Chanteur

MC Solaar

C’est le maître des maîtres du rap français : toutes les musiques de MC Solaar (de son vrai nom Claude M’Barali) ont été un succès depuis ses débuts dans les années 1990. Né en 1969, il se fait connaître à l’âge de 21 ans grâce à son premier single Bouge de là, dont le succès est tel qu’il se produira en première partie du groupe américain De La Soul à l’Olympia l’année suivante. Dès lors, MC Solaar enchaîne les réussites : son premier album Qui sème le vent récolte le tempo (1991) et son deuxième, Prose combat (1994), sont primés disque et double-disque de platine, de même pour son 6e, son 8e… et enfin son dernier, Géopoétique, sorti en 2017 après dix ans d’absence. Une carrière émaillée de triomphes, unique dans le paysage du rap français : car si le chanteur doit sa réussite à ses textes poétiques et rythmés, il s’inscrit totalement à contre-courant des autres rappeurs de sa générations comme le duo de rappeurs NTM ou encore Tupac aux États-Unis, dont les chansons visent à interpeler l’opinion publique quitte à la choquer.

Publié le 23 août 2022. Modifié le 20 juillet 2025.

MC Solaar, des bancs de la fac aux studios, récit d’une ascension

Né à Dakar, au Sénégal, MC Solaar – de son vrai nom Claude M’Barali – voit le jour en 1969. Rapidement, sa famille quitte le pays pour fuir les tensions politiques qui secouent le Tchad, leur terre d’origine. Le jeune Claude grandit alors en région parisienne, au cœur des quartiers populaires. Ce déracinement précoce, pourtant douloureux, l’ancre dans une réalité multiculturelle qui nourrit profondément son regard sur le monde. Très tôt, il développe une passion singulière pour les mots, qu’il savoure comme d’autres dégustent la musique. Bien qu’il vive dans un environnement modeste, il cultive avec constance son goût pour la langue française, les livres et la réflexion.

Des bancs de la fac aux micros parisiens

Pendant ses études à l’université de Jussieu, où il suit un cursus en langues et philosophie, il affine ses outils d’analyse. Mais surtout, il commence à jouer avec le verbe. À cette époque, Radio Nova devient son premier tremplin. Grâce à ses freestyles, il se fait remarquer par plusieurs collectifs underground. Il rejoint alors Posse 501, un groupe de jeunes artistes issus du Val-de-Marne, déterminés à faire entendre une voix nouvelle dans le hip-hop français.

Son écriture, nourrie par ses lectures et sa curiosité insatiable, se distingue rapidement. Contrairement à d’autres, il refuse les clichés. Il privilégie la poésie, les jeux d’esprit, et les références littéraires. Cette exigence intellectuelle ne l’éloigne pas du public. Bien au contraire. En 1990, il signe « Bouge de là », un morceau construit autour d’un sample de Cymande. Le succès est immédiat. Le titre grimpe en tête des charts et propulse MC Solaar sur le devant de la scène nationale.

L’année suivante, « Caroline », ballade amoureuse à la plume mélancolique et élégante, confirme son talent. Le morceau devient emblématique. Il touche un public large, bien au-delà des frontières du rap. Grâce à ce style unique, MC Solaar impose une esthétique nouvelle. Il incarne un rap érudit, sensible et profondément ancré dans la langue française. Ses textes, ciselés comme des poèmes, révèlent une intelligence rare du rythme et du verbe.

Une carrière internationale, entre poésie et modernité

Son premier album, « Qui sème le vent récolte le tempo », sort dans la foulée. En studio, il invite plusieurs rappeurs croisés dans le métro, le RER ou lors de soirées sound system. Cette démarche, qu’il évoque dans une interview pour Numéro, reflète sa volonté de rester proche du réel. Il cherche à créer un mélange vivant, authentique, à la fois populaire et sophistiqué. Grâce à cette approche, il gagne la reconnaissance du milieu rap, mais aussi des médias plus généralistes.

Très vite, il entame des tournées en Afrique de l’Ouest, en Russie, mais aussi dans toute l’Europe. Son rayonnement dépasse les frontières françaises. En parallèle, il multiplie les collaborations artistiques. En 1993, il enregistre « Le bien, le mal » avec le rappeur américain Guru, membre du duo Gang Starr. Ce projet, salué par la critique, renforce son aura internationale. Trois ans plus tard, il interprète « Un jour » avec Ophélie Winter, pour la bande originale du film Le Bossu de Notre-Dame produit par Disney. À cette époque, il partage aussi la vie de la chanteuse. Ces expériences confirment son identité à part. MC Solaar navigue avec aisance entre les univers.

Il passe du rap aux bandes-son de films, sans jamais perdre sa ligne poétique. En France, il devient une figure respectée, capable de réunir amateurs de hip-hop et amoureux de littérature. Son œuvre, à la fois fluide et exigeante, traverse les décennies sans vieillir.

Aujourd’hui encore, MC Solaar incarne une forme rare de dignité artistique. Il n’a jamais cédé à la mode ni au sensationnalisme. Il reste fidèle à sa langue, à sa voix, et à cette profondeur qui fait de lui un véritable poète urbain.

MC Solaar versus Universal Music

Au sommet de sa gloire, MC Solaar entre en conflit avec sa maison de disques Polydor (filiale du groupe Universal Music) en 1997 concernant la sortie de son troisième album, qu’il envisage comme un double album, mais que la production publiera en deux temps : Paradisiaque (1997) et MC Solaar (1998). L’affaire est portée en justice par l’artiste, qui obtient gain de cause au bout de quatre années de procès. Dès lors, le contrat liant MC Solaar à la maison de disques est rompu. Polydor se voit interdire d’exploiter les trois premiers albums de l’artiste, mais MC Solaar lui-même perd les droits de commercialiser ses chansons.

Depuis cette décision de justice, les albums Qui sème le vent récolte le tempo (1991), mais aussi Prose Combat (1994) – pour lequel MC Solaar a pourtant obtenu deux Victoires de la musique, celles d’Artiste interprète masculin de l’année et de Meilleur clip vidéo (avec le titre Nouveau Western) –, et enfin Paradisiaque (1997) sont restés introuvables dans les bacs et n’ont jamais été diffusés sur les plateformes de streaming. Ce n’est que le 9 juillet 2021 que leur réédition a été annoncée, au grand bonheur des fans de rap français. Ces démêlés juridiques n’ont pas empêché MC Solaar de poursuivre sa route pavée d’étoiles. En concert à l’Oympia le 11 mai 1998, il enregistre son premier album live Le Tour de la question (qui deviendra double-disque d’or). La même année, il reçoit la Grand médaille de la chanson française par l’Académie française. Sa renommée n’est plus à faire.