19 juin 2020

Bob Dylan revient avec son premier album original depuis 8 ans

Vendredi sortait le 39e album de la légende Bob Dylan, intitulé “Rough and Rowdy Ways”. Alors que le musicien n’avait plus sorti de chansons originales depuis “Tempest” en 2012, l’opus est un événement à marquer d’une pierre blanche.

Alors qu’il vient de fêter son 79e anniversaire, le chanteur américain est plus que jamais au cœur de l’actualité musicale. À la plus grande surprise de son public – qui n’avait pas entendu de chansons originales de sa part depuis des années –, il a sorti en avril deux titres inédits : Murder Most Foul et I Contain Multitudes. Sur fond de nostalgie et d’oraison funèbre, le musicien rendait hommage à ses plus grandes inspirations. Le 5 mai, le journal britannique The Guardian annonçait par ailleurs la mise en vente de paroles inédites écrites par le chanteur à l’époque de son mythique album Blonde on Blonde (1966). Enfin, ce dernier avait annoncé en mai la sortie de son nouvel opus avec le single, False Prophet. Sorti vendredi, plus poétique que jamais, Rough and Rowdy Ways signe le grand retour du roi de la folk.

 

Bob Dylan, Un retour en majesté

 

En 2016, Bob Dylan obtient le Prix Nobel de littérature“pour avoir créé de nouvelles expressions poétiques dans la grande tradition de la chanson américaine”. Génie de l’écriture et voix de velours, le musicien aux vies multiples réinvente ici l’image de prophète qu’il s’est construite dès 1964 avec son titre The Times They Are a-Changin. Aujourd’hui aussi sage que rebelle, Bob Dylan peut s’enorgueillir de sa vieillesse, sa voix s’étant bonifiée comme un beau vin de garde ou, dans son cas, un vieux bourbon. False Prophet s’ouvre d’ailleurs sur ces mots : “Je suis le dernier des grands/ Vous pouvez enterrer les autres”, comme si, avec un narcissisme non dissimulé, l’artiste venait avec cet album refermer la boucle de son succès. Et si ces paroles peuvent sembler arrogantes, il ne coute rien de rappeler qu’elles couronnent tout de même le parcours colossal de celui qui, depuis les années 60, s’est érigé en tant que chroniqueur esthète des États-Unis. Porteur de calme au milieu de toutes les fureurs de son époque, Bob Dylan prouve ici qu’il est aujourd’hui encore, un musicien indispensable.

 

The Freewheelin’ Bob Dylan (1963), Blonde on Blonde (1966), Nashville Skyline (1969), Modern Times (2006) … les succès de Bob Dylan sont trop nombreux pour être tous énumérés. Rough and Rowdy Ways s’ajoute simplement à la liste des meilleurs albums de l’artiste. Entre ballades amoureuses, blues, méditations et hymnes religieux, l’opus résonne presque comme un testament, recueillant tous les styles, toutes les casquettes de l’artiste. Accompagné de guitare, de piano ou d’accordéons, celui qui se dit être un “philosophe pirate” brille aussi bien dans le murmure que la clameur, la berceuse ou les transes contemplatives. Simples mais puissants, les morceaux puisent leur force dans un minimalisme délicat, à l’instar de Black Rider – 5e titre de l’album – où la voix désormais rocailleuse de Bob Dylan répond à quelques accords plaqués avec douceur.

Une célébration des fantômes du siècle dernier

 

Si l’on peut voir se dessiner un esprit commun à tous les titres de l’album, c’est bien celui d’une âme endurcie qui semble avoir tout vu et tout vécu. Avant tout, l’opus rend de nombreux hommages à des êtres disparus, tels John F. Kennedy, John Lee Hooker, Nat King Cole, ou encore… Anne Frank. Toutes les inspirations et les histoires du musicien s’invitent dans ses ballades, formant une fresque foisonnante, à l’image de la carrière de ce dernier. Dans le très beau I Contain Multitudes, Bob Dylan évoque toutes ses vies, citant aussi bien la guerre civile irlandaise que le poète Edgar Allan Poe, William Blake, Indiana Jones et les Rolling Stones. Un éclectisme parfois surprenant, qui ne fait que rajouter du mystère à la légende.

 

Si Rough and Rowdy Ways est donc empreint de nostalgie, il fait aussi écho à l’actualité politique de l’Amérique, où le mouvement Black Lives Matter connaît en ce moment une forte reviviscence. Connu notamment pour ses protest songs (chansons protestataires), le chanteur avait déjà dénoncé le racisme systémique, notamment avec son morceau Hurricane (1974), dédié au boxeur noir américain Rubin Carter, accusé à tort du meurtre de trois personnes en 1966. Aujourd’hui, à travers la chanson Murder Most Foul, longue de 17 minutes, Bob Dylan évoque l’assassinat de John F. Kennedy, tout en décrivant l’évolution de la contre-culture américaine des années 60. Même s’il se défend d’être un “faux prophète”, le musicien peut se vanter d’avoir toujours un regard éclairé sur le monde qui l’entoure. À 79 ans, il signe ici l’une de ses plus belles réussites. Et, alors que l’on sait que Murder Most Foul est parvenu à se classer numéro 1 des ventes aux États-Unis – une première pour l’artiste –, il n’est pas incongru de célébrer la renaissance inattendue du musicien. Un come back que Bob Dylan devrait honorer avec une énième tournée, si le contexte de la crise sanitaire le permet.

 

 

Rough and Rowdy Ways – Bob Dylan. Disponible sur toutes les plateformes de streaming.