Des fans de K-pop ruinent un meeting de Trump
Ce samedi 20 juin, Donald Trump donnait son premier rassemblement post-COVID-19 à Tulsa, dans la course pour sa réélection à la Maison Blanche. Pourtant, malgré le million de réservations annoncées, ses partisans n’étaient pas au rendez-vous. Des adolescentes fan de K-pop se vantent d’avoir ruiné l’évènement…
Par Lolita Mang.
Tour of empty seats. #TrumpRally pic.twitter.com/UNPDHl43kG
— Stephen Rodrick (@stephenrodrick) June 20, 2020
“Les millenials sont la génération la plus intelligente et la plus instruite qui ait jamais existé”. Ainsi titrait la revue britannique The Economist en 2017, brossant le portrait d’une génération engagée, celle des millenials (nés autour de l’année 2000). Ayant donc entre 15 et 25 ans, les millenials envahissent les bancs de l’université, toujours plus nombreux que les générations précédentes à poursuivre des études supérieures. Mais ce n’est pas tout : première génération à être née avec l’avènement d’Internet et des réseaux sociaux, celle-ci en maîtrise les tenants et les aboutissants comme personne.
Le renversement du mythe de la groupie
L’une des communautés les plus nombreuses et actives sur Internet aujourd’hui est celle des fans de K-pop. Cette pop venue de Corée du Sud occupe le top des charts du monde entier depuis bientôt une décennie, et ses idoles ont été adoubées par la scène musicale internationale : clips colorés, boys band soudés et chorégraphies bien calibrées alimentent la recette d’un succès bien ficelé. Industrie pharaonique, l’univers de la K-pop est loin d’avoir terminé son règne sur la musique, comme en témoigne ses millions de fans à travers le monde.
Essentiellement composé d’adolescentes, le public des groupes de K-pop correspond donc exactement aux jeunes qui constituent la génération millenial. Elles participent de fait activement au succès de leurs idoles en partageant quotidiennement des vidéos de concerts, des clips, ou encore des fancams (vidéo d'une célébrité prise par un fan). Twitter, Instagram, Snapchat et TikTok font partie des plateformes privilégiées pour publier ces contenus. Mais contrairement au cliché bien sexiste de la groupie, qui a la vie dure, ces adolescentes sont parallèlement très engagées, et n’hésitent pas à utiliser leurs comptes pour mener des actions politiques.
i did it but i was makin random noises while doin it idk y sry pic.twitter.com/hUTRPXmT1v
— ⟭⟬fish ⁷⟬⟭ bIm (@JOONSimmer) May 31, 2020
Anti-police, anti-racisme, anti-Trump
Suite à la mort de George Floyd, assassiné par la police de Minneapolis le 26 mai dernier, le mouvement Black Lives Matter connaît une résurgence sans précédent. Une vague de mobilisation a envahi le web, à laquelle les fans de K-pop ont largement pris part. Celles-ci ont participé à des levées de fonds astronomiques – plus d’un million de dollars en une journée –, en plus de massivement relayer les informations liées au mouvement, ainsi qu’à noyer les hashtags racistes en postant des memes et des vidéos de leurs idoles. Maîtrisant les nouvelles technologies comme nul autre, elles sont également parvenu à faire planter une application mise au point par la police de Dallas, visant à “signaler les activités illégales des manifestants”.
Mais la puissance de frappe des fans de K-pop ne s’arrête pas là. Celle-ci a même les moyens de s’en prendre directement à Donald Trump, tout en mêlant ruse, finesse et humour. Le soir du 20 juin, l’actuel président des États-Unis inaugurait sa campagne pour les prochaines élections présidentielles – prévues pour novembre 2020 –, avec un rassemblement organisé à Tulsa, en Oklahoma (centre des États-Unis). Son équipe se vantait alors d’avoir vu les chiffres de réservations exploser, dépassant le million. Pourtant, l’heure du meeting arrivée, le stade du Bok Center, d’une capacité de 20 000 places affiche de nombreux sièges vides… Les pompiers dénombrent seulement 6 200 spectateurs.
@maryjanebrain ##duet with @indiefilmprotagonist##greenscreen
L’humour comme arme politique
S’il est impossible d’évaluer précisément les causes d’un tel désistement, de nombreuses adolescentes affirment avoir saboté l’évènement en réservant des places sans avoir l’intention de s’y rendre. L’opération aurait débuté une semaine avant ledit meeting, grâce à une campagne sur TikTok et Snapchat. Certaines se sont même filmées en train de danser la Macarena devant une capture d’écran de leur réservation. Le directeur de campagne de Donald Trump, Brad Parscale, a refusé d’approuver ce mouvement comme la cause de l’échec du rassemblement. Sur Twitter, il accuse plutôt des “manifestants radicaux” présents sur place, ainsi qu’une “semaine de couverture médiatique apocalyptique”.
L’engagement politique des fans de K-pop n’est en rien une surprise, comme le précise Michelle Cho, enseignante-chercheuse à l’université de Toronto, au Canada : “Les groupes de fans de K-pop sont principalement composés de personnes non blanches, considérablement queer, et très présentes sur les réseaux sociaux. La sensibilisation aux questions raciales et culturelles fait partie des caractéristiques principales autour desquelles tournent les conventions de fans comme la KCON” a-t-elle écrit sur Twitter.