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Silvia Venturini Fendi
Née en 1961 à Rome, Silvia Venturini Fendi grandit au cœur d’un empire tissé par cinq femmes visionnaires.

Les débuts de Silvia Venturini Fendi
Très tôt, elle s’imprègne du savoir-faire artisanal et de la rigueur esthétique qui font la renommée de la maison. En effet, alors que d’autres enfants s’initient au monde en observant leurs parents, elle le fait dans les ateliers. À travers le cuir, les fils et les gestes précis, elle comprend la valeur de l’élégance. Ainsi, lorsque Karl Lagerfeld rejoint la maison en 1965, Silvia baigne déjà dans un univers de création continue. Et avant même d’entrer officiellement dans l’entreprise, elle a saisi l’essentiel : le luxe n’est pas une surface, mais une vision.
Héritière mais pionnière
Dès les années 1990, l’artiste-designer commence à tracer sa propre voie. Bien qu’elle soit issue d’une dynastie puissante, elle ne se repose jamais sur son nom. À l’inverse, elle multiplie les initiatives pour repenser le style Fendi. En 1997, elle lance le sac Baguette. Aussitôt, l’accessoire devient culte. Pourtant, son succès ne tient pas seulement à sa forme compacte ou à sa praticité. En réalité, il condense l’esprit d’une époque et anticipe un besoin : celui d’un luxe ludique, personnel, adaptable. Grâce à ce geste créatif, Silvia place l’objet au centre d’un récit. Désormais, un sac peut devenir symbole.
Ce tournant affirme une chose : la créatrice n’est pas uniquement une gardienne de l’héritage. Bien au contraire. Elle est capable d’innover, d’oser, de détourner. Son style mêle rigueur romaine et ironie contemporaine. De plus, elle comprend que le luxe ne doit pas rester figé. Il doit évoluer sans jamais trahir ses fondations.
Le sens de l’équilibre
Tout au long des décennies suivantes, Silvia Venturini Fendi construit une identité forte. Tandis que Karl Lagerfeld dirige la mode féminine, elle prend en charge les accessoires et la ligne masculine. Ainsi, elle apprend à composer avec les contrastes. D’un côté, elle veille à préserver la tradition ; de l’autre, elle introduit sans cesse de nouveaux codes. D’ailleurs, ses collections pour hommes témoignent d’un regard singulier : ni trop classique, ni trop avant-gardiste. Par ailleurs, elle insiste sur la dimension tactile du vêtement, sur le lien entre forme et sensation. En ce sens, elle reste fidèle à l’ADN artisanal de Fendi, tout en le projetant vers l’avenir.
Une parole olfactive
En 2024, la créatrice franchit un nouveau cap avec le lancement de sept parfums. Chacun évoque un membre de la famille ou un souvenir intime. Dès lors, elle étend le territoire émotionnel de la marque. Ce projet, profondément personnel, révèle une approche sensorielle du luxe. Plutôt que de céder à la tendance, elle façonne un univers cohérent, où chaque senteur raconte une histoire.
Ainsi, la fragrance devient un geste intime, presque narratif. Grâce à cette extension olfactive, la directrice artistique ne se contente pas de vendre un produit : elle propose une expérience. D’autant plus que les flacons, conçus comme des objets d’art, incarnent une esthétique sobre et sculpturale. En cela, ils s’inscrivent dans la continuité du design Fendi, tout en lui offrant une nouvelle portée.
Le centenaire : mémoire et projection
Lorsque la maison célèbre son centième anniversaire, Silvia orchestre un défilé mêlant passé et avenir. À Milan, elle présente une collection-hommage, dans laquelle se croisent les codes historiques et les élans contemporains. Robes aériennes, manteaux architecturaux, accessoires repensés : chaque pièce témoigne d’un dialogue constant entre stabilité et mouvement.
À cette occasion, elle rappelle que la mémoire est un levier, non un fardeau. En réactivant les archives, elle ne se contente pas de regarder en arrière. Au contraire, elle en extrait une énergie nouvelle. De ce fait, elle démontre qu’un héritage ne vaut que s’il est réinventé. Ce principe, elle l’applique aussi dans ses collaborations avec Kim Jones, avec qui elle partage une vision transversale du luxe.
Une main visible
Contrairement à d’autres figures de la mode, Silvia Venturini Fendi ne cultive pas la distance. Elle préfère la proximité, sans ostentation. De plus, elle entretient un lien fort avec les artisans. Elle les connaît, les respecte, les valorise. Ainsi, ses créations ne tombent jamais dans l’abstraction. Elles gardent une forme de matérialité, une vérité dans le geste.
Dans un monde où l’image prime souvent sur la matière, elle choisit l’inverse. Elle affirme que le luxe se niche dans le détail, dans l’ombre du visible. En ce sens, elle incarne une résistance douce, mais ferme, à l’accélération contemporaine. Elle prône une vision responsable, sans slogan. Elle parle peu. Elle agit. C’est peut-être là sa signature : discrète, mais déterminante.
Transmission et singularité

Silvia incarne une forme rare de continuité. Mais elle ne se contente pas d’être le trait d’union entre générations. Elle transforme cette position en force. Grâce à elle, Fendi reste une maison vivante, capable de dialoguer avec son temps. D’ailleurs, son intérêt pour les jeunes talents, pour l’art contemporain ou pour l’architecture témoigne de cette ouverture constante.
En parallèle, elle ne renonce jamais à sa singularité. Chaque décision semble motivée par une intuition, plus que par une stratégie. Néanmoins, cette intuition repose sur des années d’observation, de pratique, de complicité avec les matériaux. En cela, elle rappelle que la mode n’est pas seulement une industrie : c’est aussi une manière d’habiter le monde.
L’éthique du style
En somme, Silvia Venturini Fendi est bien plus qu’une héritière. Elle est une voix. Une main. Une mémoire active. À travers ses choix, elle redéfinit le luxe comme un territoire d’émotions, de récits et de matières. Grâce à son travail, la maison Fendi ne se contente pas de durer : elle se transforme. Lentement. Profondément. Visiblement. Ainsi, dans un monde où la visibilité devient souvent superficielle, elle choisit la densité. Elle rappelle que l’élégance peut être une forme d’engagement. Et qu’il est possible de bâtir une œuvre discrète, mais essentielle.