28 juin 2023

Les 15 expositions à voir cet été dans le sud de la France, de Martha Wilson à George Condo

Les métamorphoses de Martha Wilson au Frac Sud, les toiles iconoclastes de George Condo à Monaco, la réouverture du [mac] à Marseille ou encore l’inauguration de la Fondation Thalie à Arles… En ce début d’été, Numéro a parcouru le sud de la France pour y sélectionner 15 expositions à voir absolument.

1. Les métamorphoses de Martha Wilson au Frac Sud

 

Encore aujourd’hui, les stéréotypes féminins ont la peau dure. Pourtant, depuis cinquante ans, l’Américaine Martha Wilson s’emploie à les questionner voire les tourner en dérision dans ses œuvres – photographies, vidéos et performances – souvent enrobées d’un humour sarcastique. En se grimant tantôt en femme au foyer des années 50, tantôt en reine disco des pistes de danse, en l’archétype de la lesbienne ou de la femme d’affaires, ou encore plus récemment en Donald Trump en pleine campagne présidentielle, l’artiste s’est affirmée comme l’une des grandes figures de l’art féministe, du pastiche et de la métamorphose, sillon dans lequel se sont inscrites ensuite des femmes telles que Cindy Sherman, dont la notoriété a depuis dépassé son aînée. Après avoir présenté son travail au Centre Pompidou fin 2021, cette précurseuse connaît (enfin) sa première grande exposition monographique au Frac Sud à Marseille, qui réunit ses travaux réalisés entre 1972 et 2022.

 

Martha Wilson, “Invisible – Works on Aging (1972-2022)”, du 1er juillet 2023 au 4 février 2024 au Frac Sud – Cité de l’art contemporain, Marseille.

2. L’odyssée poétique de Thu-Van Tran au MAMAC

 

Plantes tropicales moulées dans le bronze, stèles d’un temple boudhiste, ou encore paysages hallucinés peints à l’aide de caoutchouc projeté sur les murs… Quels que soient les supports et techniques, l’œuvre de Thu-Van Tran évoque les deux thématiques qui lui sont chères : le rapport sacré à la nature et les stigmates de la colonisation dans le pays dont sa famille est originaire, le Vietnam. Si l’on avait déjà pu apercevoir son travail au Crédac et aux Abattoirs à Toulouse, ou encore, plus récemment, au sein d’une exposition collective de la Bourse de commerce, l’artiste franco-vietnamienne basée à Paris est désormais à l’affiche d’une exposition d’envergure muséale au MAMAC, à Nice. Dans un parcours déployé sur 1000 mètres carrés, elle convie les visiteurs dans une odyssée poétique où ils croiseront les ruines de civilisations déchues, des fragments d’une flore réelle et les visions vibrantes d’une nature fantasmée.

 

Thu-Van Tran, “Nous vivons dans l’éclat”, jusqu’au 1er octobre 2023 au MAMAC, Nice.

3. La peinture iconoclaste de George Condo à Monaco

 

Outre-Atlantique, George Condo fait indéniablement partie des stars de l’art contemporain. Mais dans l’Hexagone, le sexagénaire américain est bien moins connu, rarement présenté dans les institutions hors des grandes galeries internationales. Pourtant, l’Américain de 65 ans cite explicitement les grandes figures de l’art occidental, de Picasso à Matisse en passant par Arcimboldo, dans des toiles loufoques mettant aussi bien en scène des jeunes femmes dénudées que des animaux cartoonesques et autres personnages issus de la pop culture. Une pratique iconoclaste, définie parfois par l’artiste comme “cubisme psychologique”, à laquelle le Nouveau Musée national de Monaco consacre une exposition en six chapitres enrichis de toiles inédites. L’occasion de rappeler également l’histoire du peintre avec la principauté : en 2000, George Condo réalisait les costumes et la scénographie d’un spectacle interprété par les Ballets de Monte-Carlo.

 

George Condo, “Humanoïdes”, jusqu’au 1er octobre 2023 à la Villa Paloma, Nouveau Musée National de Monaco, Monaco.

4. Le boudoir sulfureux de Zoe Williams à la Friche

 

Si l’œuvre de Zoe Williams était un péché capital, celui-ci serait la gourmandise… ou la luxure. Mêlant céramique, la performance, la vidéo et l’installation, l’artiste britannique compose dans l’espace des tableaux souvent orgiaques aux airs de corne d’abondance, mettant tous les sens à l’épreuve. À la Friche la Belle de Mai, son exposition personnelle réalisée avec l’association Fræme invite dans un étrange boudoir où de grands rideaux soyeux encadrent lit douillet et lingerie fine, photographies intimes et sculptures aux formes suggestives. Afin de compléter cette immersion sensorielle dans un écrin de plaisir, l’artiste a également commandé pour l’occasion une bande sonore originale au musicien Vindicatrix et deux fragrances avec la parfumeuse Carole Calvez, et invité des jeunes femmes à s’approprier ce décor lors d’une performance le soir du vernissage. Une mise en scène où désir et excès dominent, définissant les contours de nouveaux espaces de résistance.

 

Zoe Williams, “Fondant”, une proposition de Fræme, jusqu’au 24 septembre 2023 à la Friche La Belle de Mai, Marseille.

5. Le théâtre engagé de Carrie Mae Weems à LUMA Arles

 

Ses photographies de familles noires assises autour d’une simple table de cuisine ont fait le tour de la planète. En se mettant dans la peau de divers personnages dans cet environnement domestique, Carrie Mae Weems a attiré l’attention sur la construction de l’identité féminine et noire dans l’intimité du foyer à l’orée des années 90. Au-delà de cette Kitchen Table series, qui a assuré sa notoriété, l’artiste américaine née en 1953 n’a cessé d’utiliser l’image et sa mise en scène pour aborder des problématiques socio-culturelles reliées au genre, à la classe sociale, et bien sûr, aux personnes issues du continent africain et de sa diaspora. À LUMA Arles, l’artiste explore l’histoire de son pays et notamment des luttes raciales des dernières années à travers une grande installation théâtrale mêlant des techniques historiques de mise en scène, telles les dioramas et autres illusions d’optique.

 

Carrie Mae Weems, “Shape of things”, actuellement à LUMA-Arles, Arles.

6. L’île inspire les artistes à la Fondation Carmignac

 

Véritable écrin niché au cœur de l’île de Porquerolles, la Fondation Carmignac profite chaque année de la saison estivale pour inviter le public à découvrir sa collection d’art contemporain à pieds nus. Après une exposition inspirée de la figure d’Ulysse l’an passé, l’institution propose une réflexion plastique et visuelle autour de la thématique de l’île – envisagée à la fois comme espace géographique au milieu de la mer et comme espace mental isolé et préservé du monde extérieur. Pour cette proposition, le commissaire Jean-Marie Gallais a réuni les œuvres d’une cinquantaine d’artistes, entre paysages picturaux signés Peter Doig et Anna-Eva Bergman, tapisserie d’Otobong Nkanga, et même une peinture de Jean-Michel Basquiat et une sculpture d’Auguste Rodin, contribuant toutes à la définition de l’idée large et plurielle d’“l’île intérieure”.

 

“L’île intérieure”, jusqu’au 5 novembre 2023 à la Fondation Carmignac, île de Porquerolles.

7. La Grande Dame du design Andrée Putman à la Fondation CAB

 

On la surnomme la “Grande Dame du design”. Et pour cause : des années 40 à sa disparition en 2013, Andrée Putman a contribué à façonner le goût, aussi bien dans les pages des magazines de mode que les vitrines des magasins Prisunic. Mais c’est avec la création de son bureau Écart que la Française connaîtra à la fin des années 70 une notoriété internationale, en rééditant les créations de designers des années 20 tels qu’Eileen Gray et Robert Mallet-Stevens, puis en aménageant de nombreux hôtels, aéroports, bureaux et autres boutiques pour Azzedine Alaïa ou Karl Lagerfeld. À Saint-Paul-de-Vence, dans une exposition coproduite avec la Villa Noailles, la Fondation CAB met en avant le regard affûté de la créatrice en présentant des pièces des grands noms du Mouvement Moderne qu’elle a permis de redécouvrir, dans une scénographie inédite réalisée par sa fille Olivia. Où l’on retrouve l’une de ses signatures : le carrelage noir et blanc.

 

“Andrée Putman et les créateurs du mouvement moderne”, jusqu’au 29 octobre 2023 à la Fondation CAB, Saint-Paul-de-Vence.

8. La réouverture du [mac], musée d’art contemporain de Marseille

 

Inauguré en 1994 dans le huitième arrondissement de Marseille, le [mac] s’est affirmé en près de trente ans comme un lieu de référence pour les amateurs d’art contemporain. Dans sa surface de près de 3000 mètres carrés et son jardin de sculptures, l’institution a pu mettre en avant des figures majeures des soixante-dix dernières années, dans sa collection comme dans ses expositions temporaires, telles que celles consacrées à Robert Smithson, Paul Thek, Franz West mais aussi Carsten Höller, Ann Veronica Janssens, et même Tatiana Trouvé à ses débuts. Fermé en 2019 pour d’importants travaux, le musée a rouvert ses portes début avril, dévoilant son architecture transformée mais également la rénovation et le réencadrage de plusieurs dizaines d’œuvres. Depuis cette inauguration, on peut y découvrir un nouvel accrochage de sa collection permanente ainsi qu’une exposition de l’artiste italienne Paola Pivi, dont les ours colorés figés dans des scènes absurdes abordent avec humour des sujets de société.

 

Musée d’Art contemporain [mac], Marseille. Exposition de Paola Pivi, “It’s not my job, it’s your job / Ce n’est pas mon travail, c’est votre travail” jusqu’au 6 août, et exposition de la collection permanente “Parade : la collection et ses invité.e.s”.

9. Après Bruxelles, la Fondation Thalie s’étend à Arles

 

Expositions, résidences, publications ou encore projets hors les murs… Depuis près de vingt ans, la collectionneuse et éditrice Nathalie Guiot affirme son soutien à l’art contemporain sous de multiples formes, qu’elle enrichit avec la création en 2014 de la Fondation Thalie. Basée à Bruxelles, celle-ci accueille régulièrement des propositions d’artistes contemporains mais aussi d’auteurs, tandis que son cycle de conférences et podcasts “Créateurs face à l’urgence climatique” souligne son intérêt pour les questions écologiques. Cet été, la fondation belge profite de l’effusion des Rencontres d’Arles pour inaugurer sa nouvelle antenne dans la ville provençale, dans une maison historique du 18e siècle à quelques pas des arènes. On y découvre l’exposition de la jeune artiste française Jeanne Vicerial et ses créations textiles et florales immortalisées par la photographe Leslie Moquin à la Villa Médicis, ainsi que des créations in situ d’Adrien Vescovi ou Karine Rougier.

 

Jeanne Vicerial & Leslie Moquin, “Persephone”, du 3 juillet au 16 septembre 2023 à la Fondation Thalie, Arles.

10. Les vidéos grinçantes de Martine Syms au Carré d’art

 

Reconnue internationalement pour son travail de vidéaste, Martine Syms regorge d’idées pour aborder les questions d’identité et d’appartenance, de race et de genre mais aussi de l’impact du monde numérique et des réseaux sociaux, qui traversent la société d’aujourd’hui. Auteure de collages, performances, portraits intimes, podcasts et même fondatrice d’un artist-run space, la trentenaire californienne dévoilait en 2022 son long-métrage The African Desperate (2022), forme d’autofiction acclamée par la critique où l’artiste porte sur le monde l’art un regard grinçant. Cet été, le Carré d’art expose les projets antérieurs Lessons et Ugly Plymouths, composés de courtes vidéos parodiant les codes publicitaires et les sitcoms ou capturant des fragments de vie quotidienne à Los Angeles, où l’Américaine livre sa vision de la cité des anges et de l’identité noire à l’ère contemporaine.

 

Martine Syms, “Ugly Plymouths”, jusqu’au 17 septembre 2023 au Carré d’art, Nîmes.

15. L’obsession d’Anna-Eva Bergman et Hans Hartung pour l’infini et les astres
 

Depuis quelques mois, les habitants et visiteurs de Paris peuvent se plonger à corps perdu dans l’œuvre d’Anna-Eva Bergman (1909-1987) au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, enfin célébrée par la rétrospective qu’elle mérite. On y découvre toute la puissance et la poésie des toiles de la peintre norvégienne, et notamment sa passion presque mystique pour le ciel et les astres qui les illuminent de leur lumière. Un sujet exploré en profondeur dans “Cosmic Trip”, la nouvelle exposition de la Fondation Hartung-Bergman à Antibes, qui retrace la manière dont Bergman et son célèbre mari Hans Hartung (1904-1989) se sont lancés dans cette quête de l’infini, du nombre d’or aux innovations spatiales. Une obsession partagée dont les traductions plastiques ont fait émerger, chez chacun des deux artistes, une approche unique de l’abstraction.

 

“Cosmic Trip”, jusqu’au 29 septembre 2023 à la Fondation Hartung-Bergman, Antibes.

11. Les mises en abyme de Louise Lawler à la Collection Lambert

 

On les traverse parfois sans même les regarder, concentrant davantage notre regard sur les œuvres qu’on y découvre. Pourtant, les salles des musées, galeries, et autres espaces d’exposition ont toute leur importance, conditionnant la manière dont chaque objet, œuvre et artiste sera perçu et interprété. Tel est tout l’objet de la pratique de l’artiste Louise Lawler, fruit d’une grande réflexion sur sa profession et son histoire. Depuis les années 70, l’Américaine interroge en effet à travers la prise de vue les modalités de présentation et contextes spatiaux et symboliques qui légitiment ce qui fait œuvre d’art, et distinguent les bons artistes des mauvais. Proche de cette artiste conceptuelle, le grand collectionneur français Yvon Lambert présente à Avignon une vingtaine photographies réalisées par l’artiste dans sa galerie parisienne, dans son appartement et bien sûr à la Collection Lambert, son propre établissement avignonnais, ainsi que six installations, plongeant les visiteurs dans une véritable mise en abyme.

 

Louise Lawler, du 1er juillet au 15 octobre 2023. Pascale Marthine Tayou, “Petits riens”, du 1er juillet au 19 novembre 2023 et Eva Jospin, “Contre-Monde”, du 1er juillet au 17 septembre 2023 à la Collection Lambert, Avignon.

12. La Jamaïque fantasmée et farfelue du duo Mrzyk & Moriceau

 

La réalisation de clips pour Justice et Sébastien Tellier, la création de tickets pour le tram de Brest, ou d’une application pour iPhone, publication de bande-dessinées et expositions dans les plus grandes institutions d’art contemporain, du LACMA à Los Angeles au MAMCO à Genève… Le CV de Mrzyk & Moriceau est aussi original qu’impressionnant, malgré leur discrétion. Le couple formé par Jean-Francois Moriceau and Petra Mrzyk s’est en effet distingué depuis le début des années 2000 par ses dessins amusants et absurdes, dont le style graphique lisse et enfantin n’est pas sans appuyer le côté irrévérencieux. C’est au Mrac Occitanie que l’on peut cet été découvrir plus de 500 dessins, mais aussi panneaux peints et céramiques, livrant une restitution fantasque de leur résidence en Jamaïque à travers pléthore de personnages et objets farfelus.

 

Mrzyk & Moriceau, “Meilleurs Vœux de la Jamaïque” et John Armleder, “Yakety Yak”, jusqu’au 24 septembre 2023 au Mrac Occitanie, Sérignan.

13. À Montpellier, l’exposition “Scabs” donne à la croûte ses lettres de noblesse

 

On n’imaginerait pas que la croûte puisse faire l’objet d’une exposition d’art contemporain. Et pourtant : dans l’espace Mécènes du Sud de Montpellier, l’exposition “Scabs”, imaginée par la curatrice Madeleine Planeix-Crocker, assume de prendre comme point de départ ce sujet pour le moins insolite – si ce n’est repoussant. Car au-delà des croûtes, cette proposition explore ces fragments organiques qui restent en surface et font détourner le regard, ces cicatrices traduisant des douleurs taboues, ces stigmates d’une existence hors normes voire ces manifestations extérieures de réalités intimes que l’on souhaiterait ignorer. Pour incarner ces “portails” vers un monde caché voire refoulé, les œuvres de sept artistes contemporains ont été réunies, entre un poème de CAConrad, des sculptures en résine de Tarek Lakhrissi, des vidéos de Ndayé Kouagou ou encore une installation textile d’Ève Gabriel Chabanon, où l’artiste cultive des champignons sur des vêtements recyclés.

 

“Scabs”, avec CAConrad, Ève Gabriel Chabanon, Mimosa Echard, HaYoung, Ndayé Kouagou, Tarek Lakhrissi et Tai Shani à Mécènes du Sud, Montpellier.

14. Cinq peintres explorent la solitude contemporaine à Lee Ufan Arles

 

Au printemps 2022, la fondation Lee Ufan Arles ouvrait ses portes dans un hôtel particulier en plein cœur de la ville avec pour ambition de montrer le travail du célèbre artiste coréen et encourager ses dialogues avec la France et son paysage artistique. Après un premier accrochage centré sur les peintures et sculptures de l’octogénaire, Lee Ufan Arles accueille sa première exposition collective “Figures seules”, sur une proposition de Philippe Dagen. Inspiré par la grande place accordée au vide dans l’œuvre de Lee Ufan, le critique d’art et journaliste au Monde y réunit les œuvres de cinq peintres traduisant le sentiment de solitude contemporaine, des toiles de Djamel Tatah et Tim Eitel représentant des êtres perdus dans de vastes aplats colorés aux scènes domestiques de Brigitte Aubignac, dont les décors intérieurs appuient le sentiment d’isolement, en passant par les œuvres d’Ymane Chabi-Gara centrées sur les hikikomoris – ces individus volontairement coupés du monde, souvent confinés dans leur chambre à coucher.

 

“Figures Seules”, avec Brigitte Aubignac, Ymane Chabi-Gara, Marc Desgrandchamps, Tim Eitel et Djamel Tatah, Espace MA, Lee Ufan Arles.