, c’est la dégénérescence des cordes vocales. C’est de ça qu’est morte Maria Callas, ce qui est assez ironique. La ménopause des robots, c’est l’obsolescence programmée des appareils électroniques. Mais quand on est le personnage de Nathalie Baye, on dit plutôt “la ménopause des robots”.
« Quand j’étais jeune et que j’avais aimé un spectacle, je me disais que cela s’arrêtait parce que le public partait. Mais que si on restait assez longtemps, les acteurs allaient revenir.”
À la fin du film, vous restez tous les deux seuls dans la salle. Ca vous est déjà arrivé que quelqu’un vous attende sans vouloir décamper, lors d’un de vos spectacles ?
Je ne crois pas, mais moi je l’ai déjà fait. Quand j’étais jeune et que j’avais aimé un spectacle, je me disais que cela s’arrêtait parce que le public partait. Mais que si on restait assez longtemps, les acteurs allaient revenir. Ils n’auraient pas le culot de ne rien faire ! Je suis resté après un spectacle de Muriel Robin, dont j’étais fan. Et aussi à Avignon, pour Hedda Gabler de Thomas Ostermeier. J’avais été tellement sonné que je ne voulais pas quitter la salle. Je l’ai aussi fait après le Sacre du printemps, de Pina Bausch. J’adore voir sur scène des gens qui se débrouillent avec le fait de ne pas savoir danser. C’est pourquoi je suis très touché quand Pina fait tourner des adolescentes ou des personnes âgées… Je ne suis ni adolescent ni une personne âgée, mais je me débrouille assez mal avec mon corps et j’aimerais réussir à mettre cela en jeu sur un plateau.
Et maintenant que vous passez à la télévision, avez-vous déjà été suivi par un stalker fou ?
Oui quelqu’un m’a suivi jusque dans mon train ! Mais bon, cela n’arrive pas tous les jours, je ne suis pas Michael Jackson. Donc j’ai juste dit au contrôleur de vérifier s’il avait un billet et il n’en avait pas. ça m’a peut-être sauvé la vie ? [Rires]
Vincent Dedienne pour la 3e Scène de l’Opéra de Paris. En tournée en France avec son spectacle “S’il se passe quelque chose”