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Patti Smith
Patti Smith naît le 30 décembre 1946 à Chicago, au sein d’une famille modeste. Son père est machiniste, sa mère, ancienne chanteuse de jazz, travaille ensuite dans un hôpital.
Les débuts de Patti Smith
Très jeune, Patti découvre la force des mots, des sons et du rythme. Elle grandit dans un foyer où le travail, la culture et la foi s’entremêlent, formant une personnalité à la fois rigoureuse et rêveuse. Durant son enfance, elle grandit dans le New Jersey, un environnement industriel mais inspirant. L’adolescence, marquée par la religion, la confronte à la rigidité morale des Témoins de Jéhovah. Ce cadre, trop étroit pour sa curiosité, la pousse à s’en émanciper. Elle comprend que la liberté, pour elle, passera par la création. Dès lors, elle lit sans relâche. Rimbaud, Genet, Blake ou encore Burroughs deviennent ses compagnons spirituels.
Dans les années 1960, elle quitte sa banlieue pour New York, ville bouillonnante et magnétique. Là, tout est possible. Elle rêve de devenir artiste, sans savoir encore dans quel domaine. Très vite, elle se lie d’amitié avec le photographe Robert Mapplethorpe, rencontré en 1967. Ensemble, ils vivent dans la pauvreté mais partagent la même conviction : l’art peut sauver.
New York, la scène et la révolte
Au début des années 1970, Patti Smith s’affirme comme une figure essentielle de la scène underground new-yorkaise. Elle commence par la poésie, donnant des lectures publiques accompagnées de guitare électrique. Ces performances mêlent parole et musique, mots et cris, et bouleversent les codes du genre.
Rapidement, sa voix attire l’attention. En 1974, elle forme le Patti Smith Group et entre en studio pour enregistrer son premier album. En 1975, sort Horses, produit par John Cale, membre du Velvet Underground. L’album, mélange de rock brut, de poésie viscérale et de révolte spirituelle, bouleverse le paysage musical. La pochette, immortalisée par Mapplethorpe, montre Patti, androgyne et fière, vêtue d’une chemise blanche et d’une cravate noire. Cette image deviendra mythique.
La poétesse du punk
Le succès de Horses propulse Patti Smith au premier plan de la scène musicale. Elle devient la poétesse du punk, une artiste capable de lier l’énergie des Sex Pistols à la profondeur de Rimbaud. Ses concerts, électriques et habités, ressemblent à des cérémonies où le rock devient rituel.
Elle enchaîne avec Radio Ethiopia en 1976, puis Easter en 1978. Ce dernier contient l’un de ses plus grands succès, “Because the Night”, écrit avec Bruce Springsteen. Cette chanson incarne toute la puissance émotionnelle de Patti Smith : la passion, la foi et la mélancolie.
Peu après, elle s’installe à Détroit avec le musicien Fred “Sonic” Smith, ancien membre du groupe MC5. Leur union marque une parenthèse paisible dans la vie tumultueuse de l’artiste. Ensemble, ils élèvent deux enfants, Jackson et Jesse, loin du tumulte médiatique.
Le silence et le retour

Pendant près d’une décennie, Patti Smith s’éloigne des projecteurs. Elle se consacre à sa famille, écrit des poèmes et s’interroge sur sa place dans le monde. Ce retrait n’est pas un abandon, mais une respiration. En 1994, la mort de son mari l’oblige à retrouver la scène. Ce retour, douloureux mais nécessaire, redonne sens à sa voix. Son album Gone Again, sorti en 1996, marque son renouveau artistique. Profond, introspectif, il rend hommage à ceux qu’elle a perdus, notamment Robert Mapplethorpe. Patti Smith y exprime la douleur, mais aussi la gratitude. Elle retrouve alors un public fidèle, touché par sa sincérité.
Au fil des années, elle continue d’enregistrer, d’écrire et de se produire dans le monde entier. Ses albums suivants, comme Peace and Noise ou Trampin’, confirment son engagement artistique et politique. Son écriture, toujours aussi incandescente, s’enrichit d’une sagesse nouvelle.
L’écriture comme mémoire
Au-delà de la musique, Patti Smith s’impose comme une grande auteure contemporaine. En 2010, elle publie Just Kids, récit bouleversant de sa jeunesse et de sa relation avec Mapplethorpe. Le livre remporte le National Book Award et consacre son talent littéraire. Elle y raconte sans fard la beauté, la pauvreté et l’amitié qui ont forgé son art.
D’autres ouvrages suivront, comme M Train ou Year of the Monkey, où elle mêle souvenirs, rêves et réflexions sur le temps. À travers ces livres, Patti Smith explore la mémoire et la création avec une délicatesse rare. Son écriture, à la fois poétique et lucide, évoque la persistance du désir, la solitude et la lumière que l’on trouve dans le quotidien.
L’héritage d’une légende
À plus de soixante-dix ans, Patti Smith demeure une figure essentielle de la culture mondiale. Son influence dépasse largement la musique. Des générations entières d’artistes, d’écrivains et de musiciens revendiquent son héritage. Elle a ouvert la voie à une nouvelle conception de la femme artiste : indépendante, intellectuelle et courageuse. Ses œuvres continuent de rappeler que la poésie n’est pas un luxe, mais une nécessité. Sa voix, tantôt grave, tantôt fragile, reste l’écho d’une époque qui refusait le conformisme. Son regard, lucide mais bienveillant, témoigne d’une force tranquille et d’un amour profond pour l’humanité.
Patti Smith n’est pas seulement une chanteuse, ni même une écrivaine. Elle est une conscience poétique, une passerelle entre les arts, une voix qui relie le sacré et le profane. En elle se mêlent la rage du punk, la sagesse des poètes et la tendresse des rêveurs.