De Magritte à Picabia : les chefs-d’œuvre des surréalistes chez Sotheby’s
Plus de cent ans après sa naissance, le mouvement surréaliste est à l’honneur dans la vente aux enchères de la maison Sotheby’s, ce 16 mars, à Paris. Au programme, 25 lots signés par des artistes majeurs du début du 20e siècle tels que René Magritte ou encore Hans Arp pour une estimation totale de 30 millions d’euros. Parmi ceux-ci, une peinture de Francis Picabia est déjà estimée entre 6 et 8 millions d’euros.
Par Elliot Mawas.
1924 : l’écrivain André Breton signe le Manifeste du surréalisme, mouvement artistique alors émergent qui s’imposera plus tard comme l’un des courants majeurs du 20e siècle. Porté par des peintres tel que René Magritte ou encore Salvador Dalí, mais aussi par des cinéastes (René Clair) et des poètes (Louis Aragon), il vise à convoquer l’imaginaire et le rêve pour transcender la réalité. Un siècle plus tard, ce mouvement européen consacré à maintes reprises par les institutions attire de nombreux collectionneurs, faisant de certaines de ses figures majeures de véritables stars des enchères. Le 2 mars dernier, l’adjudication de la toile L’Empire des lumières de René Magritte par Sotheby’s Londres à 59,4 millions de livres sterling témoigne de cet engouement contemporain. Avec la vente “Surrealism and its Legacy” organisée à Paris ce mercredi 16 mars, la même maison de vente continue de parier sur cet intérêt.
Parmi ses 25 lots réalisés par des artistes surréalistes et leurs héritiers, prévus pour atteindre la colossale estimation de 30 millions d’euros au total, René Magritte est particulièrement représenté à travers quatre œuvres, dont la toile Le Palais de la Courtisane (1929) estimée à 3 millions d’euros. À ses côtés, on retrouve L’O et l’U de l’Oiseau de Jean (Hans) Arp, un relief en bois peint de 1928 estimé entre 3 et 5 millions d’euros où l’on retrouve les lignes pures et les formes abstraites caractéristiques du sculpteur français. Sotheby’s met également un point d’honneur à mettre en avant les femmes du surréalisme, souvent négligées dans l’histoire du mouvement au profit de leurs homologues masculins, en proposant aux enchères des peintures de Toyen, Leonor Fini ou encore Dorothea Tanning.
Deux peintures exceptionnelles de Francis Picabia
Mais la vedette de la vente est sans conteste Francis Picabia (1879 – 1953), dont les deux peintures sont déjà estimées à 10 millions d’euros, soit un tiers de l’estimation globale. Son œuvre hybride mêle des codes de différents mouvements, du dadaïsme à l’abstraction en passant par des éléments impressionnistes ou classiques et marque tout particulièrement l’histoire de l’art durant l’entre-deux-guerre lorsqu’elle prend un tournant surréaliste. Les peintures présentées appartiennent à deux moments successifs de la vie de l’artiste. Dans la première, Pavonia (1929), des lignes se superposent sur un fond bleu ciel, mêlant branchages, fleurs et oiseaux dans des teintes de vert, de jaune et de rouge au dieu Pan et à une femme-centaure, deux figures de la mythologie grecque. Bijou de la vente aux enchères qui pourrait bien atteindre les 8 millions d’euros, elle s’inscrit dans la série des Transparences (1929-1932) de Picabia. À travers différentes juxtapositions de figures, de visages et d’objets, l’artiste créait sur la toile, comme le disait son ami Marcel Duchamp, “une troisième dimension, sans l’aide de la perspective”.
Au milieu des années 30, l’artiste oppose aux Transparences un style plus réaliste avec une approche délibérément kitsch, parodiant les codes de la peinture classique. Le deuxième lot de Francis Picabia présent dans la vente, Nu de dos (1940-1942) s’inscrit pleinement dans cette période, explorant à travers une palette de couleurs crues, la sensualité du nu féminin, thème largement exploré dans l’histoire de l’art. L’héritage de l’artiste se ressent aujourd’hui dans l’art contemporain, dans la pratique de Jeff Koons ou de John Currin par exemple, qui revisitent aujourd’hui des codes de la peintures classique en y intégrant des éléments de la culture populaire. “Beaucoup d’artistes, moi compris, ont appris par le biais de Dada et du Surréalisme, à mieux s’accepter et à exprimer leur moi profond”, déclarait d’ailleurs Jeff Koons, cité sur le site de Sotheby’s.
Surrealism and Its Legacy, vente ce mercredi 16 mars chez Sotheby’s, Paris 8e.