Cannes 2022 : Is Triangle of Sadness, the Palme d’Or awarded by Vincent Lindon’s jury, one of our favorites from this 75th edition ?
En ratissant large mais en rejetant aux marges les tentatives les plus fortes esthétiquement, le palmarès de Cannes 2022 a envoyé un message conservateur, alors que le cinéma semble en danger. Voici nos cinq coups de cœur d’une édition malgré tout passionnante.
par Olivier Joyard.
Edition du retour à la normale après deux années perturbées par la pandémie, le Festival de Cannes 2022 n’a pas toujours donné de nouvelles réjouissantes du cinéma. Et la Palme d’or attribuée par le jury de Vincent Lindon à Sans filtre de Ruben Östlund, n’a rien arrangé. Cinq ans après The Square, déjà palmé, le suédois quadragénaire poursuit son ennuyeux jeu de massacre. Son interminable film se veut une critique des ultra-riches à base de shooting mode absurde, de croisière de luxe et de vomi, mais l’empaquetage clinquant ne peut pas faire oublier la faiblesse du projet, qui cherche à choquer le bourgeois en utilisant la misanthropie comme valeur la mieux partagée.
D’un palmarès récompensant dix films – quasiment la moitié des sélectionnés en compétition – mais pas l’incroyable Pacifiction, on retiendra un certain refus de choisir, comme s’il fallait ratisser large au prétexte que le public boude le cinéma, happé par les plateformes depuis les divers confinements. Mais est-ce vraiment une manière de donner envie ? Les prochains mois, décisifs, apporteront une réponse. En attendant, on peut regretter que Claire Denis (Stars At Noon) et le jeune prodige Lukas Dhont (Close) aient dû partager le Grand Prix avec des films imparfaits mais émouvants, que les beautés de David Cronenberg (Crimes of The Future) et de Valeria Bruni Tedeschi (Les Amandiers) aient été écartées. Voici nos cinq coups de cœur du Festival, à découvrir en salle dans les mois à venir.
5. Nadia Tereszkiewicz dans Les Amandiers
L’actrice qui a fêté ses 26 ans durant le festival avait déjà brillé dans Seules les bêtes et la minisérie Possessions. Mais Les Amandiers, récit autofictionnel de Valeria Bruni Tedeschi sur ses années de formation théâtrale à Nanterre dans les années 1980 avec Patrice Chéreau, a offert à la Franco-Finlandaise l’occasion de déployer son talent hors norme. La caméra semble accrochée à son visage, son intensité de tragédienne et son sens simultané du naturel font mouche dans ce film de sentiments et de regrets. La plus belle révélation du cinéma français contemporain.
Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi. Sortie le 9 novembre
4. La Quinzaine des réalisateurs en feu
Pour sa dernière année à la tête de la section parallèle du Festival créée en 1969, l’Italien Paolo Moretti a multiplié les bons coups. On y a vu notamment le touchant Un Beau matin de Mia Hansen Love, le surprenant Falcon Lake, teen movie hanté de Charlotte Lebon, la fresque historique implacable de Philippe Faucon, Les Harkis, l’exploration familiale d’Annie Ernaux dans Les années Super 8, ou encore la plus réjouissante pépite du Festival, la comédie queer et politique Feu Follet de Joao Pedro Rodrigues. De quoi faire momentanément oublier les inquiétudes sur l’avenir du cinéma.
Feu Follet de Joao Pedro Rodrigues. Sortie le 14 septembre.
3. Certaines femmes
Cinq ans après la vague MeToo, les réalisatrices n’ont pas été invitées en masse sur la Croisette. Mais on peut se satisfaire du Grand Prix attribué à Stars at Noon de Claire Denis, odyssée intime et sensuelle d’une journaliste coincée au Nicaragua, tandis que d’autres personnages féminins ont marqué les esprits. Entre la trentenaire d’Un Beau Matin de Mia Hansen Love (jouée par Léa Seydoux) qui se redécouvre un corps pendant que celui de son père se dégrade, l’amoureuse sombrant dans la folie scrutée par Kirill Serebrennikov dans La Femme de Tchaïkovski, et l’artiste peu à peu émancipée de Showing Up de l’américaine Kelly Reichardt, les figures féminines ont doucement évolué, loin des clichés usuels de la maman et la putain.
Un beau matin de Mia Hansen Love, Stars At Noon de Claire Denis, Showing Up de Kelly Reichardt. Sorties à l’automne.
3. Certaines femmes
Cinq ans après la vague MeToo, les réalisatrices n’ont pas été invitées en masse sur la Croisette. Mais on peut se satisfaire du Grand Prix attribué à Stars at Noon de Claire Denis, odyssée intime et sensuelle d’une journaliste coincée au Nicaragua, tandis que d’autres personnages féminins ont marqué les esprits. Entre la trentenaire d’Un Beau Matin de Mia Hansen Love (jouée par Léa Seydoux) qui se redécouvre un corps pendant que celui de son père se dégrade, l’amoureuse sombrant dans la folie scrutée par Kirill Serebrennikov dans La Femme de Tchaïkovski, et l’artiste peu à peu émancipée de Showing Up de l’américaine Kelly Reichardt, les figures féminines ont doucement évolué, loin des clichés usuels de la maman et la putain.
Un beau matin de Mia Hansen Love, Stars At Noon de Claire Denis, Showing Up de Kelly Reichardt. Sorties à l’automne.
2. L’âne d’EO
En recevant son Prix du Jury ex-aequo sur la scène du Grand Théâtre Lumière, le réalisateur octogénaire Jerzy Skolimowski (Le Départ, Essential Killing) a tenu dans un moment cocasse à remercier un par un les six ânes qui ont joué dans son film, dont le personnage principal est un animal libéré d’un cirque traversant seul plaines et vallées. Projet fou, EO s’affirme tout autant comme une fable écologique subtile que comme un manifeste sur les puissances du cinéma. Témoin muet des horreurs humaines – jusqu’à une magnifique rébellion –, l’âne peut être perçu comme une métaphore du septième art, toujours debout malgré les puissances économiques qui cherchent à le diminuer. Sa fragile survie est aussi celle d’une croyance dans la beauté capable de sauver le monde.
EO de Jerzy Skolimowski. Sortie en octobre.
1. L’apocalypse à Tahiti selon Albert Serra
Le choc esthétique de Cannes 2022 est venu de l’Espagnol barré Albert Serra, qui plonge dans les eaux sublimes mais troubles de Tahiti avec Pacifiction, film de 2h45 porté par un Benoît Magimel en état de grâce, sur fond de reprise d’essais nucléaires. Il est fréquent que les jurys cannois recalent l’ambition esthétique, mais l’oubli au palmarès de cette beauté incandescente qui rappelle Twin Peaks et Miami Vice peut choquer. Hanté par des questions politiques liées à la colonisation, très fin dans sa description d’un microcosme politique français à l’autre bout de la planète, le film n’a rien d’un geste gratuit. On en ressort en planant, prêt à affronter toutes les nuits.
Pacifiction d’Albert Serra. Sortie à l’automne.
Le palmarès complet du 75ème Festival de Cannes
Palme d’Or : Sans Filtre de Ruben Östlund
Grand Prix ex æquo : Close de Lukas Dhont et Stars at Noon de Claire Denis
Prix Spécial 75e Festival de Cannes : Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Tori et Lokita
Prix de la mise en scène : Park Chan-wook pour Decision to Leave
Prix du jury ex æquo : Les Huit Montagnes de Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen et Eo de Jerzy Skolimowski
Prix du scénario : Tarik Saleh pour Boy from Heaven
Prix d’interprétation masculine : Song Kang-ho dans Broker de Hirokazu Kore-eda
Prix d’interprétation féminine : Zar Amir Ebrahimi dans Holy Spider d’Ali Abbasi
Caméra d’or : War Pony, de Riley Keough et Gina Gammell
Mention spéciale de la Caméra d’or : Plan 75, de Hayakawa Chie
Palme d’or du court-métrage : The Water Murmurs de Jianying Chen.