22 juil 2020

Qui était Emitt Rhodes, le musicien adulé par Wes Anderson et Mac DeMarco

Figure mystérieuse de la pop folk des années 70, adulé par Wes Anderson et Mac DeMarco, Emitt Rhodes s’est éteint le 19 juillet dernier à l’âge de 70 ans. Fréquemment comparé à Paul McCartney, le musicien a démarré sa carrière en 1966 au sein du groupe de rock psychédélique The Merry-Go-Round, puis enregistré quelques albums solo avant de connaître des heures plus sombres. Reclus dans sa petite maison du comté de Los Angeles, vivant déconnecté du monde moderne, Emitt Rhodes a été sorti de sa torpeur par un jeune producteur enthousiaste avec qui il a produit “Rainbow Ends” – un album incroyable composé de pépites folk retravaillées avec des musiciens de la nouvelle génération. Retour sur le jour où le multi-instrumentiste surnommé le “One Man Beatles” est sorti de son silence après 43 ans d’absence.

Impossible de raconter la musique d’Emitt Rhodes sans évoquer les ballades pop des Beatles et la voix douce amère de Paul McCartney. Fréquemment comparé à son idole – qu’il n’a malheureusement jamais rencontré – Emitt Rhodes a démarré sa carrière à l’âge de 16 ans en tant que batteur pour le groupe de rock psychédélique The Merry-Go-Round avant d’en devenir le chanteur et de lancer sa carrière solo avec quatres albums The American Dream et Emitt Rhodes en 1970, Mirror en 1971 et Farewell to Paradise en 1973 – un contrat mal négocié avec sa maison disque (ABC/Dunhill Records) l’obligeant à produire un album tous les 6 mois. Un délais intenable, surtout lorsque l’on sait qu’Emitt Rhodes enregistre et produit ses morceaux en solitaire, jouant de la batterie, du saxophone, du piano, de la guitare et mixant sa voix dans un studio aménagé au fond du jardin de ses parents. Un travail minutieux de multi-instrumentiste qui lui a valu plus tard le surnom de “One Man Beatles” tant ses morceaux parviennent à capter l’essence du groupe mythique originaire de Liverpool

 

 

Pourtant promis à une immense carrière, Emitt Rhodes ne deviendra jamais “plus célèbre que Jésus”. Ruiné par sa maison de disques qui lui réclame 50 000 dollars de dommages et intérêts pour non-respect de son contrat, le musicien originaire de l’Illinois est forcé de mettre un terme à sa carrière à seulement 21 ans et commence à travailler comme ingénieur du son pour le label Elektra Records. Avant que d’importants problèmes de santé, deux divorces et l’éloignement avec ses enfants ne le plongent dans une longue période de dépression.

 

Si Wes Anderson a utilisé sa comptine Lullaby pour accompagner les tribulations de Ben Stiller, Gwyneth Paltrow et Luke Wilson dans La Famille Tenenbaum en 2001 et qu’un réalisateur italien, Cosimo Messeri, a traversé l’Atlantique pour lui consacrer un documentaire en 2009 (One Man Beatles), Emitt Rhodes est peu à peu tombé dans l’oubli. Compilé la même année par la maison de disques Hip-O Select, The Emitt Rhodes Recordings (1969-1973) sonne déjà comme l’album posthume d’une carrière qui n’aura duré que 4 ans. Pendant ce temps là, le vieux musicien vit reclus dans une petite maison du comté de Los Angeles, en Californie, sans téléphone portable ni connexion internet. Seule sa passion pour les mathématiques et ses journées à observer les écureuils et les oiseaux l’aident à tenir. Lorsqu’il oublie son insuline, le chanteur atteint de diabète se retrouve parfois gisant sur le sol. 

 

 

Comme dans le documentaire oscarisé Searching for Sugar Man [2012] – dans lequel deux fans du chanteur Sixto Rodriguez suivent la trace de leur idole qui, ignorant être une superstar dans une autre contrée, vit en ermite au nord des États-Unis – l’histoire d’Emitt Rhodes connaît un sursaut inespéré le jour où Chris Price, un jeune producteur de 32 ans basé en Floride décide d’aller toquer à la porte du musicien qu’il écoute depuis toujours. De bonne humeur, l’auteur de Somebody Made For Me et With My Face On The Floor écoute ses propositions et accepte de travailler avec lui après avoir décliné plusieurs fois. 

 

 

Habitué à couper ses bobines d’enregistrements avec une lame de rasoir, le chanteur de folk oublié découvre le logiciel de montage numérique Pro Tools, sur lequel travaille son jeune producteur. Lors des sessions d’enregistrement de “Rainbow Ends” (sorti en 2016) il est aussi amené à travailler avec des musiciens talentueux de la nouvelle génération comme Jason Falkner, Jason Brion (qui travaille avec Kanye West, Mac Miller mais aussi Paul Thomas Anderson et Michel Gondry) ou encore Bleu (membre du groupe de l’ex-Beach Boys Brian Wilson, qui a également produit des morceaux pour Selena Gomez ou Demi Lovato).

 

43 ans après la sortie de son dernier album, l’oreille, la technique et le sens de la mélodie d’Emitt Rhodes restent intacts. “Rainbow Ends” est un bijou composé de ballades folk à l’image de l’histoire de son créateur : sensibles et surprenantes. Ses anciennes bandes d’enregistrements ayant été détruites dans l’incendie qui a ravagé les entrepôts du label Universal Music en 2008 – compliquant la réalisation d’un éventuel album posthume – “Rainbow Ends” devrait être le dernier projet estampillé du nom du “One Man Beatles”, décédé ce dimanche 19 juillet à l’âge de 70 ans. De nombreux artistes comme Paul Schrader, scénariste de Martin Scorsese, ou le chanteur canadien Mac DeMarco, qui citait Emitt Rhodes comme l’une de ses principales sources d’inspirations lors de l’enregistrement de Salad Days en 2014 ont souhaité lui rendre hommage sur les réseaux sociaux : “Repose en paix Emitt, et merci pour ta musique !”.

 

 

Rainbow Ends (2016) d’Emitt Rhodes, disponible [Omnivore].