12 avr 2022

À Venise, le fleuriste et plumassier Lemarié dévoile les secrets de son savoir-faire couture extraordinaire

Jusqu’au 1er mai, le plumassier et fleuriste Lemarié expose son savoir-faire couture exceptionnel à l’occasion de la seconde édition d’Homo Faber à Venise, un évènement qui réunit les meilleurs artisans d’art d’Europe et du Japon. L’occasion pour la maison, qui appartient aux Métiers d’art de Chanel, de révéler son excellence à travers un atelier de démonstration et l’exposition de deux modèles Chanel haute couture.

Construit en 982 sur l’île du même nom, le monastère bénédictin de San Giorgio Maggiore et sa basilique datant du XVIe siècle offrent une vue imprenable sur la ville de Venise et sa lagune. Au fil des siècles, cet édifice d’une beauté époustouflante, magnifiquement décoré de peintures murales, sols en marqueterie de marbre, statues allégoriques et splendides arcades, voit son rôle évoluer au gré de l’histoire avant de devenir en 1951 la Fondation Giorgio Cini, sous l’impulsion du comte Vittorio Cini, désireux d’honorer la mémoire de son fils Giorgio déporté par les nazis. Bien plus qu’un centre théologique, culturel et artistique, la Fondation Cini perpétue le rôle séculaire des monastères, qui consiste à préserver les patrimoines locaux et nationaux, et abrite l’une des plus impressionnantes bibliothèques d’Europe, riche de près de 15 000 volumes et manuscrits dédiés à la littérature, l’art, la musique et le théâtre. Régulièrement, l’île de San Giorgio Maggiore accueille des manifestations culturelles et concerts qui célèbrent l’héritage artistique de la ville et du pays, ainsi que des évènements de grande ampleur, comme Homo Faber en 2018, une exposition exceptionnelle consacrée à l’artisanat d’art en Europe et orchestrée par la Fondation Michelangelo, organisation internationale à but non lucratif qui préserve le savoir-faire artisanal. 

 

Cette année, alors que Venise s’apprête la semaine prochaine à inaugurer la 59e édition de la Biennale dédiée à l’art contemporain, la Fondation Michelangelo présente jusqu’au 1er mai à la Fondation Cini la seconde édition de l’exposition Homo Faber, initialement prévue pour 2020, et repoussée à cause de la pandémie de Covid-19. En plus de mettre en lumière les meilleurs artisans d’art d’Europe, cette nouvelle édition, qui réunit plus de 300 savoir-faire, souligne le dialogue culturel entre l’Europe et le Japon en invitant à Venise des designers japonais, considérés comme des trésors nationaux à l’instar d’Imaizumi Imaemon XIV spécialisé dans l’émaillage de la céramique et quatorzième héritier de sa famille à maîtriser cette technique. Parmi les quinze expositions dédiées aux différents savoir-faire comme les arts décoratifs ou le travail du papier et de la porcelaine, “Homo Faber” consacre, avec “Details: Genealogies of Ornament” curatée par Judith Clarke, un espace à quinze maisons de luxe européennes et japonaises qui, à travers des ateliers en direct, dévoilent leurs secrets de conception d’objets extraordinaires.

Cette année, alors que Venise s’apprête à accueillir la 59e édition de la Biennale dédiée à l’art contemporain, la Fondation Michelangelo présente jusqu’au 1er mai 2022 au sein de la Fondation Giorgio Cini la seconde édition de l’exposition Homo Faber, initialement prévue pour 2020, et repoussée à cause de la pandémie de Covid 19. Au-delà de mettre en lumière les meilleurs artisans d’art d’Europe, cette nouvelle édition qui réunit plus de 300 savoir-faire, met en lumière le dialogue culturel entre l’Europe et le Japon en invitant les meilleurs artisans et designers japonais à Venise. Parmi les quinze expositions dédiées aux différents savoir-faire comme les arts décoratifs ou le travail du papier et de la porcelaine, Homo Faber consacre, avec “Details: Genealogies of Ornament” commissionnée par Judith Clarke, un espace à quinze maisons de luxe et qui, à travers des ateliers en direct, dévoilent les secrets de la conception d’objets de luxe extraordinaires. 

Le parterre de fleurs de Lemarié à l’expostion Homo Faber à Venise
Le parterre de fleurs de Lemarié à l’expostion Homo Faber à Venise
Le parterre de fleurs de Lemarié à l’expostion Homo Faber à Venise

Aux côtés de l’art de la glyptique de Cartier (gravure de pierres fines) ou de la technique du velours au sabre sur du satin duchesse de la maison Hermès, le plumassier et fleuriste Lemarié, qui appartient aux Métiers d’art de Chanel depuis 1996, dévoile une installation qui illustre tout le savoir-faire couture de cette maison fondée en 1880. Attablés de part et d’autres d’un tissu décoré d’un motif formant l’inscription “Lemarié Homo Faber”, deux artisans façonnent, modèlent, plient, assemblent et cousent à la main minutieusement des fleurs délicates qui formeront un sublime parterre inspiré des jardins du monastère. “Les fleurs sont un savoir-faire emblématique de la maison Lemarié. Cet atelier est non seulement intéressant en démonstration mais il a aussi quelque chose de magique”, confie Christelle Kocher, directrice artistique de la maison historique depuis 2010. “L’inspiration vient de l’incroyable labyrinthe des jardins de l’île San Giorgio Maggiore, et c’est tout cet univers végétal et floral que nous révélons grâce à notre patrimoine. Surtout que cette saison, Homo Faber a invité des artisans japonais, dont l’art évoque immédiatement les jardins japonais et les origamis. Cet atelier rappelle cette connexion entre notre savoir-faire et l’artisanat japonais”, poursuit-elle.

 

Déclinées dans des bleu nuit, marine ou cobalt, ces fleurs font écho au bleu du drapeau vénitien, mais aussi à un sublime robe-manteau intégralement orné de camélias d’une dizaine de tailles distinctes – qui a nécessité près de 2000 heures de travail et associe six tissages de soie – issu de la collection Chanel haute couture printemps-été 2012, signée Karl Lagerfeld et exposée à quelques pas de l’atelier de démonstration. À ses côtés, une robe Chanel haute couture automne-hiver 2021-2022 par Virginie Viard (directrice artistique de la maison depuis la disparition du couturier), décorée de semis de camélias et pétales d’organza de soie peints à la main, rehaussés de 2600 perles et 1900 cristaux Swarovski ainsi que des camélias confectionnés avec du tulle de soie et du marabout de plume tandis que le bas de la robe est entièrement réalisé avec des plissés de la maison Lognon. Une sélection de modèles couture qui donne à admirer les quatre savoir-faire de la maison Lemarié – l’atelier fleuriste, l’atelier plumassier, l’atelier de création textile et l’atelier des plisseurs Lognon.  “Ces quatre savoir-faire font vraiment la force de notre maison et travaillent ensemble pour concevoir des pièces uniques et exceptionnelles, explique Christelle Kocher. Ces robes sont le fruit d’un véritable travail d’équipe, pour lesquelles plusieurs artisans collaborent en même temps et symbolisent l’excellence du savoir-faire français et de la maison Lemarié.

À gauche : robe Chanel haute couture automne-hiver 2021-2022. À droite : robe-manteau Chanel printemps-été 2012.

Aujourd’hui, la prospérité de Lemarié, qui fête ses 142 ans d’existence, repose sur la confection des pièces haute couture à destination d’une clientèle exclusive, que cela soit pour Chanel ou pour d’autres grandes maisons, à l’instar de Balenciaga ou Dior. Mais Lemarié a aussi su affirmer sa capacité à produire en série pour le prêt à porter, un enjeu de taille pour Christelle Kocher qui, lors de son arrivée à sa direction artistique en 2010, a eu à développer un dialogue entre tradition et innovation. “Préserver nos gestes était au centre de mes préoccupations, tout comme enrichir nos compétences pour pouvoir répondre aussi bien à des demandes pour la haute couture que pour le prêt-à-porter, raconte la créatrice parisienne. Désormais, nous sommes capables de proposer des créations uniques mais aussi des pièces en série. Une évolution qui a nécessité de former les équipes, développer la production, installer des systèmes informatiques et bien sûr se tourner vers des process plus industriels comme la conception digitale ou les découpes lasers, tout en se tenant informé des dernières avancées technologiques”.

 

En 2021, la maison Lemarié, tout comme le brodeur Lesage, le chapelier Maison Michel et l’orfèvre Goossens, déménageait ses ateliers parisiens vers le nord de la capitale dans un tout nouvel espace dédié aux Métiers d’art de Chanel, le 19m, situé à la porte d’Aubervilliers. C’est dans ce bâtiment baigné de lumières, conçu par l’architecte italien Rudy Ricciotti, que sont réalisés les plissés de la maison Lognon, appliqués les perles, plumes et strass, ou encore fabriqués à la main l’intégralité des emblématiques camélias Chanel, dont la maison détient les secrets depuis la rencontre entre Gabrielle et André Lemarié au des années 60. Des gestes d’une précision inouïe que Lemarié veille à préserver, exposer et transmettre aux futures générations à travers des collaborations avec des écoles d’art et d’apprentissage, afin que jamais ne se perde un savoir-faire qui fait la fierté du patrimoine artistique français.

 

 

Homo Faber, 10 avril au 1er mai 2022.

Exposition Details: Genealogies of Ornament, à la Scuola Nautica, sur l’île de San Giorgio Maggiore, à Venise