Cannes 2023 : Jeanne du Barry ouvre le festival et divise
Jeanne du Barry, le film de Maïwenn, a ouvert ce mardi 16 mai 2023 un Festival pléthorique, où le meilleur du cinéma mondial se dévoile intensément.
par Olivier Joyard.
Placer en ouverture du Festival de Cannes Jeanne Du Barry, un film situé à la cour du roi de France, en l’occurrence Louis XV, dernier monarque français décédé de mort naturelle… Une légère ironie a pu être perçue par certains ce mardi soir dans le Grand Théâtre Lumière, alors que nous traversons des temps politiques troublés. D’autant que Johnny Depp incarne ce roi dans le film de Maïwenn. Un parfum de scandale a donc flotté hier sur la Croisette, qui a réagi en habituée des polémiques en tous genres, en faisant comme si tout allait bien, madame la Marquise.
C’est donc bien la 76e édition du Festival de Cannes qui commence, en pleine guerre d’Ukraine, trois ans après les premiers confinements et quelques jours après la lettre d’Adèle Haenel annonçant son retrait du cinéma pour raisons politiques. La fête continue, avec une sélection pléthorique, des accrédités proche de la jauge maximale (et donc du burn out), vingt et un premiers films, quelques grands auteurs comme Martin Scorsese qui vient présenter samedi Killing Of The Flower Moon, son vingt-septième long-métrage emmené par Leonardo Di Caprio, Brendan Fraser et Al Pacino, des abonnés attendus par les cinéphiles (Todd Haynes, Nanni Moretti, Aki Kaurismäki, Wes Anderson, Nuri Bilge Ceylan, Wim Wenders, Marco Bellochio), un contingent féminin imposant et prometteur (Alice Rohrwacher, Justine Triet, Jessica Hausner, Catherine Breillat, mais aussi la jeune franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy), feue la Quinzaine des réalisateurs rebootée en Quinzaine des cinéastes, pour marquer l’inclusivité d’un monde nouveau, un jury rajeuni présidé par le double palmé Ruben Östlund…
Au cœur de cette foire aux vanités diverses et variées, il reste toujours les films, piliers d’une expérience presque surnaturelle. En une bonne dizaine de jours se croisent et se catapultent des propositions venues de tous les horizons géographiques et esthétiques. On observera la vie d’un atelier de confection chinois, scruté par le grand documentariste Wang Bing dans Jeunesse (Compétition), une expérience de 3h30 qui est autant un commentaire sur le monde tel qu’il va qu’une fascinante chanson de gestes. On prendra une dernière louche (a priori) du héros au chapeau incarné par Harrison Ford dans Indiana Jones et le cadran de la destinée, réalisé par l’intéressant James Mangold (Copland, Walk The Line). On verra aussi le film posthume de Jean-Luc Godard intitulé Film annonce du film qui n’existera jamais : « Drôles de guerres », produit par Saint Laurent.
La première mondiale de Jeanne du Barry, le sixième long-métrage de Maïwenn
Parmi des centaines de projections, la première fut donc celle de Jeanne Du Barry, le sixième long-métrage de Maïwenn. Le film décrit l’ascension de la future favorite du roi venue du peuple, incarnée par la réalisatrice. Malgré les obstacles qui se dressent sur son chemin – rivalités, mépris de classe, jalousies -, la courtisane se fait sa place dans le grand monde. Le film garde un déroulement très classique qui l’empêche parfois de déployer ses qualités, notamment le portrait d’une femme dont la réussite se fait au prix d’un isolement radical, un vrai sujet contemporain. Ce que veut mettre en scène Maïwenn, c’est aussi l’éternelle résistance de la passion amoureuse confrontée à l’ordre social. Son film, de ce point de vue, manque un peu de souffle et reste littéral dans ses effets – voix-off, scènes descriptives. L’ensemble, pourtant, possède un certain charme, grâce à un casting réussi. Maïwenn déploie une forme de séduction triste assez fine dans le rôle de Du Barry, Johnny Depp convainc en monarque fatigué et perruqué, tandis que Benjamin Lavernhe s’amuse manifestement beaucoup en premier valet du roi devenu le seul allié de l’héroïne.
Jeanne du Barry (2023) de Maïwenn (Hors Compétition)