3
3
Où Arca se produira-t-elle à Paris pendant la Fashion Week ?
Figure incontournable de la musique électronique expérimentale, Arca revient à Paris le 5 octobre 2025 pour un live unique au FVTVR lors de l’événement “Dance Hole”, en clôture de la Fashion Week.
Par Alexis Thibault.

Arca et Sega Bodega : clôture incandescente pour la Fashion Week
Il fallait une apparition singulière pour refermer la Fashion Week parisienne. Ce sera Arca, dimanche 5 octobre 2025, au FVTVR, de 22h à l’aube à l’occasion de l’événement Dance Hole. La productrice vénézuélienne, figure magnétique et insaisissable de l’avant-garde électronique, a déjà prouvé il y a peu, à la Bourse de commerce, qu’elle sait transformer un espace monumental en matrice sonore totale. Son retour, dans un lieu plus brut et immersif, promet une expérience d’autant plus viscérale.
Arca n’offre pas de simples concerts, mais des traversées : couches sonores abrasives, éclats rythmiques imprévisibles, instants de grâce et de vertige. Elle installe son public dans un entre-deux, quelque part entre cérémonie futuriste et désorientation volontaire. On s’y perd, et c’est précisément le but.
À ses côtés, Sega Bodega, fidèle complice et électron libre de la scène londonienne, déploiera ses paysages glitchés et fragiles. Pop expérimentale, R’n’B spectral et fulgurances électroniques se frottent et se fissurent dans son œuvre, qui oscille entre la frontalité brute et l’intime le plus dénudé.
Arca : trajectoire d’une météorite sonore
Alejandra Ghersi débarque en 2012 avec la mixtape Baron Libre (2012). Suivront, entre autres, l’album Xen (2014), Mutant (2015), puis le fameux Arca (2017). À 35 ans, Arca est à l’aise dans tous les registres et apporte de la brutalité aux créations cristallines de Björk, collabore avec Kelela, Frank Ocean et FKA twigs. Sa force ? Injecter des éléments de la musique savante dans les productions contemporaines, mêlant les codes de l’opéra aux productions électroniques ravageuses d’une SOPHIE, les orchestres philharmoniques à la drone minimaliste d’un Oneohtrix Point Never. En filigrane : une exploration des pulsions, une hypersexualisation jamais prosaïque et un aléa souverain qui régit la plupart de ses compositions.
Ce questionnement radical trouve un prolongement dans la série Kick (Kick I [2020], Kick II [2021], Kick III [2021], Kick IIII [2021] et Kick IIIII [2021]), publiée entre 2020 et 2021. Cette tétralogie en cinq volumes est une cartographie mouvante de son identité musicale. Kick I explore l’hybridation pop et le reggaeton déconstruit. Kick II se fait plus abrasif et industriel. Puis Kick III s’abandonne à la frénésie expérimentale. Kick IIII ouvre une parenthèse lyrique et méditative, tandis que Kick IIIII distille une conclusion aérienne, presque spirituelle. Ensemble, ces albums dressent un autoportrait éclaté où le féminin, le masculin, l’humain et le post-humain se croisent sans jamais se stabiliser.
Arca et la musique de demain
Avec @@@@@, en 2020, Arca va encore plus loin et façonne ce qui sera peut-être la musique dans 200 ans. Une œuvre abstraite, occulte, noire et souvent inintelligible dans laquelle le concept dévore la forme. Sur la jaquette créée spécialement pour le morceau, un mannequin inanimé gît sur le capot d’une voiture éventrée. Sa poitrine compte six seins, chacun est relié à l’automobile par un câble, comme si la poupée abreuvait la tôle. Ou peut-être est-ce l’inverse…
Semblable aux premières minutes du titre d’Arca, le visage inexpressif de l’androïde n’évoque rien. On ne sait pas d’où il vient ni qui il est. Est-ce un pantin ou un robot éteint ? Sa symphonie provocante et anachronique interroge à la fois la forme d’une pièce musicale et la fonction d’une œuvre électronique. Ici, la sensation – du malaise à l’extase – annihile la narration. Des souffles, des rires, des craquements, des kicks saturés, des respirations, des sanglots, des orgasmes, des larsens, des grondements et des lamentations… Arca sculpte les bruits, altère les textures, assemble les sons et les silences. Et de ce chaos sonore surgit une question : une œuvre musicale a-t-elle vocation à procurer du plaisir ?
Dance Hole avec Arca, Sega Bodega, Petit et Bobbt Beethoven, le 5 octobre au club FVTVR, 34 quai d’Austerlitz Paris XIIIe.