
6
Suzanne Lindon
Née le 13 avril 2000, Suzanne Lindon aurait pu n’être qu’un nom de plus dans une généalogie prestigieuse. Mais à la croisée du théâtre classique et du cinéma d’auteur, elle échappe aux déterminismes familiaux pour écrire, cadrer, interpréter. À seulement vingt ans, elle signait Seize Printemps, poème visuel d’une adolescence suspendue. Depuis, elle trace une œuvre délicate et affirmée, entre exploration intime et quête d’indépendance artistique.

Suzanne Lindon dans le film La venue de l’avenir © STUDIOCANAL © Emmanuelle Jacobson Roques
Les débuts de Suzanne Lindon
Il est des présences qui s’imposent sans fracas, mais dont le sillage redessine le paysage. Suzanne Lindon surgit avec Seize Printemps comme on entrouvre un journal intime. Sans emphase, sans effets, simplement armée d’une caméra, de quelques mots épurés, et d’un regard : le sien, déjà assuré. C’est ainsi que commence sa carrière dans le cinéma français : dans le murmure plutôt que dans le tumulte, avec une écoute rare du silence.
À première vue, elle est « la fille de Vincent Lindon« . Mais cette étiquette, flatteuse, s’efface dès les premières minutes de son film. Sélectionné à Cannes dans la section First Features, Seize Printemps révèle un instinct narratif singulier. Réalisatrice, scénariste et actrice, elle capte les contours flous de l’adolescence avec une sincérité désarmante, où la fragilité devient force.
À l’ombre du nom, l’éclat d’une voix propre

Il serait tentant de réduire son émergence à l’héritage familial. Certes, être la fille de Vincent Lindon et de Sandrine Kiberlain, c’est naître au cœur d’une constellation prestigieuse. Pourtant, c’est à l’écart de ce privilège qu’elle forge sa propre voix. Pas par révolte, mais par décrochage discret. Comme un pas de côté. Un style qui dit : « Je suis là, mais autrement. »
Elle assume une esthétique de la retenue, une mélancolie sans pathos. Seize Printemps devient ainsi un premier geste clair : une jeune réalisatrice qui ne demande ni validation ni indulgence.
Cinéma d’auteur et gestes contemporains
Suzanne Lindon manie les silences comme d’autres les dialogues. Cette économie de mots renforce l’émotion, la rend plus incarnée. Elle s’inscrit, à ce titre, dans une filière subtile du cinéma français aux côtés de Mia Hansen-Løve ou de Céline Sciamma, tout en imposant une touche plus intuitive, plus sensorielle.L’ombre tutélaire de Vincent Lindon plane inévitablement. Mais loin d’être un raccourci, ce nom devient une matière à travailler, à redéfinir. Dans ses interviews, Suzanne Lindon parle peu de ses parents. Elle parle de lumière, de respiration, de rythme. Cette manière de déplacer le centre de gravité est une déclaration en soi : elle ne fuit pas l’héritage, mais le détourne.
Suzanne Lindon, miroir d’une génération
Elle ne revendique rien avec fracas, mais sa posture incarne une jeunesse en quête de nuances. Ni « fille de », ni emblème militant, Suzanne Lindon est l’image d’une féminité en métamorphose. Une voix douce, une main ferme. Une lenteur assumée, dans un monde pressé. Festival après festival, son nom s’installe, avec discrétion mais sûreté. Elle devient, sans l’avoir cherché, une figure d’inspiration pour une nouvelle génération du cinéma d’auteur.
Et maintenant ?

Depuis Seize Printemps, Suzanne Lindon avance avec une rare exigence. En 2025, elle tient le rôle principal dans La venue de l’avenir, le nouveau long-métrage de Cédric Klapisch, présenté en hors-compétition au Festival de Cannes. Elle y incarne Adèle, une jeune femme qui quitte sa Normandie natale en 1895 pour Paris, à l’aube de la révolution industrielle et artistique. Le film tisse un dialogue entre deux époques – 1895 et 2025 – autour d’une maison de famille, d’un héritage commun et de la mémoire. Grâce à ce rôle ancré dans l’Histoire mais traversé par une sensibilité contemporaine, Suzanne Lindon déploie une ampleur nouvelle.
Toujours dans un registre subtil, elle parvient ici à incarner une héroïne du passé sans jamais perdre la modernité de son regard. Ce retour à l’écran, sous la direction d’un cinéaste aussi populaire qu’exigeant, marque un tournant dans sa filmographie. Elle ne cherche pas à séduire : elle cherche juste. Et c’est précisément ce qui frappe.